En face de l’opération d’intérêt national Alzette-Belval émerge depuis une décennie le quartier de Belval, nouvelle place forte universitaire et tertiaire du Sud du Grand-Duché. Filiale de l’Etat luxembourgeois et d’ArcelorMittal, la société d’aménagement Agora planifie et orchestre la reconversion spectaculaire de cette friche sidérurgique. Ancien secrétaire général aux affaires régionales en charge du Pôle européen de développement de Longwy devenu directeur marketing d’Agora, Robert Kocian explicite le modus vivendi entre sa société et son pendant français, l’Etablissement public d’aménagement Alzette-Belval.
Comment envisagez-vous la coopération avec l’Etablissement public d’améganement (EPA) Alzette-Belval ?
Nous avons toujours entretenu de bonnes relations aux postes de responsabilités. Le temps des études a été long, mais la validation, voici 18 mois, du Projet stratégique opérationnel (PSO) rédigé sous la présidence de feu Michel Dinet, nous a permis de localiser les points d’intervention de l’opération d’intérêt national, notamment dans la partie résidentielle. Nous avons ainsi disposé d’éléments géographiques identifiables et d’un calendrier indicatif. Les deux établissements jouent la transparence. Nous avons choisi d’échanger et de nous parler. Il aurait pu en être autrement.
Les deux aménageurs peuvent-il éviter d’entrer en concurrence ?
Il serait vain de s’opposer, car les deux territoires souffrent d’un déficit de logements. La réponse ne passe pas par la concurrence, mais par l’attractivité globale du territoire. Les deux aménageurs répondent aux déficits d’offre dans leur pays respectifs. Côté luxembourgeois, Belval produit une centaine de logements par an. Il en faudrait 600 à 700 pour répondre à la demande. Chaque entité constitue une offre qui a vocation à être absorbée.
Le cas de figure du frontalier messin qui aurait à choisir entre le nord-lorrain et le sud luxembourgeois pour se rapprocher de son lieu de travail ne correspond qu’à une partie infime des situations. Sauf motivation contraire, chacun préfère habiter dans son propre pays. Les Luxembourgeois n’ont guère de raison de construire leur patrimoine immobilier en France compte tenu des règles de transmissions patrimoniales et des droits de mutations nettement plus élevées.
Ce gentleman’s agreement est-il aussi valable pour les programmes immobiliers tertiaires ?
Nous avons su éviter la guerre commerciale, ne serait-ce que pour éviter de défigurer nos entrées de zones respectives. Chacun est libre de faire ce qu’il entend dans ses frontières, puisqu’il n’existe pas de document d’urbanisme transfrontalier contraignant. Mais nous avons choisi d’être intelligents et d’éviter de dénaturer nos territoires. Le principe vaut également pour la continuité écologique. L’Agora n’est pas directement concerné car notre territoire ne comporte pas de zones protégées, mais des liens se sont créés entre l’EPA et les associations, communes et administrations luxembourgeoises pour préserver les corridors écologiques.
Pensez-vous que le développement d’échanges culturels puisse estomper des frontières qui semblent encore bien réelles ?
Les échanges culturels entre Lorrains et Luxembourgeois dans la zone frontalière existent depuis toujours. Les Etats gardent leur souveraineté, leurs pratiques et leurs symboles, mais sur notre territoire, l’effet barrière de la frontière s’est estompé depuis longtemps. Par exemple, une bonne partie du festival du film italien de Villerupt se tient à Esch-sur-Alzette, notamment pour des questions de place et de logistique. Les échanges se renforcent à la faveur des initiatives publiques, mais aussi associatives et citoyennes, car les citoyens savent très bien adapter leurs pratiques frontalières aux nouvelles opportunités.
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