La quarante-deuxième édition du Festival du film italien de Villerupt mettra à l’honneur la Basilicate, province du sud de l’Italie dont le chef-lieu Matera est la capitale européenne de la Culture 2019. Ce choix apparaît comme une invitation à la coopération dans la perspective d’Esch 2022. Président du Pôle de l’image de Villerupt (Meurthe-et-Moselle), qui organise le festival depuis 20 ans, et délégué artistique du festival, Oreste Sacchelli revient sur les ambitions de l’un des principaux événements culturels italiens d’Europe.
Vous avez présenté fin juin l’affiche et certains thèmes du festival du prochain film italien qui se tiendra du 25 octobre au 11 novembre 2019, mais vous n’avez pas détaillé le programme complet. Pourquoi ?
Nous bouclons notre programmation juste après la Mostra de Venise, qui s’achève quelques semaines avant notre coup d’envoi. Nous avons pour principe l’hyper-actualité et tenons à programmer l’essentiel du cinéma contemporain. Nous n’obtenons pas toujours tous les films que nous voudrions. Mais nous sommes sûrs de capter l’essentiel des thèmes qui animent la société italienne, des conflits qui la traversent et de la manière dont le cinéma les résout. Grâce à notre double culture, nous avons acquis des connaissances que nous voulons faire partager.
Dès son origine, la vocation du festival a été de donner à des émigrés qui étaient souvent restés dans la sédimentation des souvenirs une image contemporaine de la société italienne. L’autre ambition est d’entamer le dialogue avec des gens qui ne sont pas Italiens, mais qui sont cinéphiles et qui viennent à Villerupt pour découvrir des films qu’ils ne verraient pas ailleurs.
Pourquoi le festival du film italien est-il né à Villerupt ?
Cela tient à la fois du hasard et de la nécessité. Le festival s’explique d’abord par la présence dans le nord lorrain et au sud du Grand-Duché d’une nombreuse population d’origine italienne. Les années 70 ont vu émerger la première génération de fils d’ouvriers qui n’étaient pas ouvriers. Ils avaient conservé les valeurs de leur milieu, mais leur bagage scolaire et universitaire leur permettaient de tenir un propos structuré et organisé.
Le hasard qui explique que le festival ait vu le jour à Villerupt, et non à Joeuf ou à Hayange, tient à la présence, à la MJC de Villerupt, d’un groupe de jeunes qui voulaient faire du cinéma et cherchaient le moyen de financer leur production. Ils ont organisé leur premier festival en 1976 et ils ont rencontré, avec plus de 3.500 visiteurs, un succès qui dépassait leurs espérances.
Spectateur assidu du festival dès sa première édition, j’ai été le premier enseignant à y emmener mes élèves dès 1977. Etant professeur d’italien, j’étais celui qui lisait, qui écrivait, qui traduisait. Devenu maître de conférences à l’université Nancy 2, je me suis spécialisé dans le cinéma italien et j’ai fondé le Pôle de l’image de Villerupt, qui organise le festival depuis une vingtaine d’années. La structure emploie trois permanents et le double durant le festival, durant lequel elle mobilise une centaine de bénévoles.
Quelle dimension le Festival du film italien revêt-il aujourd’hui ?
Nous nous sommes construits en marchant. Quarante ans plus tard, j’observe une forme de patrimonialisation. Le festival propose chaque année 70 projections dont une quarantaine de films très contemporains, accueille 40.000 visiteurs et présente un catalogue qui fait référence. Selon le ministère de la Culture italien, Villerupt est l’un des festivals italiens les plus importants d’Europe. Rares sont les sites français qui présentent une telle zone d’influence. Pendant le festival, il suffit de regarder les plaques d’immatriculation pour constater que certains spectateurs viennent de très loin. Le festival participe aujourd’hui d’une nouvelle forme de tourisme culturel.
Lors de sa création, le festival était aussi celui des Italiens du Luxembourg. Est-ce toujours le cas ?
Oui, mais la réalité a changé. Le festival s’adresse aujourd’hui non plus à des Luxembourgeois d’origine italienne, mais à des Italiens vivant au Luxembourg. Les premiers immigrés italiens sont arrivés au Luxembourg à l’époque du fer, suivis des Portugais qui ont contribué à construire une société de services. Nous voyons aujourd’hui une nouvelle immigration italienne que l’on appelle plutôt des expatriés. Ces jeunes migrent aussi pour le travail, que ce soit dans les bars, dans les banques ou dans les institutions européennes. Ils ont un bagage culturel important et ressentent le besoin de garder une relation avec leur pays. Ils disent souvent qu’en 15 jours de festival, ils regardent plus de films italiens qu’en un an au pays.
Quelles sont aujourd’hui les coopérations du festival avec le Grand Duché ?
Nous organisons des projections à la Kulturfabrick d’Esch-sur-Alzette, au CNA de Dudelange, à la cinémathèque et au cinéma Utopia Kinépolis de Luxembourg-ville.
Nous avons déjà été sollicités dans le cadre d’Esch 22. Quand les délégués de Bruxelles sont venus, ils sont visité le festival et ont estimé qu’il pouvait être inclus dans le projet. La nouvelle équipe dirigeante verra comment nous pouvons coopérer. Ce n’est pas un hasard si nous avons mis à l’honneur Matera, chef-lieu de la province de Basilicate, au sud de l’Italie, qui est la capitale culturelle de la culture 2019. L’expérience de cette ville permettra certainement des rencontres. En 2022, nous devrions être installés dans le nouveau Pôle culturel de Micheville à Villerupt. Cet horizon est encore lointain, mais il suppose une nouvelle géographie et une nouvelle économie. Nous avons encore deux éditions à préparer dans la configuration actuelle, mais nous réfléchissons déjà à la bascule.
Propos recueillis par Pascale Braun
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