Directrice artistique de Perspectives, Sylvie Hamard a fait passer la fréquentation de ce festival franco-allemand de 4 000 spectateurs lors de son arrivée en 2006 à 40 000 dix ans plus tard. La quarantième édition du festival proposera une quinzaine de spectacles de théâtre, de musique, de danse et de cirque du 1er au 10 juin prochains.
Comment expliquez-vous la longévité de Perspectives ?
Il y a toujours quelque chose de mystérieux dans un succès qui dure. Dans le cas de Perspectives, l’étonnement remonte à son origine même. Voici 40 ans, le premier festival de théâtre français en Allemagne a dû apparaître comme une sorte d’ovni. A cette époque, on ne franchissait pas la frontière aussi facilement qu’aujourd’hui. Je me demande comment son fondateur, le dramaturge sarrebruckois Jochen Zörner-Erb, est parvenu à détecter côté français autant d’artistes – qui ont souvent fait carrière depuis.
La longévité du festival tient certainement à l’engagement de ses équipes, mais aussi au soutien du public. Lors de la création de Perspectives, le public allemand n’avait guère d’alternative au théâtre municipal. Perspectives a constitué la première proposition réellement innovante et originale. Initialement consacré au théâtre, le festival s’est ouvert à la danse, à la musique et, côté français, au cirque contemporain. Cette diversité explique certainement son succès et sa longévité.
Comment le festival est-il devenu transfrontalier ?
Le festival est devenu réellement franco-allemand en 2002, lorsque le conseil général de la Moselle en est devenu partenaire et s’est engagé à le financer à parité avec la Ville de Sarrebruck et le Land de Sarre. Cette parité s’est étendue non seulement au financement, mais aussi à la programmation, ce qui a permis une véritable confrontation artistique de part et d’autre de la frontière.
Les coopérations n’ont pas cessé de s’étendre et vont aujourd’hui de Strasbourg au Luxembourg. Notre budget est resté à peu près stable, à 880 000 euros, mais les coûts ont augmenté d’un tiers en dix ans. Nous avons pu progresser grâce aux fonds européens, qui jouent aujourd’hui un rôle essentiel dans notre financement, et en mutualisant les coûts. En Lorraine, nous organisons certains événements en partenariat avec le centre Pompidou-Metz, le festival Passages ou encore, la Ville de Sarreguemines et le Carreau à Forbach. Nous invitons les mêmes compagnies que le centre de développement chorégraphique Pôle Sud à Strasbourg pour partager les frais de voyage et de transport. Cette année, nous organisons également deux focus musicaux au Luxembourg. Dans la Grande région, les spectacles de Perspectives font abstraction des frontières.
La programmation nous a également aidés à toucher un public plus vaste. Voici deux ans, le spectacle de la compagnie Carabosse au carreau Wendel de Petite-Rosselle a constitué un véritable événement. Cette année, le site accueillera la soirée de clôture du 10 juin, avec entre autres un spectacle de la compagnie KompleX KapharnaüM. Nous programmons également la pièce Verräter – Die letzen Tage (Traîtres, les derniers jours), de Falk Richter, l’un des plus grands metteurs en scène allemand. La pièce sera présentée le 4 juin à Sarrelouis, juste après la première présentation qui aura eu lieu à Berlin. De tels événements nous permettent d’espérer que le public viendra de loin.
Le contexte politique actuel a-t-il influé sur votre programmation ?
Oui. Nous avons choisi une programmation très politique. Grand nom du théâtre documentaire, le metteur en scène suisse Miro Rau met en scène des réfugiés de différentes nationalités qui ont dû fuir leur pays voici plusieurs années. Leur récit constitue un témoignage très fort sur la fuite, l’exil, l’identité et la patrie. La compagnie Rimini Protokoll se rend chez les gens pour un spectacle interactif sur l’Europe. En 90 minutes, elle donne un aperçu à la fois politique et privé de l’incidence de l’Europe au quotidien. L’édition 2017 porte délibérément sur les thèmes de la démocratie, des migrations, de la montée des extrême-droite et de l’avenir de l’Europe.
Propos recueillis par Pascale Braun
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