Après plus de sept ans de procédure, les 726 anciens mineurs qui, soutenus par la CFDT, militaient pour la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété, ne cachent pas leur soulagement : la cour d’appel de Douai a rendu ce vendredi 29 janvier une décision qui reconnait leur exposition fautive à des produits cancérigènes et toxiques et accorde à chacun d’entre eux 10.000 euros d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété.
Après avoir porté leur combat pour la première fois aux Prud’hommes en 2013, 727 anciens mineurs lorrains ont obtenu vendredi la reconnaissance de leur préjudice d’anxiété par la Cour d’appel de Douai pour une exposition à de multiples substances toxiques. Depuis le début de la procédure, qui réunissait initialement 834 plaignants, 241 d’entre eux ont développé une ou plusieurs maladies professionnelles, soit 315 maladies dont 38 cancers.
Un retour au réel
En comparant les dispositions théoriques prévues par les Houillères du bassin de Lorraine pour protéger leurs salariés aux conditions de travail attestées tant au fond que dans les installations « au jour », la Cour constate la réalité des risques liés aux poussières et fumées toxiques, pointe des masques mal adaptés ou en nombre insuffisants et y voit un manquement aux obligations de sécurité de l’employeur. La crainte de développer une maladie grave ou mortelle induisant un bouleversement des conditions d’existence, ce préjudice doit être indemnisé.
Ce jugement marque un retour au réel. Les expositions fautives peuvent déclencher des silicoses ou des cancers 30 ans plus tard, quand il n’y a plus rien à juger. Le préjudice d’anxiété permet aujourd’hui au salarié de saisir le juge dès que la faute est commise.
Jean-Paul Teissonnière
L’avocat et son confrère Cédric de Romanet ont défendu les mineurs au sein du cabinet TTLA.
Coups de boutoir
Le combat initié par les retraités du bassin houiller lorrain a porté des coups de boutoir successifs aux jurisprudences qui, depuis 2010, limitait le bénéfice du préjudice d’anxiété aux salariés exposés à l’amiante et relevant d’une catégorie d’entreprises dûment listée. En 2019, les arrêts de l’assemblée plénière du 5 avril, puis l’arrêt de la chambre sociale du 11 septembre, ont accordé à tous les salariés la possibilité d’invoquer le préjudice d’anxiété pour des expositions à des produits toxiques, chimiques ou cancérigènes autres que l’amiante. Le raccourcissement du délai de prescription, passé, dans l’intervalle, de 30 à 5, puis 2 ans, et l’obligation, pour le plaignant, d’étayer très précisément le manquement de l’employeur à ses obligations de sécurité, limitera le nombre de plaintes à l’avenir.
Mais le combat des mineurs aura replacé la sécurité au travail au cœur des débats. Inlassable porte-parole de ses anciens collègues, François Dosso voit aussi dans cet épilogue une reconnaissance inestimable :
Lorsque nous disions ce que nous avons vécu au travail, nous disions la vérité. Les mineurs ne sont pas des menteurs.
François Dosso, militant CFDT et retraité mineur
--Télécharger l'article en PDF --
Poster un commentaire