Le Parlement européen ouvre la voie à la « mobilité longue » qui permettrait aux apprentis d’effectuer leur formation en alternance dans le pays de leur choix durant six à douze mois
En théorie, rien ne s’oppose à ce que les apprentis européens effectuent une partie de leur formation dans un des pays de l’Union, mais dans les faits, cet Erasmus de l’apprentissage s’avère à peu près irréalisable.
Les difficultés proviennent moins du financement que des disparités administratives et juridiques. Si les réglementations n’évoluent pas, la mobilité des apprentis à l’échelle européenne restera un vœu pieux !
Annie Perrinel, collaboratrice de Jean Arthuis
Le député européen centriste a lancé voici deux ans un programme pilote porté par les Compagnons du devoir pour expérimenter une mobilité longue – de 6 à 12 mois – à l’échelle de 12 pays européens. L’initiative doit déboucher à terme sur un nouveau contrat d’apprentissage porté par la France et applicable à l’ensemble de l’Union.
Placé, côté français, sous la double tutelle des ministères de l’Emploi et de l’Education, le projet a commencé par un gros patinage. En février 2016, le consortium « European Apprenticeship Ambassadors – Go Further » réunissant 33 centres de formation émanant de 11 pays a élaboré un projet mobilisant les fonds Erasmus au profit de 145 apprentis européens, dont une moitié de Français. Un financement de 782 000 euros, représentant 85 % du coût total du projet, a bel et bien été débloqué… mais les bourses sont arrivées trop tard ! La plupart des candidats ont dû renoncer à leur projet faute de pouvoir faire face aux frais de voyage, d’hébergement et de subsistance. Le volontarisme de certains centres de formation et de conseil régionaux, qui ont débloqué des fonds de solidarité ou pioché dans d’autres fonds de mobilité, ont néanmoins permis à quelques dizaines d’apprentis de partir.
A l’occasion de cette première expérience, nous avons pris conscience des obstacles réglementaires, mais aussi des grandes différences d’approche de l’apprentissage d’un pays à l’autre. Les difficultés que nous avons rencontrées ont nourri nos travaux.
Vanessa Duval, responsable de la formation à l’international chez les Compagnons du Devoir
A cet égard, le faux-départ a été riche d’enseignements. Les 28 Etats membres proposent autant, voire plus de dispositifs d’apprentissage, certains pays présentant des différences notables d’une région à l’autre. Le contrat de travail qui lie l’apprenti à son employeur national pour sa formation pratique à l’ étranger se heurte à des difficultés juridiques quasi-insurmontables pour des formations longues. L’employeur français qui laisserait son apprenti se former chez un confrère lituanien serait tenu pour responsable en cas de d’accident du travail survenu dans ce pays. De même, un employeur polonais se devrait d’appliquer le droit du travail français pour accueillir un stagiaire venu de l’Hexagone. Volontaristes, certains CFA proposent néanmoins des programmes de mobilité transnationale, mais pour des durées excédant rarement trois semaines consécutives.
Les échanges réalisés dans le cadre de la première phase se sont avérés très positifs.
Nous n’avions jamais reçu de stagiaire étranger, mais nous sommes tout disposés à réitérer l’expérience. Les deux apprentis français que nous avons accueilli durant quatre mois nous ont initié à la pâtisserie française et nous leur avons appris à confectionner nos propres produits traditionnels.
Virpi Hirvonen, boulangère en Finlande
En février dernier, la Commission européenne a lancé un deuxième appel d’offres pour concrétiser le projet initial. Toujours à la manœuvre, les Compagnons du Devoir, qui coordonnent 16 CFA français impliqués dans le programme, organisent la deuxième vague de départs à partir d’octobre 2017 – avec cette fois l’assurance que les bourses arriveront à temps.
La Commission européenne élabore en parallèle un projet de contrat d’apprentissage « parcours international » qui intégrerait dès sa signature une mobilité longue. Durant son stage à l’étranger, l’apprenti relèverait du statut d’étudiant des métiers. Son CFA d’origine veillerait à la qualité de la formation. Son contrat de travail avec son entreprise d’origine serait temporairement suspendu jusqu’à son retour dans son pays. Sa rémunération serait identique à celle des boursiers d’Erasmus. Cette solution permettrait, en France comme en Europe, de revaloriser l’apprentissage en le plaçant à égalité avec l’enseignement universitaire.
Dans les médias
La Repubblica. Un jeune Italien sur cinq sans emploi ni formation
Dans la tranche d’âge 15/24 ans, 37 % des jeunes Italiens sont au chômage et 20 % n’ont ni emploi, ni formation, contre une moyenne européenne de 11 % de moyenne. Ce taux de Neet, acronyme anglophone de “Neither in Employment nor in Education and Training“, est le plus élevé des 28 pays de l’Union européenne. L’Italie compte également le plus fort taux de travailleurs indépendants d’Europe (22,6 %) et constitue le seul pays de l’Union à voir progresser le taux de grande pauvreté (12 % de la population en 2016). La Repubblica, quotidien généraliste, 17 juillet 2017.
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