Responsable du secteur multimédias du centre culturel Le Lierre, Thierry Léger est coordonnateur du festival de films documentaires thionvillois « Réel en vue ». Chargé de mission de la Fédération nationale des centres sociaux en charge du numérique, il s’implique depuis 25 ans dans les programmes de production et de diffusion transfrontalières pilotés par le Saarländischer Filmburo.
Le concours vidéo de la Grande Région Créajeune, qui présentera en novembre 2019 sa douzième édition, illustre le volontarisme du réseau transfrontalier au service de l’éducation des jeunes à l’image.
Le jury de Créajeune se réunira en septembre prochain pour retenir 40 films de jeunes sur 120 créations. Comment ces productions originales, dont les auteurs ont moins de 30 ans, émergent-t-elles ?
Créajeune est l’héritier de 25 ans de coopération initiée par le Saarländischer Filmbüro et des partenaires lorrains et luxembourgeois (1). La province de Wallonie a longtemps participé au festival et pourrait y revenir. Chaque membre mobilise ses propres réseaux, essentiellement dans l’enseignement et dans les milieux associatifs, pour faire émerger des créations dans trois catégories : les moins de 12 ans, les moins de 18 ans et les moins de 30 ans. Tous volontaires et passionnés de vidéo, les jeunes participent à des films-ateliers accompagnés par des intervenants. Nous avons vu certains d’entre eux concourir successivement aux trois catégories de la compétition. Quelques-uns ont ensuite fait de la vidéo leur métier.
Les 40 films retenus sont projetés dans des salles partenaires à Sarrebruck pour les enfants, à Metz pour les adolescents et à Luxembourg pour les jeunes adultes. Les prix consistent essentiellement en du matériel ou des séances de montage.
Constatez-vous des différences entre les films émanant des trois pays ?
Les thèmes varient peu selon les nationalités, mais beaucoup en fonction des périodes. Certaines années, nous découvrons que de nombreuses équipes des trois pays ont fait des films de zombies, travaillé sur les thèmes du harcèlement ou du suicide ou évoqué les fermetures d’usines. Les sujets sont proches, mais la manière de les traiter diffère. Les Allemands sont très rigoureux, à tel point qu’il n’y a pas d’échappatoire dans leur création ; les Français font preuve de plus d’imagination et de fantaisie, et les Belges, de plus d’humour.
Je note également de grandes différences dans l’approche éducative. En France, les accompagnateurs sont formés et diplômés. Ce n’est pas nécessairement le cas ailleurs. Nous sommes à la fois proches et différents et nous nous enrichissons de nos différences.
Quelle audience Créajeune obtient-il ?
Le festival n’est pas assez connu, mais il a permis de nombreuses connections au sein de la Grande Région et au-delà. Nous sommes tous des militants de l’éducation à l’image, souvent bénévoles. Nous cherchons des lieux pour faire circuler les œuvres au-delà des trois frontières. Nous intervenons dans des séminaires en tant qu’organisateurs ou en tant qu’invités, participons à des rencontres professionnelles à Sarrebruck, Luxembourg, Marienthal, Metz, Nancy ou Thionville, réalisons des workshops et des animations…
Notre jury transnational et multilingue s’est mixé avec d’autres manifestations comme le festival du film arabe à Fameck ou le festival du film italien de Villerupt. Nous avons noué des connections interrégionales avec l’IRTS de Nancy, qui est devenu partenaire et présente certains de nos films à la biennale du film social.
De quels moyens disposez-vous ?
Ils sont aléatoires. Impliquant trois pays, Créajeune parvient à trouver des financements auprès de l’un ou l’autre des partenaires de Lorraine, de Sarre ou du Luxembourg. En Moselle, nous bénéficions du soutien fidèle du conseil départemental et depuis peu, du conseil régional du Grand Est. Thionville participe via le festival Le Réel en vue, parfois rejointe par la Ville de Metz. La Fédération des œuvres laïques est co-organisatrice depuis le début du festival.
Nous avons besoin de peu d’argent, car nos structures sont équipées en vidéo. Les principales dépenses sont liées à la communication, à l’édition, à la traduction et au sous-titrage. Sur cet aspect, particulièrement coûteux, nous bénéficions du relais de l’université de Sarre, qui met à notre disposition des étudiants et des moyens de traduction numériques.
Comment expliquez-vous la longévité de cette coopération ?
Nous avons les mêmes repères et les mêmes valeurs. Nous nous comprenons au-delà de la langue et partageons une même conviction : les jeunes doivent pouvoir démonter les mécanismes des images qu’on leur montre. Dans tous les pays, ils passent beaucoup de temps sur leurs écrans. Il est plus nécessaire que jamais de leur montrer que ces représentations induisent dans leur manière de voir le monde. Créajeune éduque les jeunes à l’image. Lorsque nous les accompagnons dans la réalisation d’un film, ils comprennent que chaque image est un choix et cela participe de la construction de leur regard au quotidien.
Propos recueillis par Pascale Braun
(1) Piloté par le Saarländisches Filmbüro, Créajeune associe le centre culturel Le Lierre de Thionville, la Ligue Ligue de l’Enseignement – Fédération des Œuvres Laïques de Moselle, L’Institut Régional du Travail Social (IRTS) de Lorraine, le Service National de la Jeunesse Luxembourg et Infor Jeunes Luxembourg.
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