Le tribunal de grande instance d’Epinal, saisi par plusieurs éleveurs, soupçonne que des farines animales non conformes ont été importées entre 1990 et 1994. Il demande aux administrations de l’Agriculture et des Douanes de s’expliquer. Le gouvernement envisage d’interdire définitivement ces farines.
L’intensification de la crise de la vache folle va-t-elle sonner le glas définitif des farines animales ? C’est la voie que semble indiquer Jean Glavany, le ministre de l’Agriculture, qui affirme, dans un entretien publié dimanche par le quotidien le Progrès, que la disparition de ces farines (toujours autorisées pour l’alimentation des poulets, porcs et poissons d’élevage) était « un objectif sûrement incontournable ». Et ceci malgré les problèmes qui en découleraient : cette suppression « entraînerait la fermeture de nombreux établissements, avec la mise au chômage de plusieurs milliers de salariés » a insisté le ministre, ajoutant qu’il faudrait encore trouver des solutions pour traiter les trois millions de déchets animaux, et pour remplacer ces protéines par d’autres d’origine végétale. Le syndicat des industries françaises de coproduits animaux (Sifco) estime, quant à lui, à environ 5 milliards de francs le coût de la suppression totale des farines animales, et signale que l’approvisionnement en nourriture de remplacement peut conduire à des importations massives, entraînant un surcoût de plus de 700 millions de francs par an.
Ovins et caprins
Alors que le dossier est ouvert, l’Etat va aussi devoir s’expliquer sur son attitude passée vis à vis de ces farines. Le juge Yves Lesperance, vice-président du tribunal de grande instance d’Epinal (Vosges), a sommé la Direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture et la Direction générale des Douanes (ministère de l’Economie), dans une ordonnance du 27 septembre, de s’expliquer sur l’importation de farines animales entre 1990 et 1994. Une période au cours de laquelle ces farines étaient interdites pour l’alimentation des bovins, la mesure ayant été étendue, en 1994, aux ovins et caprins. Or, il est possible que des dérogations aient été accordées à des importateurs de farines par les services vétérinaires. Le problème est d’autant plus crucial qu’il se double de possibles fraudes sur l’origine de ces farines. En effet, la première protection mise en oeuvre par la France, sur ce dossier, avait consisté à interdire, à partir d’août 1989, l’importation de farines animales en provenance du Royaume Uni. Des importations frauduleuses, à tort étiquetées comme provenant d’Irlande, ont déjà été suspectées dans le passé, comme La Tribune l’avait révélé en octobre 1996.
Sous peine d’astreinte
C’est précisément sur ces points que le TGI d’Epinal veut se pencher, après avoir été saisi, en 1996, de demandes d’assignation émanant de onze éleveurs vosgiens désireux de connaître la composition et l’origine des aliments qu’ils ont reçus pour leurs troupeaux. Depuis, le juge estime n’avoir pas obtenu de réponse claire à ses questions. L’expert désigné, Gilbert Mouthon, de l’Ecole vétérinaire de Paris, s’est heurté à d’importantes difficultés pour recueillir des informations, tant auprès des fabricants et distributeurs d’aliments pour bétail que des administrations. Yves Lespérance a donc sommé les ministères de l’Agriculture et de l’Economie de fournir toutes pièces utiles à la poursuite de l’enquête d’ici au 1er décembre, sous peine d’astreinte. Les deux administrations concernées ont indiqué, vendredi, qu’elles répondraient à toutes les question de la justice. Cette affaire, révélée vendredi par le quotidien la Liberté de l’Est, a d’autant plus de retentissement dans les Vosges que sa mise à jour coïncide avec la découverte, le 25 octobre, du premier cas d’encéphalite spongiforme bovine dans le département.
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