A la frontière franco-luxembourgeoise, l’Établissement public d’aménagement Alzette-Belval convertit les friches polluées en écoquartier multisite. L’intercommunalité se prend au jeu.
En moins d’un siècle, le point de jonction entre la Moselle, la Meurthe-et-Moselle et le Grand-Duché de Luxembourg aura connu trois transformations radicales. Dans les années 1950, le site de Micheville bourdonnait avec 4.500 ouvriers affectés aux aciéries de Wendel et à ses laminoirs. Trente ans plus tard, le complexe sidérurgique arasé présentait un paysage lunaire. En 2015, les premiers engins de terrassement ont pris position sur ces terres désertées.
La plus petite opération d’intérêt national (OIN) de France entend accompagner le spectaculaire développement d’Esch-sur-Alzette, la deuxième ville du Luxembourg, distante de 2 kilomètres à peine. Le projet opérationnel et stratégique de l’Établissement public d’aménagement ( EPA ) Alzette-Belval prévoit d’ériger pas moins de 8.300 logements et d’en réhabiliter 500 à l’horizon 2030. Les premières constructions de cet écoquartier multisite réparti sur 26 zones d’aménagement sont aujourd’hui visibles.
Un embryon de quartier
Les parallélépipèdes qui s’alignent au long de la rue du Laboratoire à Audun-le-Tiche (Moselle) semblent sortis de nulle part. Alignés sur une voie rapide menant tout droit au Luxembourg, ces résidences étudiantes, immeubles d’habitation et bâtiments tertiaires ne forment encore qu’un embryon de quartier, mais ils indiquent que la greffe a pris.
L’écoquartier d’Alzette-Belval était un pari, et il est gagné : des promoteurs nationaux s’intéressent au secteur et des immeubles entiers se vendent déjà sur plan. Aujourd’hui, les premiers bâtiments laissent un sentiment d’inachevé mais en 2023, la perception du quartier aura radicalement changé.
Patrick Risser, président de la Communauté de communes du Pays Haut Val Alzette, qui regroupe huit communes mosellanes et meurthe-et-mosellanes (26.000 habitants)
Frontalier, post-sidérurgique, interdépartemental et périurbain, l’écoquartier Alzette-Belval ne peut être que singulier.
Dans un espace métropolisé par le Luxembourg, la vocation première de l’EPA est de produire du logement. Mais le territoire périurbain d’Alzette-Belval a su développer des modèles de smart city, d’économie circulaire et de production d’énergie que l’on ne trouve généralement que dans des métropoles de beaucoup plus grande taille.
Damien Nerkowski, directeur de l'EPA
L’établissement lui-même s’est installé dans un ancien laboratoire sidérurgique qu’il a porté de l’état de passoire thermique au statut de bâtiment à énergie positive, tout en y logeant les équipes de la CCPHVA et un plateau d’activités tertiaires.
Eaux grises
Les quelque 1.300 logements livrés, en chantier ou programmés, proposent plusieurs innovations, tel un système de récupération de chaleur des eaux grises des douches implanté par le bailleur Logiest dans son programme Ecoparc de Micheville. Ou le label Bâtiment biosourcé de niveau 3 que le promoteur local Les Constructeurs du bois vise pour son programme de 10.000 mètres carrés à Villerupt.
Lauréat du fonds Friches 2021, l’EPA développe par ailleurs un démonstrateur de gestion alternative des eaux pluviales. Il permet de contrôler leur niveau de pollution avant de les acheminer vers le bassin d’infiltration.
Labellisée Ecocités et Territoires à énergie positive, la Communauté de communes du Pays Haut Val Alzette développe pour sa part un projet de smart city optimisant la gestion de l’arrosage et de l’éclairage. Ses 4.200 lampadaires passeront aux LED et visent l’autonomie énergétique. La déchetterie intercommunale produit simultanément de l’électricité, de la chaleur et de l’hydrogène, à partir de la biomasse et de l’énergie éolienne.
Minett-Trail
Pour connecter les habitants à leur environnement urbain et naturel, une mission de préfiguration « Iba » (Internationale Bauausstellung), un concept allemand de programmation urbanistique au long cours, explore le territoire pour en renforcer les coutures.
La mission a identifié la nécessité de mieux relier les quartiers entre eux, de rapprocher les habitants de part et d’autre de la frontière et de les aider à retrouver l’accès à la nature toute proche.
Dorothée Habay-Lê, directrice du Groupement européen de coopération territoriale qui pilote la mission de préfiguration
La culture poursuit par ailleurs son œuvre fédératrice : élue capitale culturelle de l’Europe en 2022, Esch-sur Alzette inclut la Communauté de communes dans le projet Esch 2022 . Au programme, des événements et des expositions culturels majeurs dans toute la région. La manifestation prévoit un Minett-Trail, qui ouvre un circuit transfrontalier de 70 kilomètres à travers les sites naturels des anciennes terres sidérurgiques.
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