Depuis six ans, les entreprises numériques du Grand Est organisent eux-mêmes la détection et la formation de leurs futures recrues. Efficace, le dispositif va s’étendre en France entière.
Le Grand Est ne constitue que la neuvième région française en termes de numérique, mais la proximité des frontières a conduit ses entreprises de services informatiques à se mobiliser dès le début de la décennie pour contrer la pénurie de main d’œuvre. En 2013, une première convention entre Syntec numérique Grand Est, son ex-opca Fafiec, désormais absorbé par l’opco Atlas, et Pôle emploi, a permis de formaliser en Alsace un dispositif inédit de recrutement et de formation. Reconduite et structurée trois ans plus tard au sein de l’association Numéric’emploi Grand Est (Nege), la démarche s’est élargie à la Lorraine et à la Champagne-Ardenne et devrait se déployer progressivement sur l’ensemble du territoire.
D’ordinaire, les demandeurs d’emploi sont formés sans que l’on sache qui va les embaucher. Nous avons pris le contrepied de ce principe en allant nous-mêmes à la rencontre des candidats et en définissant les formations nécessaires en fonction des besoins de nos professions.
Thierry Vonfelt, délégué régional Syntec numérique Grand Est
Pôle emploi présélectionne des demandeurs d’emploi ou des salariés en reconversion sur la base de leur appétence aux métiers du numérique. Environ une fois par mois, cinq adhérents de Syntec numérique Grand Est – dirigeants de sociétés, DRH ou experts en informatique – vont à la rencontre d’une trentaine de candidats à Strasbourg, Mulhouse ou Nancy, pour évaluer leur niveau d’employabilité, les adresser directement à des employeurs potentiels ou leur conseiller des formations complémentaires. Equipés d’une tablette, ils s’appuient sur une application dédiée pour objectiver leurs critères et enrichir une base de données commune aux adhérents.
Cette approche directe a permis d’accueillir 500 personnes par an, et d’en orienter près de la moitié vers des formations, des stages ou des emplois. Environ 80 % des candidats intégrés dans le dispositif trouvent un emploi au terme de formations très diverses, qui varient de six mois à deux ans en fonction des profils. Nege s’implique aussi dans le cahier des charges soumis aux organismes de formation pour adapter l’offre tantôt à des « décrocheurs », tantôt à des demandeurs d’emploi déjà bien familiarisés à l’outil informatique. Le conseil régional du Grand Est a pleinement soutenu une démarche jugée anticipatrice et adaptée aux besoins du territoire.
Ce succès conduit aujourd’hui Syntec numérique de dupliquer Nege à l’échelle nationale. Le syndicat professionnel, qui regroupe 2.000 entreprises pour près de 500.000 salariés, a annoncé fin septembre un objectif ambitieux : en se déployant progressivement sur le territoire en trois à quatre ans, le dispositif pourrait permettre le recrutement, chaque année, de 60.000 demandeurs d’emploi et personnes en reconversion.
Les besoins en compétences augmentent non seulement parmi les entreprises spécialisées dans le numérique, mais aussi parmi leurs clients, qui absorbent 60 % des postes liés à l’informatique. La numérisation augmentera également les besoins en reconversion. La formation peut permettre aux salariés de se réorienter vers des postes stables et valorisants tout en limitant le turn-over et les tensions salariales que génère aujourd’hui la pénurie de main d’œuvre.
Godefroy de Bentzmann, président du Syntec
Selon le syndicat, la gouvernance tripartite employeurs – Région – Pôle emploi doit rester au cœur de Numéric’emploi, les entreprises demeurant à ses yeux les mieux placées pour définir le contenu pédagogique, les objectifs, l’organisation et les modalités des formations. Syntec a commencé à présenter le dispositif, notamment dans les Hauts-de-France et en Pays de Loire.
Numéric’emploi doit conserver son ADN, mais il peut s’adapter à des spécificités régionales. Nous avons déjà engagé des études territorialisées pour identifier les compétences en tension, anticiper les besoins à trois ans et faire l’état des lieux de l’offre en formations régionales.
Neila Hamadache, déléguée à la formation à Syntec Numérique
Le financement de ces formations reste un point de tension, notamment pour les profils bac+4 ou bac + 5, qui, pour l’heure, n’entrent pas dans le dispositif. Par ailleurs, la ProA – Reconversion ou promotion par alternance – dont les modalités ont été définies par ordonnance le 21 août 2019 pourrait ouvrir des voies de financement, mais elle suppose un accord de branche étendu pour être applicable. Les premières négociations paritaires commenceront d’ici à la fin de l’année.
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