Signé le 8 mars 2012, l’accord EDCS conclu entre la direction et les syndicats de l’entreprise de vente et de maintenance de chaudières constitue un nouveau canal de communication entre la direction et les salariés. Mais les relations sociales restent tendues.
Dans un contexte de fortes tensions internes, Viessmann France SAS, entreprise de commercialisation de systèmes de chauffage, avait besoin d’une soupape. Basée à Faulquemont (Moselle) et employant 330 salariés dans un réseau national de neuf agences, la société a connu trois changements de direction depuis 2010 et la pression exercée sur les cadres s’est répercutée sur l’ensemble du personnel. Négocié en 2011 à la demande de la CFDT, majoritaire, l’accord EDCS découle d’une enquête management et santé, elle-même suivie d’une étude sur les risques psychosociaux qui a mis en évidence le désarroi des salariés face aux changements de stratégie de l’entreprise.
Signé en 2012 par l’ancienne direction, l’accord a été réellement mis en œuvre un an plus tard par la nouvelle équipe. Distincte et complémentaire du rôle des institutions représentatives du personnel, cette expression directe, qui pouvait apparaître comme une contrainte, est devenue un cadre. Ce nouveau canal a permis à la direction de présenter son projet d’entreprise et de faire remonter des informations de terrain auxquelles elle n’avait pas toujours accès.
Franck Meyer, à la fois directeur des ressources humaines et directeur administratif et financier de Viessmann France SAS
Applicable à l’ensemble du personnel, stagiaires et intérimaires compris, l’accord permet à des salariés encadrés par un animateur d’aborder les questions de méthode et d’organisation du travail, les améliorations technologies, mais aussi l’ambiance de travail et « les relations entre les personnes induites par le système d’organisation ». Les thématiques des congés, salaires ou classification en sont exclues. Chaque réunion donne lieu à un compte-rendu écrit transmis aux managers, à la DRH, aux délégués du personnel, au comité d’entreprise et au CHSTC. Les interventions des salariés ne sont pas retranscrites de manière nominative.
Dix-huit mois de préparatifs ont été nécessaires avant d’organiser la première réunion d’expression collective à l’intention des commerciaux en novembre 2013. Depuis, trois autres rencontres ont successivement donné la parole aux techniciens, puis à deux groupes de salariés du service marketing basé à Faulquemont. Au préalable, la direction a lancé un appel à candidatures pour recruter cinq « animateurs » – dont un membre des RH, un représentant du personnel et trois salariés – qui ont suivi deux jours de formation à l’organisation et à la modération de débats. Seuls deux d’entre eux ont pour l’heure été sollicités pour exercer cette fonction.
Organisée à Paris, la première réunion a largement excédé les 90 minutes prévues par l’accord. Neuf représentants des commerciaux non sédentaires ont unanimement critiqué les nouvelles directives qui leur imposaient 1 000 visites annuelles. La direction a pris acte des témoignages de terrain et abaissé le nombre de visites à 800. Les commerciaux ont également obtenu des I Phone et des I Pad (autant d’investissements déjà prévus par le groupe) et des interfaces plus opérationnelles. Une deuxième rencontre a permis aux techniciens d’exposer l’incidence de la diversification vers le conseil téléphonique, qui les conduisait à un usage illicite et dangereux du portable au volant. Les remarques se sont traduites par une réorganisation de l’accueil téléphonique et de l’emploi du temps hebdomadaire. L’expression des salariés du marketing a traduit brut de coffrage un sentiment de manque de respect de la part de la hiérarchie, des doutes quant aux moyens de la direction des ressources humaines et de vives critiques sur la fonctionnalité des locaux flambant neuf, mais mal insonorisés. La direction a partiellement répondu aux problèmes en diffusant une charte de bonne conduite en open-space.
L’expression collective a obligé la direction à prendre en compte la parole directe des salariés là où elle ne voulait voir que des problèmes individuels ou des postures syndicales. Les comptes rendus écrits permettent aux syndicats de veiller au suivi des propositions tout en se recentrant sur des problématiques plus générales telles la pénibilité ou la santé au travail.
Manuel Leite, secrétaire du CE et délégué syndical CFTC
La DRH souligne l’aspect chronophage de l’accord EDCS, qui requiert préparation et suivi, mais intègre, directement ou non, les résultats de cette concertation à son management.
La libre expression ne saurait suffire à reconstruire la paix sociale. Egalement signataires de l’accord, mais moins investis que la CFDT, la CFTC et la CFE-GCG pointent les limites d’un dispositif qui n’a guère apaisé des tensions toujours palpables. A leurs yeux, la direction intègre en priorité les réclamations faciles à satisfaire, avantageuses pour elle ou permettant d’apporter des réponses déjà prévues, mais ne s’implique pas dans la mise en place d’une vraie politique RH pour accompagner l’évolution des métiers. L’accord EDCS est néanmoins perçu comme un acquis dont les syndicats attendent l’élargissement à l’ensemble du personnel, des standardistes aux managers. L’initiative de Viessmann France a trouvé un écho auprès d’autres entreprises de la zone d’activité très dense de Faulquemont et pourrait faire école auprès d’un grand réseau sanitaire et social de l’est mosellan.
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