Directeur du syndicat mixte de transport et de déchets ménagers de Moselle-Est (Sydème), Serge Winkelmuller a intégré une forte composante transfrontalière au fonctionnement de ses deux unités de méthanisation, Méthavalor à Morsbach et Méthavos à Sarreguemines. Cinq ans d’échanges ont conforté la confiance entre le Sydème et son homologue sarrois, le EntsorgungsVerband Saar.
Vous importez des déchets verts et des déchets fermentescibles de Sarre et vous y exportez des déchets ultimes. Avez-vous rencontré des obstacles lors de la mise en place de ces échanges ?
Non. Le transport transfrontalier des déchets comporte certaines lourdeurs, mais elles ont leur raison d’être. Au niveau local, les conditions d’une confiance bilatérale entre acteurs publics étaient réunies, sans doute grâce à l’énorme travail accompli en amont durant des décennies sous l’impulsion de l’ancien maire de Forbach Charles Stirnweiss. Quand le Sydème et son homologue sarrois, le EntsorgungsVerband, ont décidé d’étudier ce qu’ils pouvaient faire ensemble, ils n’ont pas rencontré d’obstacle. Sur le plan européen, nous avons eu la chance de pouvoir nous baser sur l’arrêt du 9 juin 2009 dit « de Hambourg », par lequel la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) autorise l’échange de services entre personnes publiques sans passer par le système des marchés publics.
Quel intérêt les deux parties trouvent-elle à la coopération ?
Il s’agit d’échanges libres et pragmatiques basés sur nos besoins respectifs. La Sarre dispose d’un gisement de biodéchets non utilisé de 65 000 tonnes annuelles. Nous en avons intégré 15 000 dans le dimensionnement de notre usine de méthanisation Méthavalor. Sans cet apport, le site de Morsbach aurait compté deux digesteurs au lieu de trois et l’équation économique aurait été différente. Pour notre part, nous envoyons 50 000 tonnes de sacs bleus contenant des déchets d’unité de valorisation thermique vers la Sarre, qui possède une unité de valorisation thermique dont nous ne disposons pas.
Ce partenariat s’est élargi et renforcé fin 2015 avec la mise en service de l’unité de méthanisation des déchets verts Méthavos de Sarreguemines. Nous traiterons 5 000 tonnes de déchets verts sarrois. En nous apportant sa ressource locale, la Sarre fait acte de confiance. Ces déchets sont livrés broyés, criblés et débarrassés de leur partie ligneuse. Cette partie ligneuse, que le sarrois expédiaient jusqu’à présent en Belgique, sera bientôt valorisée dans les chaufferies bois de Lorraine. Demain, nos échanges pourraient aller encore plus loin, sur d’autres matières.
La coopération transfrontalière en matière de traitement de déchets pourrait-elle être améliorée ?
Oui. Elle pourrait progresser en levant certains freins administratifs. Les législations européennes ont surtout été prévues pour le secteur privé. Elles s’adaptent mal à une coopération transfrontalière publique. Ainsi, lorsque nous envoyons nos sacs bleus en Sarre, nous sommes obligés de laisser une caution financière de 50 000 euros. Cette disposition vise les acteurs privés du recyclage qui pourraient être tentés de disparaître après avoir expédié leurs déchets de l’autre côté de la frontière. Dans notre cas, il est bien évident que nous n’allons pas disparaître. De même, chaque transport transfrontalier donne lieu à des kilos de paperasses. Nous souhaiterions obtenir une exception compte tenu de notre proximité et de la clarté de nos flux.
Propos recueillis par Pascale Braun
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