Au 1 er janvier prochain, la moitié des TER lorrains ne pourront plus circuler sur les rails luxembourgeois. Les travailleurs frontaliers subiront dès mi-décembre les conséquences d’un cafouillage au long cours.
A compter du 15 décembre prochain, les 12.000 Lorrains empruntant quotidiennement le train pour travailler au Luxembourg vont connaître six mois de galère. En cause : l’impossibilité pour la moitié des 25 rames françaises de passer la frontière. Tout cela à cause d’une norme, l’European Rail Traffic Management System (ERTMS), à laquelle les TER frontaliers français auraient dû se conformer depuis… 2017.
Voilà deux ans que le Luxembourg a fini d’équiper ses rames avec ce protocole de communication entre trains que l’Europe encourage pour renforcer la sécurité ferroviaire. Mais côté français, l’opération a pris du retard à cause de l’ex-conseil régional de Lorraine, qui n’a pas financé à temps ces opérations. La complexité des relations diplomatiques entre autorités régulatrices différentes de part et d’autre de la frontière n’a rien arrangé.
Changement de TER
Le Grand-Duché a longtemps sous-investi dans les transports ferroviaires avant de mettre les bouchées doubles avec une stratégie pour la mobilité durable d’un montant de 2 milliards d’euros – s’arrêtant à la frontière. Il a commencé dès le début de la décennie à adapter ses rames au système ERMTS, mais a achevé son programme avec deux ans de retard, tant l’interopérabilité s’est avérée complexe. Le Luxembourg avait initialement proposé d’accorder à la France jusqu’à juin 2020 pour mettre en conformité ses rames circulant sur le réseau des Chemins de fer luxembourgeois (CFL). L’accident ferroviaire de Dudelange, qui a coûté la vie à un cheminot en février 2017 et qui aurait pu être évité grâce à ce protocole, a convaincu l’Etat grand-ducal d’accélérer les choses. La date butoir a été avancée au 1er janvier prochain.
100.000 frontaliers lorrains
Or l’Etat français a tardé à prendre la mesure du fait frontalier, qui concerne aujourd’hui plus de 100.000 Lorrains. Côté lorrain, Jean-Pierre Masseret, ex-président socialiste du conseil régional de Lorraine, s’est arc-bouté en 2012 sur le mot d’ordre « Paris payera » pour refuser de payer les 28 millions d’euros de frais de mise aux normes. Premier président du conseil régional du Grand Est, Philippe Richert a découvert le « cadavre dans le placard » lors de sa prise de fonction en 2016. Il a négocié avec le ministère luxembourgeois des Transports un échéancier de 60 mois portant l’harmonisation des systèmes à juin 2020. En 2017, son successeur Jean Rottner a accéléré autant que possible le passage à l’ERTMS, mais certains retards s’avèrent techniquement impossibles à rattraper.
Résultat : la SNCF ne pourra faire rouler que 13 rames après le 1er janvier. Elle annonce même 26 ruptures de charge par jour dès le 15 décembre, imposant des correspondances à ses usagers. Ceux-ci devront descendre du TER en gare de Thionville et remonter dans une rame équipée sur le même quai – sauf, bien sûr, si des retards viennent contrarier ce bel ordonnancement.
Nous craignions des difficultés, surtout dans le sens des retours le soir, mais nous notons des signes de bonne volonté de la part des CFL et une amélioration du dialogue entre autorités régulatrices. La nécessité de concevoir le réseau comme un RER transfrontalier apparaît enfin clairement.
Dimitri Janczak, secrétaire adjoint de l'Association des voyageurs du TER Metz-Luxembourg
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