Prosélyte de terrain
Ce syndicaliste a été élu président du conseil économique et social de Lorraine. Il revendique une approche militante de sa fonction.
Le résultat du premier tour des élections présidentielles démontre que les gens ne savent plus ni se confronter, ni concilier l’économique avec le social. Dans ce contexte de plus en plus tendu, notre institution doit donner la mesure de son utilité.
Roger Cayzelle
Six mois après son élection à la tête du conseil économique et social de Lorraine (CES), Roger Cayzelle met son expérience des pratiques syndicales au service d’une institution qu’il entend dépoussiérer.
Au cours des trois premiers mois, nous avons tamisé les questions prioritaires. J’ai ensuite organisé des missions courtes, tenues de rendre leurs rapports dans des délais brefs et conduites par des petits groupes de quatre ou cinq personnes, juste assez pour tenir dans une camionnette,
plaisante l'ancien syndicaliste.
Parmi ses dossiers urgents figurent un état des lieux du bassin sidérurgique, marqué par la fusion d’Usinor, d’Arbed et d’Aceralia en Arcelor, une étude sur le monde agricole et une mission d’audit et de conciliation dans l’épineux dossier de la base de loisirs de Madine, dans la Meuse.
Symboliquement, nous nous sommes penchés sur des bassins d’emploi paupérisés, excentrés, oubliés. Il ne faut pas laisser s’ancrer la désespérance dans le monde agricole, ni abandonner l’idée de tourisme social à la Madine.
Fils de militaire, né à Mayence voici 55 ans, Roger Cayzelle est entré en militantisme en 1969, en même temps que la Nancéienne Nicole Notat. L’ancien instituteur, qui a quitté les salles de classe il y a 25 ans, se qualifie volontiers de « vieux bureaucrate » et affiche une profonde aversion pour les discours enflammés et les effets de tribune.
La mort de Jean-Paul Sartre, le 20 avril 1980, a constitué l’une des dates les plus importantes de ma vie. La nouvelle, qui est tombée à la veille d’un congrès de la CFDT, a marqué la fin d’une époque. Dès lors, nous avons engagé un recentrage pour définir un syndicalisme autonome – ne considérant plus la révolution comme une fin en soi, indépendante des partis – mais néanmoins inscrit dans la vie politique.
Président, de 1998 à 2000, du conseil syndical interrégional réunissant les trois membres de la Grande Région (Sarre, Lorraine et Luxembourg), l’ex-syndicaliste germanophone affiche un optimisme prudent face à la lente émergence du syndicalisme.
Les syndicats de la Grande Région présentent des situations très différentes. Les syndicats allemands, qui sont certainement les plus puissants et les plus divisés, constituent les relais d’organisations politiques et restent ancrés dans un discours de tribune. A l’instar de leurs confrères luxembourgeois, ils s’inscrivent dans un système de cogestion. Ils envient souvent la combativité du syndicalisme français. J’estime pour ma part que ces derniers devraient apprendre le compromis.
En accédant à la présidence du CES en novembre dernier, Roger Cayzelle a rendu hommage à la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), à l’Union des artisans (UPA) et à ses soutiens syndicaux, la CFDT et la CGT, tout en lapidant d’une phrase Force ouvrière, qui ne l’avait pas soutenu (« Les syndicats qui comptent étaient là »). Ses alliés se trouvent aujourd’hui en bonne place à la tête de commissions axées sur les transports, notamment les dessertes ferroviaires du sillon mosellan, proches de la saturation.
L’ancien président de l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) continue à militer en faveur de la paix sociale, « facteur important du développement des bassins d’emploi », de l’accès à l’emploi et du renouvellement de la population. Pour lui, l’urgence aujourd’hui est « d’amorcer une réflexion sur le brassage des populations pour contrer la stagnation, voire le déclin démographique de la Lorraine ».
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