Sur un parcours sectionnant le massif forestier mosellan et ses zones humides, RFF a dû intégrer la notion nouvelle de continuité d’un corridor écologique riche en espèces protégées.
Traversant le sud boisé et humide du plateau lorrain jusqu’aux Vosges gréseuses, la seconde phase de la LGV Est affecte inévitablement une faune dense et fragile. Pour épargner les étangs et zones humides de Lindre et Mittersheim (Moselle), le tracé initial a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique modificative dite « de Belles Forets » : un territoire dont l’intitulé même décrit l’enjeu.
L’infrastructure est-ouest coupe un corridor européen nord-sud très important pour le passage de la faune. Les forêts abritent de nombreux chats sauvages devenus rares en France, des chauves-souris particulièrement protégées et une grande diversité de batraciens. Il fallait préserver des échanges génétiques sur toute la longueur du tracé. Un mûrissement de plusieurs années a permis de mettre en place un cortège de mesures intéressantes qui n’ont pas été adoptées sans mal.
Jean-Luc Chrétien, chef de la division Espèces et espaces de la direction des ressources et milieux naturels de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal)
Des passages pour chaque espèce
Déjà coupé sur son flanc meusien et en Meurthe-et-Moselle lors de la première phase de la LGV Est, le Parc naturel régional de Lorraine (PNRL) estime avoir rencontré peu d’écho et d’écoute voici 15 ans, bien avant le Grenelle. Pour le passage de la seconde phase dans le massif forestier mosellan, le parc a préparé un solide argumentaire.
Le lancement des travaux a commencé par un clash, le Parc s’opposant à la traversée de son territoire tant que les études d’incidence sur la faune ne seraient pas réactualisées. RFF, qui avait déjà prévu des passages à amphibiens et la reconstitution des mares, a dû prendre en compte la notion nouvelle de rétablissement des corridors de biodiversité.
La ligne comporte des ouvrages emblématiques, tel les très grands passages toute faune, mais aussi une multitude de mesures plus discrètes qui contribueront à rétablir la perméabilité.
Lorraine Saul-Guibert, responsable environnement à la direction des opérations LGV Est Européenne
Nous nous sommes basés sur des études du Centre d’études techniques de l’Equipement de l’Est pour imposer deux ouvrages de 40 m au moins. Nous demandions au total 300 m de passage pour permettre aux espèces de se déplacer entre les étangs de Lindre et de Mittesheim. Nous avons en partie obtenu gain de cause et le comité de suivi mis en place par la Dreal fonctionne très bien.
Laurent Godet, chef de mission biodiversité et milieux naturels du PNRL
La grande faune pourra emprunter 26 passages. Dans les zones humides, les batraciens disposent de crapauducs tous les 7 ou 8 m, parfois aménagés en passages pierreux pour les reptiles.
Rendre perméable la zone humide
Pour rétablir la perméabilité d’un territoire irrigué par quatre rivières, RFF a édifié plus de 200 ouvrages dont 81 au long des bassins lorrains et alsaciens de la Zorn et 66 au long de la Sarre. Le tracé ayant supprimé 18 points d’eau dans le secteur de Belles-Forêts, RFF a créé un réseau de 40 mares de substitution pour reconstituer l’habitat des tritons crêtés, des grenouilles agiles et autres espèces protégées.
Dès le début du chantier, les responsables environnement de chaque entreprise ont mis en œuvre des mesures de protection. Posé avant le passage des premiers engins, un grillage a interdit l’accès des batraciens au chantier pour éviter qu’ils ne s’installent dans les ornières. Capturés avant la destruction de leur mare, les individus ont été transférés vers leur nouvel habitat. Les entreprises ont adapté leur planning au cycle de reproduction des oiseaux.
De futures vieilles forêts
Dans le secteur de Belles-Forêts, la ligne détruit 14 ha de vieilles futaies dans la hêtraie-chênaie. Faute de pouvoir restituer rapidement un habitat ancien, RFF a acquis 60 ha de forêts privées dont la gestion sera confiée à l’ONF. Ces îlots de senescence où ne sera effectuée aucune coupe s’organisent en chapelets convergeant du nord au sud vers les points de passage. Belles-Forêts abritera même le premier abri artificiel de chauves-souris de France.
--Télécharger l'article en PDF --