Les universités de l’Acal constituent les premières utilisatrices potentielles de réseaux et de cloud transfrontaliers. A terme, ces infrastructures seront indispensables pour accompagner les coopérations entre chercheurs. Pour l’heure, les partenaires universitaires s’accommodent de liaisons imparfaites et de moyens limités.
De Reims à Bâle et de Karlsruhe à Nancy, la future grande région Acal et sa bande frontalière présentent une concentration d’universités, de centres de recherche et de surpercalculateurs sans équivalent en Europe. Connectés, ces gisements de matière grise pourraient contribuer de manière décisive au développement scientifique et économique d’une Grande région élargie. Mais la coopération reste tributaire de financements aléatoires, corsetée par des bornes techniques et juridiques et entravée par le manque de vision globale.
Fondée en 2008 grâce aux fonds européens Interreg IV, qui ont assuré son financement durant ses cinq premières années, l’Université de la Grande Région regroupe les universités de Lorraine, de Trèves, de Sarrebruck, de Kaiserslautern, de Liège et du Luxembourg. Basée à Sarrebruck et en passe de se doter d’un statut associatif de droit luxembourgeois, la structure pose les jalons d’une coopération inter-universitaire transfrontalière.
Le numérique constitue une composante essentielle de notre développement, notamment pour faciliter les travaux des étudiants et des doctorants.
Johannes Caliskan, chargé de la coopération transfrontalière à la direction des relations internationales et européennes de l’Université de Lorraine
Dotés d’un site internet commun, les six partenaires développent entre autres le portail Tamil, qui vise à mutualiser les données bibliothécaires, et un projet d’e-learning porté par les universités de Lorraine et de Kaiserslautern. Ils disposent également de la plateforme de gestion documentaire collaborative Alfresco synchronisée au cloud permettant de partager les données.
Lothaire irrigue la Lorraine
Unifiée depuis 2011, la jeune université de Lorraine s’est dotée du réseau Lothaire (réseau LOrrain de Télécommunication à Haut débit pour les Applications Informatiques de la Recherche et de l‘Enseignement Supérieur), qui connecte à très haut débit l’ensemble des sites universitaires et de recherche lorrains.
Soutenu par le contrat de plan Etat-Région et géré en interne par l’université de Lorraine, Lothaire constitue un modèle économique performant et une belle réussite régionale. Son offre se limite dans un premier à notre territoire, mais nous n’excluons pas des ouvertures à l’avenir.
Brigitte Nominé, vice-présidente de l’université de Lorraine en charge de la politique numérique et des systèmes d'information
L’université de lorraine a entreprise de rationaliser le fonctionnement des quelque 16 000 ordinateurs de son parc et constituera d’ici à la fin de l’année sa propre solution cloud pour stocker ses données sans recourir aux prestataires extérieurs. Son mésocentre de calcul Explor sera opérationnel début 2016 et offrira ses capacités de calcul à l’ensemble des centres de recherche lorrains, mais aucune ouverture transfrontalière n’est encore envisagée.
Roméo, fidèle à l’Acal
L’université Reims Champagne-Ardenne dispose avec son centre de calcul Roméo, dédié aux entreprises et centres de recherche régionaux, de capacités de simulation comptant parmi les plus performantes de France. Ses partenaires s’inquiètent de la faiblesse de ses infrastructures numériques qui risque d’entraver le développement de sa plateforme, mais n’ont pas exploré la piste transfrontalière pour augmenter ses capacités de stockage.
Les données de service public doivent rester gérer par le service public. En France, ces données sont bien protégées. Il y aurait un enjeu politique et éthique à les délocaliser à l’étranger.
Olivier Perlot, vice-président de l’université numérique à l’université de Reims-Champagne-Ardenne
L’université champ ’ardennaise a en revanche répondu à un appel à manifestation d’intérêt sur la vision des clouds à l’échelle de la future grande région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne.
Haut débit et bouts de ficelle
En Alsace, les chercheurs de l’université de Strasbourg (Unistra) et du Rhin supérieur coopèrent de longue date avec leurs confrères d’Outre-Rhin, mais déplorent le peu de moyens consacrés à conforter les connexions transfrontalières.
Nous disposons sur notre territoire d’îlots de haute technologie, mais le réseau transfrontalier tient avec des bouts de ficelles. Il faut définir des infrastructures en fonction de vrais usages, pour la bonne cause et à des coûts optimisés. Les universités en sont conscientes, mais il manque encore une vision d’avenir partagée à l’échelle européenne. En la matière, l’Europe n’a pas donné l’exemple.
Catherine Ledig, professeure associée en master de droit de l’économie numérique à l’Unistra
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