En l’espace de 15 ans, l’arrondissement de Rhein Hunsrück, en Rhénanie-Palatinat, est passé du statut d’importateur d’énergie à celui d’exportateur largement excédentaire. Une politique d’économie systématique couplée à un soutien massif aux énergies renouvelables a valu à ce territoire rural plusieurs prix allemands et européens.
Invité le 4 mai 2015 par le pays Terres de Lorraine (100 000 habitants en Meurthe-et-Moselle), Bertram Fleck, président CDU du district de Rhein Hunsrück, a présenté la démarche qui a permis à son territoire de produire 177 % de l’énergie qu’il consomme. Le district, qui dépensait en 2009 290 millions d’euros en énergie fossile, réinjecte aujourd’hui 250 millions d’euros par an dans l’économie locale grâces aux dividendes de l’éolien et du solaire et par l’achat d’énergie auprès de fournisseurs locaux.
Echelon intermédiaire entre l’intercommunalité et le département, le district rhénan-palatin de 100 880 habitants qui emploie 450 agents sur 137 communes s’est inscrit dans la démarche Energie positive voici 15 ans sur la base d’un argumentaire pragmatique visant à réduire l’importation d’énergies fossiles.
Notre poste de dépenses énergétiques représentait alors 290 millions d’euros par an, et nous étions certains que ce coût augmenterait. Nous avons décidé qu’il valait mieux dépenser cette somme sur notre territoire que de la donner à Poutine ou à l’Arabie saoudite. L’argument du portefeuille a mis tout le monde d’accord.
Bertram Fleck
1 500 projets de rénovation
Considérant que 40 % des dépenses d’énergie incombent au bâtiment, la collectivité a lancé en 1999 un diagnostic thermique particulièrement scrupuleux analysant la consommation heure par heure et pièce par pièce dans chaque bâtiment public. L’inventaire a débouché trois ans plus tard sur un programme de 1 500 projets de rénovation qui ont permis de réduire de 26 % les coûts de chauffage, de 34 % la consommation d’eau et de 25 % les dépenses d’électricité en 10 ans, soit une économie de 12 millions d’euros par an. L’effort a également porté sur les constructions neuves qui anticipent systématiquement des les normes européennes d’isolation.
300 éoliennes, 3 000 toitures photovoltaïques
Pour sa production d’énergie, Rhein Hunsrück a largement profité du tarif de rachat garanti par le gouvernement fédéral pour une durée de 20 ans. Les grands groupes ont utilisé cette manne pour implanter sur le territoire 300 éoliennes qui génèrent une manne annuelle récurrente de 38 millions d’euros. Le district a également encouragé l’énergie solaire, avec le soutien d’une banque locale qui a publié sur internet un cadastre indiquant le potentiel photovoltaïque de chaque maison. Les habitants venus consulter le site se sont vu adresser un calcul personnalisé de retour sur investissement et des propositions de financement sur mesure. L’opération « 1 000 toits solaires » a ainsi triplé ses objectifs. Le district estime cependant que seul 13 % du potentiel photovoltaïque régional est exploité.
La biomasse a également été mise à contribution pour compléter les ressources énergétiques du district. Une dizaine de « workshop citoyens » chargés de détecter des gisements potentiels ont initié 32 projets, dont la récupération du bois habituellement laissé dans les bennes de déchets verts. Cette ressource alimente désormais une chaudière à biomasse chauffant 35 bâtiments. Une centaine d’agriculteurs ont investi dans une station de méthanisation qui génère chaque année 2 millions de kWh électriques et 1,6 million de kWh thermiques.
Devinettes pour adultes, ateliers pour enfants
Une communication constante a peu à peu ancré la transition énergétique dans les esprits. Une devinette maintes fois répétée par les élus démontre l’intérêt financier de la rénovation énergétique : en partant d’une augmentation annuelle de 6 %, à combien s’élèveront en 30 ans les coûts de chauffage d’un logement d’un logement dont la facture actuelle se situe à 2 500 euros par an ? La réponse (200 000 euros) est de nature à convaincre les propriétaires du bien-fondé de la rénovation. Cet investissement de 60 000 euros générera 100 000 euros d’économie et donc 40 000 euros de gain en trois décennies. Des jeux-concours incitent les familles à se débarrasser de leurs appareils électroménagers les plus énergivores. Les jeunes générations sont initiées dès l’enfance à la bonne gestion de l’énergie dans un bâtiment pédagogique distinct de l’école.
Une réputation porteuse
La production d’énergie renouvelable a couvert dès 2010 la totalité des besoins du district et atteint aujourd’hui 177 %, dont 158 % obtenus grâce à l’énergie éolienne, 14 % grâce au photovoltaïque et 6 %. Au niveau fédéral, la part de l’énergie renouvelable se monte à 24 % de la consommation dont 8,4 % pour l’éolien, 4,7 % pour le solaire et 7 % pour la biomasse.
Récompensée par cinq prix nationaux et internationaux dont le Prix européen de l’énergie solaire en 2011, la progression vers l’énergie positive a valu à Rhein Hunsrück 1,3 milliard d’euros d’investissements, essentiellement dans l’éolien et créé une vingtaine d’emplois liés à la maintenance. L’arrondissement a reçu la visite de multiples délégations internationales, des pays frontaliers au Japon en passant par les élus ukrainiens qui ont témoigné du caractère vital de l’indépendance énergétique – rappelant que leur voisin russe leur avait coupé le gaz alors que la température avoisinait -20°. La réputation du district lui a également valu de nombreuses implantations de start-up spécialisées dans l’environnement.
Voici 15 ans, je n’imaginais pas que nous irions aussi loin. Nous ne nous sommes pas contentés de faire des économies : nous sommes devenus un endroit où il se passe quelque chose.
conclut Bertram Fleck.
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