Extrait de l’enquête de l’Usine nouvelle sur la réforme territoriale.
Le mariage forcé de la Lorraine avec l’Alsace et Champagne-Ardenne ne séduit pas les industriels lorrains, qui n’entrevoient guère d’avantages à la création de cette grande région. Celle-ci présente pourtant une cohérence industrielle dont attestent les pôles de compétitivité.
Avant même la publication des bans, les perspectives de mariages entre l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne, finalement regroupées au sein d’une même entité, ont donné lieu à bien des scènes de ménage. Annoncés mi-novembre, ses contours définitifs ont rendu caducs les premiers préparatifs de la fusion entre l’Alsace et la Lorraine, dont le principe paraissait acquis jusqu’en juin dernier.
La création d’une entité de près de 40 000 km2 a ravivé en Alsace un régionalisme agressif dont les Lorrains ont fait les frais. La perspective de rapprochement entre les deux régions a inspiré de méchantes caricatures présentant la Lorraine comme une pauvresse prolétaire qui viendrait accaparer les richesses de sa voisine. L’adjonction de la Champagne-Ardenne ayant enfoncé le clou, Strasbourg a obtenu à titre dérogatoire le statut de capitale régionale qui a suscité l’ire de l’ensemble des élus lorrains et champardennais.
Une cohérence anticipée par les pôles de compétitivité
Les industriels restent en retrait de la houle politique, mais la réforme territoriale leur semble ajouter du flou au flou.
Nous sommes en pleine réforme consulaire, nous attendons les concrétisations du Pacte de stabilité et celles du choc de simplification. L’annonce de la réforme territoriale n’apporte que des questions supplémentaires. Nos chefs d’entreprise n’ont aucune information sur les futurs centres de décision et leur préoccupation immédiate est de faire tourner leur boîte.
François Pélissier, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle et dirigeant d’Ecologgia, spécialisée dans la production et la mise en œuvre de matériaux constructifs innovants
Sur le plan industriel, la future région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne présente pourtant une cohérence que les pôles de compétitivité avaient anticipée. Le pôle Matéralia est né de la fusion en 2009 de Mipi (Matériaux Innovants Produits Intelligents) et du champardennais P2MI (Procédés de Mise en Œuvre des Matériaux Innovants), explicitement complémentaires. Le pôle coopère déjà avec les alsaciens Bio Valley et Véhicules du futur. Alsaco-lorrain dès son origine, le pôle Fibre du Grand Est a fusionné fin octobre avec Energivie. Quant au jeune pôle Hydreos dédié à l’eau, il sera probablement absorbé compte tenu de l’assèchement des financements.
Une industrie du bois plus forte ?
Les rapprochements pourront également favoriser l’émergence de filières d’excellence.
Avant même la réorganisation territoriale, le cluster Aériade avait été approché par la région Champagne-Ardenne qui présente une industrie aéronautique comparable à la nôtre, mais peu structurée. Reims présente une véritable histoire aéronautique depuis plus d’un siècle et il existe à l’évidence des champs de coopération en matière de transformation des métaux.
Thierry Jean, nouveau président du pôle de compétitivité Materalia, président du cluster aéronautique lorrain Aériades et adjoint au maire (PS) de Metz en charge du développement industriel
Autre point fort de la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, l’industrie du bois pourrait prendre de la vigueur dans ses vastes massifs forestiers.
Il y a certainement des hommes de bonne volonté dans les trois régions. La future région disposera peut-être de plus de moyens, mais nous n’avons pour l’heure aucune indication ni sur le futur fonctionnement, ni sur les opportunités qu’elle est susceptible d’offrir.
Philippe Roux, dirigeant du groupe vosgien Charpente Houot, président de l’Union des métiers du bois et président jusqu’en juin dernier du groupement d’entreprises de la filière bois lorraine Gipeblor
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