Des incidents graves ont conduit Pôle emploi à formaliser des réponses en cas d’actes violents, mais les procédures n’enrayent pas la montée des tensions à l’accueil.
À Pôle emploi, la prise d’otages survenue en octobre 2011 dans une agence parisienne a mis en évidence une tension croissante entre usagers et agents. Tout en soulignant que les revendications du preneur d’otages ne concernaient guère Pôle emploi, Christian Charpy, alors président de l’organisme public, a admis à cette occasion « la fréquence d’incidents agressifs ». Mais la mission lancée dans la foulée sur la conduite à tenir en cas d’incident grave reste inaboutie tandis que les faits divers se succèdent.
Manque d’effectifs
À Chambéry, une agence de Pôle emploi a été saccagée lors de violences urbaines en septembre dernier. À Saint-Girons, un demandeur d’emploi a été condamné à des travaux d’intérêt général pour avoir giflé et menacé de mort sa conseillère. Dans le Cher, les agents ont adressé une lettre ouverte aux élus pour les interpeller sur les débordements qu’entraîne le mécontentement croissant des usagers. Si la direction invoque essentiellement la hausse du nombre de demandeurs d’emploi pour expliquer la fréquence des incidents, les syndicats unanimes pointent le manque d’effectifs et de moyens et les dysfonctionnements liés à la fusion des organismes d’indemnisation et de reclassement au sein de Pôle emploi en 2008.
Les faits survenus en octobre dernier à Paris n’ont pas abouti sur une réflexion de fond. La véritable prévention passe par une refonte complète de l’accueil. Dans leurs réclamations écrites, les demandeurs d’emploi indiquent souvent qu’ils ne parviennent pas à obtenir une réponse ou qu’ils ont reçu plusieurs réponses contradictoires. La notion de référent unique instituée lors de la fusion se traduit, trois ans plus tard, par des salariés interchangeables qui ont perdu en compétences.
Annette Despic, déléguée CFDT du CHSCT d’Île-de-France
Alors que seuls 50 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés, 80 % des visites au guichet portent sur des problèmes d’allocation. Faute d’obtenir une réponse à des questions vitales, les entretiens peuvent prendre une tournure orageuse.
« La violence institutionnelle nourrit des tensions nombreuses et répétées. Une véritable prévention suppose une meilleure qualification, des moyens accrus et une réorganisation du travail pour replacer les relations avec les usagers dans le cadre de la normalité », estime Rubens Bardaji, secrétaire général de la CGT de Pôle emploi.
Le syndicat dénonce « les grandes difficultés à se remettre en cause et à intégrer les risques éventuels qu’elle fait courir aux agents dans ses projets d’organisation ou dans ses directives. » La direction a généralisé l’alarme silencieuse, jadis réservée aux employés de l’ANPE, à l’ensemble des agents. Les nouveaux sites de Pôle emploi intègrent systématiquement des espaces de dégagement permettant aux salariés de se mettre à distance.
Après la prise d’otages parisienne, le CHSCT de Pôle emploi Île-de-France a formalisé les procédures à mettre en œuvre en cas d’incidents violents. Les agents doivent déclarer l’incident sous 48 heures en accident du travail. Le dépôt d’une plainte permet à Pôle emploi d’enclencher une « protection fonctionnelle » prévoyant, entre autres, la prise en charge d’éventuels frais d’avocats. Mais les incivilités ne sont pas punissables par la loi et les plaintes demeurent rares en cas d’insultes ou de menaces.
PÔLE EMPLOI
Activité : placement et indemnisation des demandeurs d’emploi.
Effectifs : 45 422 agents.
Budget : 1,3 milliard d’euros en 2012.
Nombre d’inscrits : 2 861 700 personnes en France métropolitaine, fin janvier 2012.
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