En short et tee-shirt rouge, mine halée et sourire chaleureux, Ralph Blindauer reçoit dans un petit bureau loué à une SCI d’avocats messins, mais lui-même n’est plus que de passage en Moselle. Voici deux ans, le ténor lorrain de la cause ouvrière a pris la route. Avec sa compagne juriste, il sillonne désormais la France en camping-car pour plaider au plus près des points névralgiques des conflits sociaux.
On s’est étonné que je parte, mais j’ai des dossiers partout et j’étais sur les routes depuis longtemps ! Le déclic est venu lors de l’un des confinements de 2020. Nous étions à Nanterre pour l’affaire Coca-Cola. Les restaurants étaient fermés. Le soir, nous mangions des conserves à l’hôtel et à midi, nous allions chercher des casse-croûte sous une pluie glaciale. J’ai trouvé un camping-car d’occasion de 18 mètres carrés habitables avec chauffage – et le tour était joué !
Ralph Blindauer
L’avocat arrive de Montpellier, où il défend les salariés de l’entreprise de confection Orchestra – en passant par Lyon, où il ferraille contre Orange, qui, par une rupture de contrat inopinée, a mis à mal la coopérative Scopelec. Il repartira bientôt pour Dunkerque, où il plaide pour des salariés de l’industrie chimique. Ralph Blindauer bûche ses dossiers en couple avant de monter à la barre des tribunaux de commerce ou des conseils de prud’hommes. Doté d’une mémoire étonnante et d’une voix de stentor, ce passionné de théâtre outrepasse volontiers le simple rôle de conseil. Bien que marquée par des séquelles de polio, sa démarche résolue a entraîné derrière lui des centaines d’ouvriers que l’annonce d’un plan social avait désarçonnés.
« Le succès ou l’échec d’une lutte dépend avant tout de la mobilisation des salariés. Je cite leur cite souvent Berthold Brecht : celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu », martèle l’avocat. Voici près de vingt ans, il a affrété un car – financé grâce à un loto populaire – pour emmener les ouvriers du fabricant de jantes Ronal, en Moselle, jusqu’en Pologne, où leur activité avait été délocalisée. Il a ainsi étrenné une technique payante. De Zürich à Helsinki, en passant par Birmingham ou Frankfort, il a organisé des revendications festives et spectaculaires devant des sièges sociaux cossus. « Brûler des pneus ne sert à rien. Ce qui m’intéresse, c’est de m’éclater et d’obtenir des résultats : sauver des emplois ou faire octroyer des indemnités correctes à ceux que l’on pensait pouvoir licencier à moindre coût ».
Fils d’un sidérurgiste délégué syndical devenu conseiller municipal d’une municipalité communiste, Ralph Blindauer reste fidèle à la notion de lutte des classes. « Quand j’étais jeune, j’étais un peu coupeur de têtes. En trente ans, j’ai rencontré des dirigeants de PME très humains, voire admirables. Mais les grands groupes sont toujours les mêmes, ou se sont même durcis ». Les ouvriers aussi peuvent le mettre en colère, lorsqu’ils font fi de la solidarité. Le documentaire « La loi du plus faible » tourné par France 3 Grand Est en 2021 le montre exaspéré par les réticences des salariés à partager les acquis d’un combat. Il figure en tant que conseiller technique au générique du film « En Guerre », de Stéphane Brizé. Ralph Blindauer ne s’est inspiré d’aucun modèle, mais ne se voit pas de successeur. « Il n’est pas certain que l’on trouverait un confrère qui voudrait travailler comme moi », admet l’avocat.
7 juin 1954 – naissance à Amnéville.
1972 – licence de droit à la faculté de Metz.
1980 – Prête serment à la cour d’appel de Colmar.
2019 – candidat PCF aux élections européennes.
2020″ – Prend la route en camping-car.
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