Porté par les intercommunalités de Metz, Nancy, Thionville et Epinal, le Sillon lorrain défend depuis sa fondation les intérêts métropolitains et transfrontaliers de ses membres et de ses territoires associés. Délégué général de l’institution, Vincent Gross place la culture au cœur des enjeux lorrains.
Quelle place la culture occupe-et-elle dans le projet du Sillon lorrain ?
Elle y a occupé une place importante dès les prémisses du Sillon. Parmi les premiers projets portés par les quatre villes fondatrices figuraient la mise en réseau des Salles de musiques actuelles et la contractualisation avec le Pass Musées du Rhin supérieur pour étendre à la Lorraine la possibilité d’accéder avec un même « passeport » à 320 sites l’Alsace, de Rhénanie-Palatinat, du Bade-Wurtemberg et de la Suisse.
Aujourd’hui, la culture demeure un enjeu essentiel pour la Lorraine – tandis qu’en Alsace, la question se pose plutôt en termes d’identité. La Lorraine, qui tirait sa richesse de son sous-sol, est projetée d’une culture très patrimoniale à un univers de flux et de réseaux. La marche est haute, mais l’enjeu est particulièrement intéressant. Notre région expérimente avant les autres les enjeux de la mondialisation. Elle apprend de nouveaux modes d’actions, notamment dans le numérique et le virtuel. Le Sillon se trouve en première ligne pour aider des territoires différents à transformer leurs contraintes en atouts.
Comment cette aide se concrétise-t-elle ?
La mission du Sillon n’est pas de faire, mais d’aider à faire. Nous assurons entre autres une mission d’ingénierie de projets, technique et financière, pour accompagner les territoires. Il devient de plus en plus difficile de mobiliser des ressources adaptées aux projets des territoires, d’autant que la Région, l’Etat et l’Europe sont loin. Nous avons engagé une tournée des intercommunalités pour réaliser une revue de leurs projets et les inciter à engager des crédits européens non consommés. Ainsi, nous les aidons à préparer la prochaine génération des fonds européens de développement régional (Feder) et du fonds social européen (FSE), sans oublier de proposer une assistance pour répondre aux appels d’offres lancés par l’Union européenne.
Ce travail s’inscrit dans la fonction essentielle du Sillon, qui consiste à favoriser la création de valeur dans les domaines du savoir, de l’économie, du commerce, de la santé, du bien-être et de la culture.
Dans quelle mesure la culture crée-t-elle de la valeur ?
A moyen terme, le principal problème du Sillon, mais plus généralement, du Grand Est et des pays voisins, sera celui du manque d’actifs. Il y a un tissu d’entreprises performant, mais de moins en moins de salariés pour les faire fonctionner. D’ici 2035, ans, la Moselle aura perdu 120.000 actifs et la Grande Région près de 600.000 du fait du simple effet démographique ! Il est donc vital d’attirer des jeunes ménages et des actifs qualifiés de toutes origines. Les politiques menées en faveur de la culture et du bien-être peuvent y contribuer.
La Lorraine est riche d’une culture du brassage et de la mixité. C’est cette culture multifacettes que nous voulons mettre en avant. Le Sillon existe par l’image que cette diversité lui renvoie.
La bibliothèque numérique mise en place par les quatre collectivités du Sillon s’inscrit-elle dans cet dans cet objectif ?
Oui. En mettant en réseau le patrimoine littéraire, scientifique et documentaire, le Sillon permet à chacun de ses membres et associés de valoriser son propre territoire dans ses limites et au-delà.
L’archivage et la mise en ligne des textes, des musiques et des vidéos constituent une valeur. Connaître son passé aide à comprendre le présent, à ne pas reproduire les erreurs du passé. Toute perte de mémoire est une perte de culture.
Mis en ligne, ce patrimoine offre la possibilité de créer des e-galeries, des expositions virtuelles, des documents par lesquels des entités aussi différentes que le Val de Fensch ou Saint-Dié retraceront leur passé commun ou partagé et se projetteront dans l’avenir. Un écosystème se construit avec la culture de chacun et les atouts de tous.
Bon nombre des villes et territoires du Sillon sont frontaliers. Votre objectif est-il de mettre les réseaux régionaux et frontaliers en réseau ?
La mise en réseau ne se décrétera pas. C’est à ceux qui veulent agir de prendre des initiatives. A ma connaissance, le fonds de presse ancienne de l’i-média intéresse déjà Strasbourg ainsi que les archives de la ville de Trèves. Il y beaucoup d’autres coopérations possibles. Le Sillon lui-même ambitionne de se positionner comme site pilote national des Bibliothèques de référence. Nous sommes en train de créer la structure juridique et financière qui nous permettra d’étendre cette politique d’édition, de diffusion et de partage au Grand Est et aux pays voisins. Les projets du Sillon n’auraient aucun sens s’ils ne s’inscrivaient pas dans une dimension transfrontalière.
Propos recueillis par Pascale Braun
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