Mondialisé par nature, le numérique achoppe parfois aux frontières. Correspondances lorraines explore cette semaine des échanges encore timides entre la future région Acal et ses voisins. Les rapprochements les plus tangibles s’opèrent entre la Lorraine et le Luxembourg, dans un bassin d’emploi quasi intégré où le numérique a tout naturellement trouvé sa place.
Confronté au début de la décennie à de nouvelles obligations en matière de transparence financière, le Grand-Duché du Luxembourg s’est recentré sur l’économie numérique. Aujourd’hui classé au neuvième rang du rapport sur les technologies de l’information publié par le forum économique mondial, le petit Etat accueille sur son territoire des géants tels Amazon.com, eBay ou PayPal, tout en développant ses propres activités de distribution de contenu, de paiement électronique et de cloud.
Le secteur du numérique luxembourgeois progresse à une telle vitesse que le pays ne pourra pas tout absorber. Région frontalière la mieux placée, la Lorraine bénéficiera certainement de cette croissance.
Frédéric Schnur, président de l’association Grand Est Numérique
Les deux voisins développent pour l’heure des activités différentes, mais complémentaires, au sein d’un bassin d’emploi quasi-intégré. Les entreprises luxembourgeoises recrutent en Lorraine des développeurs bien formés auxquels ils proposent des salaires nettement supérieurs à ceux pratiqués en France. Les frontaliers français viennent créer leur start-up au Luxembourg, où ils trouvent des circuits de décisions courts et des ouvertures immédiates sur l’international.
Lor’N’Tech, touche frontalière de French Tech
Les coopérations avec le Luxembourg et la Sarre ont pesé lors de la labellisation du cluster Lor’N’Tech au label French Tech. D’ordinaire peu enclin à la coopération transfrontalière, Bercy a émis quelques réticences à la perspective de soutenir des projets implantés en dehors de son territoire, mais a admis l’intérêt de renforcer les liens de la Lorraine avec des voisins aussi dynamiques. Lor’N’Tech est ainsi devenu l’unique projet transfrontalier validé par French Tech.
Du Cloud à l’horizon
Les échanges franco-luxembourgeois pourraient également prendre la forme du cloud computing. L’établissement public d’aménagement (EPA) Alzette-Belval porte depuis sa création un projet de datacenter sur le territoire de l’Opération d’intérêt national (OIN) en limite du sud luxembourgeois. Initialement envisagé pour stocker des données d’entreprises grand-ducales et mutualiser l’approvisionnement électrique avec un hôpital transfrontalier qui n’a pas vu le jour, le projet de cloud intègre à présent l’écocité en phase de démarrage.
Notre territoire dispose de foncier abordable et sera bientôt doté d’une desserte à haut débit. Notre projet de Smart Grid prévoit des technologies innovantes et moins énergivores permettant d’alimenter un datacenter de manière mixte, avec un complément émanant du biogaz. Ces éléments nous permettront de proposer une offre innovante à nos voisins luxembourgeois, mais aussi aux collectivités et institutions voisines.
Jean-Claude Moretti, directeur général adjoint de l’EPA
Datacenters et biogaz
Douze mois d’études, dont les résultats seront restitués en fin d’année, ont démontré qu’il n’existe pas de demande suffisante pour un cloud de grande capacité – dont les banques et institutions luxembourgeoises sont déjà largement dotées – , mais démontrent l’opportunité d’implanter de petits datacenters plus localisés positionnés sur le marché de la redondance, du stockage de courte durée ou des données moins sensibles.
Les grands datacenters de type Tier 3 ou Tier 4 requièrent d’énormes capacités électriques et doivent pouvoir garantir des coupures n’excédant pas 22 minutes par an. Mais tout le monde n’a pas besoin d’une Rolls. Il existe un marché potentiel complémentaire à ces grosses structures.
Hélène Bisaga, chargée de développement en charge de l’étude de l’EPA
En fonction de l’intérêt des investisseurs, le datacenter de l’OIN pourrait voir le jour à l’horizon 2017 sur le site de Micheville II. Cette perspective ne tempère pas l’impatience d’Hervé Obed, PDG de ProConsultant Informatique, société lorraine spécialisée dans les systèmes d’information dédiés aux groupes media.
Je m’étonne étonne que les autorités territoriales n’aient pas perçu la précieuse opportunité de créer un datacenter dans les meilleurs délais.
Hervé Obed, PDG de ProConsultant Informatique et président de l’Institut lorrain de participation
Le dirigeant assure avoir réuni voici trois ans des investisseurs prêts à financer la création d’un, voire deux datacenters en Tier 3 + à Audun-le-Tiche, sur le territoire de l’OIN.
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