Ancien président de l’Agence culturelle d’Alsace désormais président de la commission Culture de la région Grand Est, Pascal Mangin voit dans l’espace transfrontalier des opportunités d’enrichissement, d’échanges et de mutualisation.
Comment percevez-vous la dimension transfrontalière de votre fonction ?
Les frontières sont un marqueur important de l’identité régionale du Grand Est. Avant la réforme territoriale, les trois anciennes régions présentaient des différences assez marquées en matière de coopération culturelle avec les quatre pays voisins. Ce n’est pas faire offense à la Champagne-Ardenne que de souligner que le territoire frontalier de la Belgique est très rural. En Alsace, le discours était volontariste, mais la réalité s’avérait plus nuancée. Le transfrontalier constitue l’oxygène quotidien de l’agglomération strasbourgeoise, mais Stuttgart, la capitale du Bade-Wurtemberg, est plus éloignée et les échanges sont moins vitaux. En Suisse, la dimension mondiale de Bâle crée forcément des déséquilibres avec les villes alentour. C’est en Lorraine que se situent les coopérations les plus affirmées avec la Sarre et le Luxembourg, grâce à la proximité des niveaux décisionnels, aux contacts entre institutions et à l’agilité des acteurs culturels eux-mêmes.
Ces coopérations vous paraissent-elles constituer un modèle ?
Certainement. Un festival comme Perspectives prouve que le désir d’échanges peut se concrétiser. Les coopérations sont particulièrement étroites dans des poches où la frontière est poreuse et où une intimité s’est nouée de part et d’autre. C’est le cas dans l’Eurodistrict SaarMoselle ou encore, dans le Haut-Rhin, où la Communauté de Communes Pays Rhin-Brisach construit un centre culturel transfrontalier sur l’Ile du Rhin. L’ensemble du Grand Est devrait s’inspirer de ces dynamiques territoriales. La culture se diffuse à 360 °. Nous aurons gagné si dans dix ans, Saint-Dizier pense à coopérer avec l’Allemagne ou le Luxembourg.
Quelle valeur ajoutée le Grand Est apporte-t-il à la coopération culturelle transfrontalière ?
Aujourd’hui, le Grand Est est au niveau pour coopérer. Des institutions culturelles aussi exigeantes que celle de Bâle ou du Luxembourg sont attentives à nos propositions. Esch 2022 constitue une formidable opportunité de mieux connaître ce territoire en construction et en mouvement qui sera durant un an la capitale européenne de la culture. Nous allons adhérer à l’association organisatrice pour proposer la contribution des grands acteurs culturels du Grand Est, comme l’école Graine de Cirque, le Théâtre national de Strasbourg ou le centre Pompidou-Metz, mais aussi des acteurs plus petits, qui y trouveront une opportunité de s’organiser.
Indépendamment d’Esch 2022, nous constatons déjà un élargissement des réseaux et une ouverture aux frontières, notamment dans le domaine de la danse ou des musiques actuelles, qui représentent un grand potentiel.
Comment soutenez-vous cette ouverture aux frontières ?
Je ne crois pas en l’utilité des comités et institutions transfrontaliers qui, dans les faits, ne fabriquent rien du tout. Quant aux fonds Interreg, ils sont utiles, mais le fait qu’il y en ait deux pour le Grand Est ne facilite pas les choses : tant qu’à monter un projet belgo-helvético-franco-germano-luxembourgeois, autant s’organiser pour que chacun apporte son écot.
Pour l’instant, les institutions apprennent à mieux se connaître. Je note des avancées, notamment en matière d’audiovisuel, avec des échanges entre le Luxembourg et le Bade-Wurtemberg ou la Suisse et Baden-Baden. En Alsace, nous participons au projet Interreg « Film en Rhin Supérieur ». Dans le domaine des arts vivants, nous avons accompagné cette année pour la deuxième fois un groupe de neuf compagnies du Grand Est à l’IKF (Internationale Kulturbörse Freiburg), une foire européenne de très haut niveau où se rencontrent durant quatre jours les prescripteurs et les acheteurs de spectacles. Nous soutenons les acteurs culturels lorsqu’ils veulent se projeter vers l’extérieur. Les dispositifs d’accompagnement et de financement existent. Le reste dépend de la volonté des artistes eux-mêmes.
Propos recueillis par Pascale Braun
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