Directeur du centre culturel la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette depuis 2002, Serge Basso de March voit dans la désignation de la ville comme capitale culturelle 2022 l’opportunité de structurer le territoire tout entier.
Ecrivain, poète et militant d’une culture intégratrice, il porte sur trois décennies de coopération transfrontalière un regard confiant.
Esch 2022 vous paraît-il constituer une échéance importante ?
Evidemment. La désignation d’une ville au titre de de capitale européenne de la culture constitue un des leviers les plus efficaces qui soit en matière de culture, mais aussi de mobilité, d’économie et de social. La Kulturfabrik porte huit dossiers inscrits dans Esch 2022. Je ne m’exprimerai pas sur les récents changements survenus dans la gouvernance (voir encadré), mais je m’inquiète pour le timing des réalisations. Il est urgent de démarrer.
A Esch, nous avons la chance de pouvoir raisonner en terme de territoire et non pas de pays. Nous sommes à la jonction de quatre pays et de trois langues, dans un bassin qui partage le même passé sidérurgique et une histoire fortement marquée par l’immigration. « Esch, capitale européenne de la culture » est en mesure de structurer ce territoire, mais 2022 n’est pas une finalité. C’est le point de départ d’une nouvelle ère qui commencera en 2023.
La dimension transfrontalière a-t-elle toujours occupé une place importante dans votre projet ?
La dimension transfrontalière m’a paru primordiale dès mon premier poste de directeur du service culturel de la ville de Longwy, dans les années 90. J’avais initié des manifestations de théâtre et de photo dans les trois pays limitrophes. A Esch, la dimension transfrontalière est une évidence : nous nous trouvons à 20 kilomètres de l’Allemagne, à 3 kilomètres de la France, à 12 kilomètres de la Belgique et nous rayonnons à 150 kilomètres à la ronde. La Kulturfabrik s’implique dans plusieurs partenariats dont des rencontres entre des comédiens et des metteurs en scène de France et du Luxembourg et de Belgique ou le Printemps poétique transfrontalier, qui propose des résidences, lectures et actions pédagogiques en Lorraine, en Alsace, en Rhénanie-Palatinat, en Sarre, en Wallonie et au Luxembourg. Nous constituons également l’un des principaux partenaires luxembourgeois du Festival du film italien de Villerupt.
Comment la coopération culturelle transfrontalière a-t-elle évolué au cours des trois dernières décennies ?
Elle a considérablement progressé, d’abord à la faveur de la suppression des frontières et de l’instauration de l’euro, puis avec l’essor du travail frontalier. Nous avons également assisté à la montée du nationalisme – qui se combat précisément par le dialogue, l’intelligence et la culture. La coopération se heurte toujours à des obstacles : celui des trois langues parlées sur le territoire, celui du millefeuille administratif qui confronte les fonctionnements respectifs d’un Etat, des Länder, des provinces, d’une région et de deux départements et aussi, les profondes différences de structures en matière de culture. Enfin, il y a toujours une composante qui se trouve en période électorale, ce qui n’arrange rien. Mais l’essentiel et de ne pas s’arrêter.
Propos recueillis par Pascale Braun
Des turbulences dans la gouvernance
Le 22 juin 2018, Andreas Wagner et Janina Strötgen, respectivement coordinateur général et directrice artistique d’Esch 2022, ont été rétrogradés par le conseil d’administration de l’ASBL Esch 2022. Ayant refusé cette mesure, les deux porteurs historiques de la candidature de la ville au label européen se sont vus signifier la fin de leur contrat au 30 juin prochain – décision qu’ils comptent contester en justice. L’ASBL lance un appel à candidature national et international pour constituer une nouvelle équipe dirigeante.
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