La biotech Plant Advanced Technologies commercialise depuis quinze ans des molécules végétales qu’elle obtient en sollicitant les racines des plantes. L’industrie cosmétique, mais aussi les laboratoires pharmaceutiques et les groupes agroalimentaires s’intéressent à cette ressource rare.
« Les plantes ont horreur de la nature. » Cette assertion prêtée à un horticulteur néerlandais guide depuis quinze ans l’entreprise de biotech Plant Advanced Technologies ( PAT ), détentrice du brevet de « plantes à traire ». A l’état naturel, les végétaux se livrent à de féroces compétitions pour accéder à l’eau, à la lumière et aux nutriments. Pour se protéger des assauts des champignons, d’animaux ou d’autres plantes, elles ont développé des molécules précieuses, dont l’homme sait depuis longtemps tirer parti. Mais il lui a toujours fallu détruire le végétal pour extraire l’aspirine de la spirée, le curare de la liane Strychnos toxifera ou le taxol de l’if.
Et si, au lieu de l’arracher, on bichonnait la plante pour qu’elle sécrète en continu les molécules convoitées ? L’idée a germé en 1999 dans l’esprit de deux chercheurs du laboratoire Agronomie et Environnement de l’Ensaïa, à Nancy. A toutes fins utiles, Frédéric Bourgaud et Eric Gontier ont breveté le concept d’un prélèvement industrialisé de l’exsudation racinaire hors sol sous le nom de « plante à traire ». Trois ans plus tard, Jean-Paul Fèvre, ex-directeur de recherche de la coopérative agricole Euralis en France, en Argentine et aux Etats-Unis, a posé ses valises à Nancy pour s’intéresser de plus près à un mode de culture absolument inédit.
Il a fallu mettre en place des stratégies de stimulation sur une plante bien portante pour obtenir, via son système racinaire, les molécules d’intérêt présentes à l’état de traces, qui ne s’expriment d’ordinaire qu’en cas d’agression.
Jean-Paul Fèvre, aujourd'hui PDG de PAT
Anti-âge
PAT décroche le prix national de la création d’entreprise dès son éclosion, en 2005. Le concept de plante à traire amuse les journalistes, intéresse l’ industrie cosmétique et séduit les investisseurs. L’équipe, qui pensait se positionner sur le marché pharmaceutique, décroche son premier contrat de R&D auprès de Chanel pour un anti-âge extrait de l’édulis, une plante grasse originaire d’Afrique du Sud. En 2009, en pleine crise financière, elle parvient à lever 9 millions d’euros sur le marché libre d’Euronext. Introduite à 12 euros, l’action se négocie aujourd’hui aux alentours de 20 euros, après des pics à 30 euros.
Mûrier blanc
La croissance aura été longue, mais l’ex-start-up commence à fructifier. Elle s’est muée en un groupe dont la maison mère, basée à Vandoeuvre-lès-Nancy, emploie 40 salariés, dont 20 docteurs en biologie, pour 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Le partenariat, signé en novembre dernier avec le chimiste Clariant, permet aujourd’hui à PAT de fournir indirectement les groupes cosmétiques du monde entier. En février, cette coopération s’est traduite par le lancement de l’antiride Prenylium, extrait de la racine de mûrier blanc. « Nous sommes des découvreurs de molécules. Nous mettons une technique unique au monde au service d’une démarche scientifique applicable à la cosmétique, mais pas seulement à elle », souligne Jean-Paul Fèvre.
Fermentation
Le groupe s’est enrichi d’une demi-douzaine de satellites créés de toutes pièces, rachetés ou codéveloppés. Le belge Straticel teste in vitro les molécules cosmétiques. Le rochefortais Couleur de Plante ravive les techniques ancestrales de teintures végétales. A la Réunion, Pat Zerbaz – du nom créole des plantes médicinales – valorise, tout en les protégeant, des espèces menacées. A Nancy, Temesis se consacre entièrement au développement d’un anti-inflammatoire efficace contre le psoriasis.
Dernière bouture en date, Cellengo se spécialise dans la fermentation microbienne. La plateforme se propose d’industrialiser des biomolécules pour fournir des actifs aux marchés cosmétique, nutraceutique, pharmaceutique et phytosanitaire, sans consommer de terres agricoles.
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