Dans cette région meurtrie par l’épidémie de Covid-19, cet industriel, qui préside l’association Vosges Terre Textile, a mis ses membres en ordre de bataille pour fabriquer des masques destinés aux personnels et agents en contact avec le public.
Dans la tornade sanitaire actuelle, Paul de Montclos a su tisser des liens solides. A l’appel de ce chef d’entreprise, les industriels, membres de l’association Vosges Terre Textile qu’il préside, se sont mis, en moins d’une semaine, en ordre de bataille pour fabriquer des masques contre le coronavirus.
Nous étions prêts à lever une armée territoriale, mais les confectionneurs étaient morts au cours de la guerre précédente, lors de l’effondrement du textile français voici 20 ans. Nos membres ont donc adapté leurs machines et fait appel à leur personnel, qui a répondu présent dans un élan extraordinaire.
Paul de Montclos, PDG des tissages Garnier-Thiebaut et président du Syndicat textile de l'Est
Entre 3.000 et 5.000 masques par jour
Ce patron use d’un verbe précis, d’un ton ferme et d’un vocabulaire choisi pour raconter la mobilisation du tissu local afin de mettre à disposition de la préfecture 3.000 à 5.000 masques par jour. Lavables, repassables et réutilisables, ces protections de catégorie 3 sont destinées non pas aux soignants, mais à des salariés et autres agents en contact avec le public. Une grille tarifaire fixe des prix compris entre 2,50 et 4 euros l’unité en fonction des volumes commandés.
Les industriels vosgiens ne gagneront pas d’argent sur les masques, mais j’ai tenu à valoriser leur travail.
Paul de Montclos
S’il est issu, par sa mère, de l’une des plus anciennes familles de négociants de tissu de France – la maison Denantes, toujours implantée à Voiron, en Auvergne, fut créée en 1723- Paul de Montclos n’avait pourtant pas la fibre textile. Titulaire d’un DESS de gestion des entreprises, il était directeur administratif et financier d’une société d’optique lorsque son frère aîné lui a demandé en 1993 d’auditer l’entreprise de tissage Garnier-Thiebaut, acquise par Denantes quelques années auparavant. A l’époque, la « vieille dame de Gérardmer », créée en 1833 sur le mode du village-usine, se portait mal. Mandaté pour préparer sa cession, Paul de Montclos, a fait durer sa mission jusqu’à s’ancrer définitivement dans les Hautes Vosges.
Le lin, le chanvre et l’ortie
Touché par l’héroïsme des ouvriers pour combattre un incendie survenu dans l’usine, il s’est lancé à corps perdu dans une autre opération de sauvetage en rachetant l’entreprise. Il a pris exemple sur son père, qui, voyant disparaître le métier de trousseautier, a réussi un rebond spectaculaire en s’attaquant au marché du linge de table dans l’hôtellerie.
Convaincu que le textile français n’avait aucune chance de remporter la guerre des prix lancée par la Chine, Paul de Montclos a misé dès 1996 sur le haut de gamme, la créativité et le service. Dès lors, Garnier-Thiebaut n’a plus perdu d’argent.
Son patron travaille désormais à élaborer un textile plus durable. La PME s’est associée au chimiste local Salvéco pour élaborer une lessive végétale, tandis que Paul de Montclos scrute de « nouvelles » matières premières telles le lin, le chanvre ou l’ortie qu’il pense un jour pouvoir mélanger au coton.
L’Auvergnat d’origine s’est ainsi mis au service de son département d’adoption, renouant les liens d’une filière distendue par les rivalités. Homme d’extérieur, le tout juste sexagénaire a hâte de retrouver les longues marches dans la montagne et les visites aux amis. Ce père de cinq filles, catholique pratiquant, préfère de très loin les liens humains aux réseaux sociaux. Défenseur de longue date des filières courtes, il voit dans la crise actuelle l’occasion de repartir enfin sur des bases plus saines.
--Télécharger l'article en PDF --
Poster un commentaire