Confirmée en début d’été, la mauvaise nouvelle est passée presqu’inaperçue. Projet phare de l’Eurodistrict Sarre-Moselle, le tram-train Forbach Sarrebruck, qui devait desservir le cœur et la périphérie de l’ancien bassin houiller, est passé à la trappe. Le Land de Sarre a jugé prioritaire d’investir dans ses propres infrastructures régionales. Son retrait fera perdurer le triste paradoxe d’un est mosellan miné par le chômage aux portes d’industries sarroises en mal de travailleurs.
De part et d’autre de la frontière, trois générations d’élus et de fonctionnaires territoriaux ont patiemment édifié les structures d’une coopération politique, technique et citoyenne. L’Eurodistrict SaarMoselle pose le principe d’un territoire franco-allemand d’un million d’habitants surmontant les séquelles d’une histoire commune pour reconstruire une nouvelle prospérité. Côté mosellan, le schéma de cohérence territoriale Val de Rosselle milite pour un bassin houiller solidaire conscient de ses priorités : désenclaver les cités, rétablir l’égalité des chances, reconstruire les cœurs de villes, préserver les paysages.
Dix ans après la fin de l’exploitation charbonnière, les brèches de l’est mosellan n’ont pourtant jamais été aussi visibles. En dépit d’indicateurs sanitaires alarmants, le bassin houiller a été incapable de se doter d’un plateau technique unique pourtant validé par l’agence régionale de santé. Les efforts de rénovation urbaine n’ont éradiqué ni l’habitat indigne, ni les ghettos. La crise de 2008 a cassé la dynamique de réindustrialisation qui devait assurer un avenir aux enfants des mineurs.
A l’affût des fractures, le Front national espère faire son bastion d’une terre d’immigration. Lorrains, Sarrois, Italiens, Polonais, Arabes ont édifié un bassin houiller naguère prospère et laborieux, qui ne manque aujourd’hui ni de motifs de fierté, ni de raisons d’espérer. Haut lieu de la mémoire minière, le carreau Wendel affirme des ambitions culturelles et architecturales. Pionnier de la coopération transfrontalière, le bassin poursuivra vaille que vaille la construction de passerelles vers la Sarre. Des gisements de son sous-sol aux mannes de la méthanisation, l’est mosellan peut trouver les ressources d’une énergie nouvelle.
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Pouvoirs publics et collectivités pensaient avoir anticipé l’impact de la fermeture des mines de charbon de l’est de la Moselle. Mais en l’espace d’une décennie, les anciennes cités minières ont sombré dans la pauvreté et l’exclusion. Conscientes de l’urgence, quatre intercommunalités mobilisent dans un Scot les politiques de la ville et voient dans la coopération transfrontalière une planche de salut. Mais les projets structurants achoppent sur le manque de moyens et sur les carences de la cohésion territoriale.
Voici dix ans, la fermeture de la mine de Freyming-Merlebach a scellé la fin de 150 ans d’épopée charbonnière. Elle a aussi marqué le délitement d’un modèle de cohérence urbaine et sociale. Les Houillères du bassin de Lorraine (HBL) avaient façonné à leur guise paysages, infrastructures et habitat dans les collines boisées de l’est mosellan.
« Laisser la plupart des friches retourner à la nature »
Le bassin houiller est-il parvenu à trancher la répartition des moyens entre les noyaux urbains et les anciennes cités minières excentrées ?
Le Scot prévoit de recentrer les moyens en priorité sur les logements vacants et sur la densification des centres urbains plutôt que sur les cités éloignées de tout.
Si on veut donner une attractivité à ce bassin, il faut se concentrer sur quelques objectifs bien ciblés. La question se pose dans les mêmes termes pour les friches. Sur les 1 000 hectares que l’Etablissement public foncier de Lorraine détient en portefeuille, il faut en traiter 200 en y implantant des projets d’avenir et laisser les 800 autres retourner à la nature.
« La coopération transfrontalière ne se fait pas en un jour »
L’Eurodistrict avait fait du tram-train son projet phare. Le gel du projet suite au désistement du Land de Sarre constitue-t-il son premier grand revers ?
On ne peut pas le qualifier ainsi. L’Eurodistrict s’est engagé dans de nombreux thèmes, dont celui de la mobilité, où il est parvenu à maintenir et à étoffer une ligne de bus transfrontalière. La Sarre s’est retirée pour des raisons de modération des dépenses que nous devons accepter. Nous voulions réaliser une étude de faisabilité pour demander des subventions. Le Land n’est pas dans cette logique, mais les élus sarrois unanimes continuent à soutenir le projet. Notre prochaine étude de faisabilité ouvre la voie à d’autres réflexions, dont le bus à haut niveau de services (BHNS).
Projet phare de l’Eurodistrict SaarMoselle, le tram-train en gestation depuis une décennie portait l’espoir d’une mobilité qui redynamiserait le bassin houiller en le connectant plus étroitement à Sarrebruck, sa vraie ville centrale. Or, le Land de Sarre a fait marche arrière au printemps dernier en se retirant de l’étude de faisabilité.
Plus que des dissensions politiques, la raréfaction des fonds publics a conduit la collectivité locale allemande à geler le projet frontalier en même temps que d’autres projets internes à son territoire. La déception est d’autant plus vive que nombre de partenaires sarrois, dont la ville de Sarrebruck, adhéraient au projet.
Le gigantisme minier a laissé d’impressionnants vestiges, dont certains sont devenus des boulets, d’autres, des sites à fort potentiel.
Ainsi, les puits Simon I et II de Forbach, comptant de nombreux bâtiments historiques ou sauvegardés, devaient permettre l’extension de l’Eurozone, qui fut voici 15 ans la première zone d’activité binationale franco-allemande. Ce site pionnier se remplit lentement et la crise de 2008 a conduit les partenaires mosellans et sarrois à revoir leurs ambitions économiques à la baisse. La réhabilitation des anciens puits s’effectuera donc sans implication transfrontalière.
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