Remis en fin d’année dernière, le rapport « Bur », qui préconise l’alignement accéléré du régime minier sur le régime général, a été très mal perçu dans les anciens bassins miniers. Une concertation nationale est prévue mi-février pour pérenniser cet acquis social à forte valeur symbolique.
Rarement un rapport parlementaire aura soulevé un tel tollé. Commandité en mai 2010 par Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, et remis à la veille de Noël à son successeur, Xavier Bertrand, le rapport du député (UMP) bas-rhinois Yves Bur sur l’avenir du régime minier a suscité des réactions d’une rare virulence d’un bout à l’autre de l’échiquier politique. Le texte réaffirme la nécessité de mettre fin au remboursement des soins annexes (frais de cure et de transport) des anciens mineurs et de leurs ayants droit, préconise le transfert des activités assurantielles vers le régime général et prône une réorganisation drastique de l’offre de soins.
Déclin des affiliés, mais risque de rupture de soins
Il serait prématuré de tirer des conclusions des recommandations contenues dans ce rapport, tant que ne seront pas connus les arbitrages du gouvernement qui, seuls, détermineront l’avenir du régime.
Érik Rance, directeur général de la Caisse nationale autonome de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)
En visite dans l’Est mosellan, Xavier Bertrand a promis d’engager, mi-février, une concertation avec l’ensemble des organisations syndicales. Dans d’anciens bastions ouvriers paupérisés et vieillissants, le texte a été vécu comme la négation d’acquis sociaux conquis de haute lutte voici plus d’un siècle et réaffirmés dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le régime minier protège encore quelque 179 000 bénéficiaires, essentiellement dans le Nord et en Lorraine. Relayée en régions par sept caisses régionales de la sécurité sociale dans les mines (les Carmi), la CANSSM garantit aux mineurs et à leurs veuves la prise en charge à 100 % des soins et propose un réseau d’établissements de santé de proximité. Confronté à l’inexorable déclin de ses affiliés, qui diminuent d’environ 5 % par an, le régime est menacé par un déficit de 200 millions d’euros, pris en charge à près de 70 % par la solidarité interrégimes.
La mission « Bur » enterre en premier lieu l’article 2-2-b du décret du 24 décembre 1992, qui garantissait aux bénéficiaires du régime minier la gratuité des frais complémentaires de santé (notamment les cures et les transports jusqu’aux centres de soin). Son abrogation, le 31 décembre 2009, a suscité une forte mobilisation. Le 17 mars 2010, 2 000 affiliés ont manifesté à Paris pour réclamer le maintien de la gratuité des soins, marquant ainsi le point de départ de la mission « Bur ».
Démantèlement des oeuvres sociales
Or, le rapport du parlementaire légitime l’abrogation du 2-2-b au nom de la « nécessaire convergence entre le régime minier et le régime général ». Il invoque la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l’assurance maladie, qui impose une franchise médicale et une participation forfaitaire de 1 € à l’ensemble des régimes de base, y compris aux régimes spéciaux. Il pointe aussi d’étonnantes disparités dans l’interprétation de l’article 2-2-b selon les Carmi. Les modalités de remboursement des transports et frais de cure – que le rapport chiffre à 9 M € par an – varient en fonction des régions, mais également des départements, voire des hameaux !
Entrée en vigueur en janvier 2010, la suppression de l’article 2-2-b du décret du 24 décembre 1992 a suscité de nombreux litiges. Les syndicats pointent un risque de renoncement aux soins, qui paraît confirmé par la diminution de 24 % du volume global des transports l’an dernier. Le rapport « Bur » attribue cette baisse à une période de transition difficile et préconise la mise en place d’une prestation d’aide aux transports d’un montant global de 1,4 M € réservée aux ayants droit les plus défavorisés.
Au-delà du 2-2-b, le rapport « Bur » met en cause les spécificités de l’offre de soins, qualifiée de « puissant facteur de déstabilisation et d’endettement croissant ». Sur le plan national, les oeuvres du régime minier gèrent 7 800 lits et places, répartis entre une vingtaine d’établissements de soins (hôpitaux, soins de suite, maisons de retraite, services de soins à domicile), 175 centres de santé, 60 pharmacies et une vingtaine de laboratoires, centres optiques et autres services d’ambulance. La mission recommande d’ouvrir bilatéralement les pharmacies minières, jusqu’à présent réservées aux affiliés, et de permettre à ces derniers de bénéficier de la prise en charge à 100 % et du tiers payant dans n’importe quelle officine.
Le rapport parlementaire n’épargne pas les autres oeuvres sociales, pointant une ouverture insuffisante à l’ensemble de la population, une prise en charge médicale inégale et une gouvernance incapable de porter des réformes structurelles. Il préconise le démantèlement des services d’aide à domicile, qui seraient repris par des associations existantes, tandis que les centres de santé, pharmacies, établissements de soins de suite et médico-sociaux rejoindraient le réseau Ugecam.
Évolution impérative, mais concertée
Yves Bur propose également une réorganisation complète de l’offre hospitalière de l’Est mosellan, laquelle condamnerait le projet de plateau technique unique en gestation depuis plusieurs années au coeur de l’ancien bassin houiller.
Les quelque 4 500 personnels de santé employés par les oeuvres sont aussi en ligne de mire. La mission conseille leur rattachement à l’Association nationale de garantie des droits des mineurs (AGDM), fondée en 2004 pour assumer les responsabilités sociales de Charbonnages de France. Enfin, le régime minier, qui gère le risque maladie et accident du travail-maladies professionnelles, verrait ces fonctions assurantielles transférées à court terme au régime général de Sécurité sociale.
Si l’on ne touche à rien, toutes les garanties des mineurs et de leurs ayants droit seront remises en cause. L’évolution du régime doit faire l’objet d’une concertation de plusieurs mois avec l’ensemble des partenaires, sous peine d’être ressentie comme un oukase.
Philippe Leroy, conseiller général (UMP) de la Moselle et sénateur, à l'origine de l'AGDM
Trois textes de référence
– La loi du 29 juin 1894, confortée par le décret du 27 novembre 1946 relatif à l’organisation de la Sécurité sociale, réglemente les risques vieillesse et maladie des mineurs et de leur famille
– Le décret du 2 novembre 2004 réorganise ce régime spécial de sécurité sociale autour d’une Caisse nationale autonome de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) et de sept caisses régionales de la sécurité sociale dans les mines (Carmi)
– Le décret 2010-975 du 27 août 2010 a mis en extinction, au 1er septembre 2010, le régime de sécurité sociale des mines. Le risque vieillesse ayant été transféré à la Caisse des dépôts et consignations en 2005, la seule activité assurantielle concerne la branche assurance maladie et accidents du travail-maladies professionnelles.
« Les engagements de l’état doivent être tenus jusqu’au dernier ayant droit »
Le rapport ” Bur ” ne répond pas à l’objet de sa mission. Sollicité sur la suppression de l’article 2-2-b – qui traite de la gratuité des frais complémentaires de santé -, la revalorisation de la retraite des mineurs et le volet social, il en vient à préconiser la liquidation du régime minier. Or, dans le bassin houiller, nous développons une offre de soins de proximité dédiée à nos affiliés, mais ouverte à tous. Historiquement, le régime minier a constitué un rôle précurseur dans la santé et la prise en charge sanitaire. Les engagements de l’État à l’égard des mineurs doivent être tenus jusqu’au dernier ayant droit.
Roger Sauer, Président CFDT du conseil d’administration de la Carmi Est
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