Sigrid Jost était déjà une professionnelle de l’audiovisuel lorsqu’elle a cofondé en 1988 le Saarländisches Filmbüro pour favoriser la production indépendante régionale. Haut lieu de la coopération transfrontalière en matière de cinéma et d’audiovisuel, l’association basée à Sarrebruck conserve 3.500 films en lien avec la Grande Région consultables à des fins de recherche.
Passionnée par les identités régionales, Sigrid Jost trouve dans la Grande Région un espace riche et diversifié en phase avec son militantisme transfrontalier.
Le Saarländisches Filmbüro compte mettre en ligne d’ici à la fin de l’année un répertoire documenté des films et documentaires sarrois, lorrains, belges et luxembourgeois consacrés à l’histoire industrielle de la Grande Région. Pourquoi avoir engagé cette démarche ?
Cette mission nous a été confiée par le ministère sarrois de la Culture et de la formation dans le cadre du projet Interreg Pierres numériques, avec Image Est côté français. Nous travaillons sur ce thème depuis plus de vingt ans. Cette base de données doit donner aux jeunes générations un aperçu de ce que le charbon et l’acier ont représenté dans notre région transfrontalière durant plus de cent ans. Les gens de notre génération ont connu cette époque et son déclin, mais il n’en reste presque plus de trace aujourd’hui. Le film raconte mieux que le livre l’industrie lourde de la Grande Région.
Il importe aussi de montrer les différentes facettes de cette histoire et de la replacer dans son contexte transfrontalier : en élargissant la focale, on obtient une autre image. Les films, tournés à différentes époques, montrent des histoires très imbriquées. Ce regard croisé est essentiel.
A quelles difficultés vous heurtez-vous pour réaliser cette base de données ?
Beaucoup de ces films ne sont plus accessibles car ils sont en format vidéo et il n’existe plus d’appareils pour les lire. Sur le plan juridique, il faut pouvoir indiquer qui détient les droits sur ces œuvres ou à qui ils ont été transférés. Il y a surtout la question des moyens financiers et humains. Lorsque le financement Interreg sera terminé, nous n’aurons plus les moyens de poursuivre ce travail. Or, la constitution de cette base de données n’est qu’une première étape. Il faudra la réactualiser régulièrement. Je souhaite aussi que l’on puisse projeter certaines de ces œuvres et qu’elles puissent inspirer d’autres réalisateurs.
Voyez-vous émerger d’autres grands thèmes qui pourraient fédérer la production audiovisuelle régionale ?
Le sujet de l’immigration serait intéressant, car nos pays ont accueilli en un siècle des migrations d’origine très diverse : plutôt italienne, polonaise et maghrébine en France, turque, polonaise, italienne et russe en Allemagne, africaine en Wallonie, portugaise et italienne au Luxembourg… D’autres thèmes permettraient une approche comparée comme celui de la perception de la religion, le quotidien des femmes ou l’environnement. De nombreux réalisateurs et producteurs travaillent sur ces questions, mais il me semble qu’ils ne s’intéressent pas beaucoup à leur aspect transfrontalier. De plus, il existe des déséquilibres régionaux : la production audiovisuelle est très riche au Luxembourg, un peu moins en Lorraine et plutôt modeste en Sarre.
Dans l’audiovisuel, vos partenaires semblent n’avoir guère changé depuis 30 ans. Cela signifie-t-il que les coopérations sont solides, ou au contraire, qu’elles ont du mal à se renouveler ?
Au cours de notre histoire, nous avons travaillé avec des partenaires différents, car nos missions ont changé. Certaines coopérations se sont arrêtées, mais les liens existent toujours et il suffit d’un coup de téléphone pour les réactiver.
Durant près de trente ans, nous avons organisé des festivals cinéma et vidéo transfrontaliers, dont le Festival du film et de la vidéo Kino im Fluss/Cinéfleuve et la Grande Région en images.
Nous avons également organisé des workshops et des colloques avec les écoles d’arts et de vidéo de la Grande Région, l’Université populaire de Sarreguemines-Confluences ou encore, le service culturel de la Ville de Sarreguemines. Nous n’avons jamais produit de film, mais nous avons géré le fonds de soutien à la production de la Sarre et conseillé des réalisateurs et des producteurs. Nous continuons à inviter des réalisateurs de la Grande Région et à diffuser des films transfrontaliers, notamment au cinéma de Sarrebruck Kino Achteinhalb.
Au cours de son histoire, le Saarländischer Filmburo a connu des périodes de fragilité financière. La situation s’est-elle stabilisée ?
Oui, mais à un niveau moindre. Nous disposons d’un budget de 26.000 euros auquel s’ajoutent les aides que nous percevons pour des projets ponctuels.
Nous bénéficions du soutien institutionnel de la Saarland-Medien gmbh. En fonction des projets auxquels nous participons, nous bénéficions également de subventions du ministère de la Culture et de la formation de la Sarre, du Film Fund Luxembourg ou d’autres organismes. Soutenu ministère de la Culture sarrois et par la région Grand Est, le festival Créajeune, que nous pilotons, constitue à ce jour notre coopération la plus pérenne grâce à un réseau très solide et efficace.
Notre association emploie aujourd’hui deux salariés à temps partiel et fait appel à des contrats aidés, à des stagiaires et à beaucoup de bénévolat.
Voici deux ans, je n’étais pas sûre qu’il existe une relève, mais j’en suis maintenant convaincue. Nous voyons arriver de jeunes professionnels des arts et des médias qui partagent notre passion.
Propos recueillis par Pascale Braun
Le Saarländisches Filmbüro organisera ce 11 octobre la projection du film documentaire de Christian und Dorlie Fuchs „Trois nuances de noir“. Réalisé en 1997, le document dresse le portrait de trois mineurs dans leur environnement : le Borinage et les alentours de Charleroi (Belgique), le bassin houiller lorrain et les houillères de la Sarre.
A 18 heures, dans la salle des machines de l’ancienne mine Velsen, Saarbrücken-Klarenthal. Entrée libre.
--Télécharger l'article en PDF --
Poster un commentaire