Président de l’Université de la Grande Région (UniGR) depuis sa création en novembre 2015, Pierre Mutzenhardt orchestre la coopération de 6 universités émanant de quatre pays. Désormais regroupées dans une association de droit luxembourgeois, les universités de Kaiserslautern, de Luxembourg, de Liège, de Lorraine, de la Sarre et de Trèves se positionnent sur les Border Studies, qui proposent une approche pluridisciplinaire des espaces frontaliers.
A mi-parcours de votre présidence, quel bilan tirez-vous de la première année d’existence de l’UniGR ?
Nos structures sont en place. Nous avons recruté une directrice générale, Frédérique Seidel, et constitué une équipe de trois personnes basée à la Villa Europa de Sarrebruck. Nous avons établi une feuille de route basée sur nos compétences respectives, mais aussi, sur ce que nous pourrions faire de plus que si nous n’étions pas ensemble. Notre valeur ajoutée spécifique réside dans les border studies. Nous avons de grandes universités dans tous les domaines, et notamment ceux des matériaux et de la biomédecine. Mais c’est sur la spécificité transfrontalière que nous nous différencions. Nous sommes implantés sur quatre pays présentant des modes de fonctionnement différents : cela nous donne toute légitimité pour ce type d’expertise.
Quels thèmes les Border Studies pourront-elles aborder ?
Le besoin d’expertise concerne le domaine des humanités – histoire, géographie, sociologie – mais aussi des sujets d’actualité comme les migrations dans les zones frontalières, la comparaison des dispositifs politiques et réglementaires ou la continuité de la biodiversité dans un même bassin versant. Nos travaux ne doivent pas servir qu’à nous, Même si nos objets de recherche seront purement territoriaux, nous développons des méthodologies d’étude qui peuvent être transposées dans le monde entier. Nous nous intéressons à des entreprises régionales telles la Smart ou BASF. Notre expertise s’étend à la communication, à la logistique, aux services ou aux aspects juridiques. Notre ambition est au moins européenne : tout endroit où se trouvent deux frontières est potentiellement concerné par nos recherches.
Quelle relations entretenez-vous avec le groupement européen de coopération Eucor basé à Strasbourg, qui regroupe depuis décembre 2015 cinq universités françaises, allemandes et suisses ?
Nous n’envisageons pas de concurrence, mais plutôt une complémentarité dans deux bassins distincts du Grand Est. Nous verrons si les Border Studies peuvent se développer tout au long de la frontière. Mais la recherche de rapprochements à tout prix ne nous paraît pas opportune. Elle aboutirait à créer un très grand réseau beaucoup plus compliqué et risquerait de faire perdre à l’UniGr la dynamique née de six ans d’actions communes. Nous avons une longueur d’avance, car l’UniGR est issue d’un programme Interreg que la création de l’association est venue pérenniser. Eucor constitue un réseau exceptionnel qui se situe dans le top 100 mondial de la recherche. Il s’appuie sur un programme Interreg V Rhin supérieur engagé mi-2016. La structure choisie – le GECt – est assez lourde, mais nous l’envisagerons peut-être à terme.
Quelles améliorations l’UNI-GR peut-elle apporter au quotidien à ses 123 000 étudiants ?
Des formations d’excellence dans un environnement multiculturel. L’UniGR est spécialiste des formations trilingues et propose depuis longtemps des cursus bi-diplômants quelquefois tri diplômants. Nous allons communiquer dans les lycées pour que des jeunes brillants sachent qu’ils peuvent trouver dans l’espace transfrontalier des formations de haut niveau. Les cursus prévoient des stages de six mois à un an sur deux ou trois pays. Il ne suffit pas d’être trilingue : le fait d’avoir vécu dans plusieurs pays crée des liens et constitue un atout fantastique en termes d’employabilité. Les étudiants sont très conscients de cette plus-value et se montrent demandeurs de cet apprentissage.
Propos recueillis par Pascale Braun
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