A une jeunesse française désabusée – et en plein débat sur les aides sociales – Radouane Mebarki propose de prendre la relève des baby-boomeurs et de constituer la nouvelle génération d’entrepreneurs français.
A l’Excelsior, la belle brasserie Art nouveau de Nancy, Radoine Mebarki est connu comme le loup blanc. Costume sombre, chemise blanche et écharpe bleue, le trentenaire issu de la Chiennerie-Haussonville, un quartier pauvre de la ville, accorde le même intérêt affable au personnel, aux clients qui le reconnaissent et à ses nouveaux interlocuteurs.
Il arrive de Paris, où il est allé préciser devant les fonctionnaires de la Direction générale de l’emploi son projet « Tous repreneurs » – celui-là même qu’il a présenté à Dijon lors des Journées nationales de France urbaine devant Jean-Louis Borloo et François Rebsamen en avril dernier.
600.000 entreprises à transmettre en 10 ans
A la fois devise, nom de son association et titre de son livre, « Tous repreneurs » part d’un constat simple : tandis que des millions de chômeurs vivent les affres de l’exclusion, 600.000 entreprises risquent d’échouer sur l’écueil de la transmission au cours des dix prochaines années.
Intervenant à l’Institut universitaire professionnalisé de Nancy, Radoine Mebarki a perçu l’inquiétude de son auditoire constitué de notaires, de comptables et de banquiers de la place, le message de ses étudiants.
Ce sont eux qui m’ont alerté, car les petites entreprises n’intéressent pas les banques d’affaires, mais elles constituent leur fonds de commerce.
Radoine Mebarki
Le jeune homme a créé dans la foulée le premier diplôme universitaire de repreneuriat à l’université de Lorraine. Les deux premières promotions, encadrées par le CNAM, forment actuellement 45 étudiants.
Six castings
Fils d’immigrés algériens, Radoine Mebarki connaît un immense vivier de candidats à la reprise : les chômeurs à perpétuité des quartiers oubliés, les anciens étudiants fourvoyés dans des voies sans issue, les femmes qui veulent sortir de leur seul rôle de mère de famille, les cadres en burn-out ou les militaires en quête de reconversion…
Il a rencontré des milliers d’entre eux, notamment au cours des six castings organisés par « Tous repreneurs » depuis le début de l’année. Il s’adresse à eux dans des termes presque messianiques mâtinés de formules chocs.
Tu t’es trompé de choix dans tes études ou dans ton travail, est-ce que c’est si grave ? Tu te retrouves comme devant un film en 3D sans les lunettes, tu ne comprends plus rien, c’est le brouillard ? Moi, je te donne les clefs du nouveau monde.
Radoine Mebarki
« Crédible, y compris pour des gens hors circuit »
Le discours porte, à tel point que les candidats les plus désespérés acceptent de livrer leurs rêves enfouis face à un parterre d’une quinzaine de banquiers, de notaires, de formateurs ou de conseillers de Pôle emploi réunis au coeur des quartiers. Le pitch dure trois minutes, soit une éternité pour qui n’a plus été écouté depuis trop longtemps. Aux candidats les plus motivés, Tous repreneurs proposent un parcours mobilisant des organismes de formation, les réseaux d’aide à la reprise et les partenaires bancaires.
Radoine sait parler à tous les publics. Il est crédible, y compris pour des gens hors circuit, car il prouve ce qu’il dit. C’est pourquoi les acteurs soucieux de ne pas laisser péricliter les territoires le suivent.
Hélène Sauvan, présidente du directoire de la banque Kolb, à Nancy, qui a participé à un casting à Saint-Dié-des-Vosges
Agent immobilier
A peine adolescent, Radoine Mebarki a convaincu André Rossinot, alors maire de Nancy, et son adjoint à la culture et futur successeur, Laurent Hénard, d’envoyer les enfants de la Chiennerie en colonie de vacances en échange de petits travaux dans la cité. Le dispositif « Argent de poche » s’est rapidement déployé à l’échelle nationale. Le jeune Nancéien a quant à lui décroché un BTS commerce pour devenir agent immobilier. Il dirige aujourd’hui deux agences Orpi.
Resté proche des banlieues, il tient à leurs habitants un discours percutant en forme d’état des lieux :
Ici, tout en bas de l’échelle, tu as un logement, de quoi te nourrir avec le RSA, des soins si tu es malade, des études gratuites pour tes enfants… Lequel de nos pays d’origine offre cela, même à ses cadres supérieurs ? La France, il faut lui dire merci.
Radoine Mebarki
Constituer une nouvelle génération d’entrepreneurs
A cette jeunesse désabusée – et en plein débat sur les aides sociales – Radoine Mebarki propose de prendre la relève des baby-boomeurs et de constituer la nouvelle génération d’entrepreneurs français.
Il n’y a jamais eu autant d’aides, ni autant d’opportunités. Ce n’est pas la peine d’avoir une idée géniale, il faut juste avoir une envie, un talent – et tout le monde en a un.
Radoine Mebarki
Devenu homme-sandwich du repreneuriat, Radoine Mebarki a obtenu le soutien d’intercommunalités lorraines – Metz Métropole, le Grand Nancy, le Sillon lorrain – et de la Direction générale des entreprises, puis celui de la Caisse des Dépôts et de la région Grand Est. Le dispositif Tous repreneurs, qui accueille aujourd’hui 75 personnes issues des six premiers castings, s’ouvrira dès cet automne à l’échelle grand-régionale.
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