Dans l’ancien bassin houiller lorrain, une association de prévention et un bailleur social se sont associés pour proposer aux jeunes des chantiers éducatifs qui leur permettent de financer en partie leur permis de conduire. Les travaux améliorent à la fois l’esthétique des quartiers et l’image de la jeunesse.
4 communes de l’Est mosellan. 29 300 hab.
Une décennie après la fermeture progressive des Houillères du bassin de Lorraine, l’Est mosellan voit ses cités minières naguère laborieuses et prospères se muer en ghettos. Construits au pied des puits de mines, des quartiers enclavés se trouvent aujourd’hui coupés de toute activité économique. Confrontés à un chômage massif atteignant 35 %, les jeunes n’ont guère de chance de trouver un emploi à moins de 15 kilomètres et ne peuvent compter sur des transports en commun inexistants ou inadaptés.
Un premier contrat de travail
Dans ce contexte, l’obtention du permis de conduire revêt un caractère crucial. « C’est une nécessité absolue. Dans les agences d’intérim, la première question que l’on pose aux jeunes est celle du permis, avant même celle du diplôme », confirme Muriel Vallade, chef de service de l’Association intercommunale de prévention spécialisée (AIPS), qui intervient dans les communes de Freyming-Merlebach, Farébersviller, Théding et Hombourg-Haut. L’association, qui lutte depuis sa création en 2000 contre l’exclusion des jeunes et de leur famille, a proposé au bailleur social Néolia, également implanté dans ces communes, un partenariat inédit couplant aide au permis et embellissement des quartiers.
Instaurés mi-2011, quatre chantiers éducatifs ont permis à 32 bénéficiaires âgés de 18 à 23 ans d’assurer 60 heures de travail au service des espaces communs du bailleur. Le salaire d’un montant de 460 euros est intégralement reversé à une auto-école, le solde restant à la charge du candidat. Dix-huit mois plus tard, cinq jeunes ont passé l’examen avec succès, huit d’entre eux ont obtenu le code et les autres poursuivent leur préparation. L’AIPS programme pour 2013 quatre nouveaux chantiers éducatifs, dont deux avec Néolia et deux pour le compte de collectivités locales. Outre l’aide au permis, le projet se traduit par des contributions utiles à la réhabilitation des quartiers. Les jeunes, dont la plupart signaient à cette occasion leur premier contrat de travail, ont trouvé dans ces chantiers une initiation aux contraintes professionnelles. Ils ont de surcroît vécu la fierté de livrer aux habitants de leur propre quartier un travail apprécié.
Attente de reconnaissance
Le bailleur et l’association ont accordé une grande attention au projet, tirant des leçons de chaque chantier pour améliorer l’organisation du suivant. Le coup d’essai s’est déroulé pendant l’été 2011 à Bening. Dans ce village calme et rural, les locataires de Néolia, retraités pour la plupart, ont accueilli avec bienveillance les huit jeunes de Farébersviller.
Nous avons répondu favorablement à la demande de l’AIPS car elle nous paraissait porteuse de valeurs économiques et sociales. En contribuant au financement du permis, nous avons apporté une petite pierre à l’édifice de l’insertion. Les jeunes nous ont fourni en contrepartie un travail bien fait qu’ils n’auront pas envie de dégrader, puisqu’ils l’ont réalisé eux-mêmes.
Jean-Pierre Raynaud, directeur général de Néolia Lorraine, qui gère un parc immobilier de 6 000 logements.
Encadrée par quatre éducateurs, l’équipe a procédé au remplacement des dalles disjointes donnant accès aux logements, pour la plus grande satisfaction des habitants. Le deuxième chantier, organisé à Hombourg-Haut à l’intention de jeunes issus du quartier, s’est avéré plus délicat. Un retard dans la livraison du matériel a entraîné protestations et mécontentement ostensibles. Les organisateurs du chantier ont improvisé des travaux de remplacement pour éviter les dérapages. Un comité de pilotage permet désormais de caler au mieux les deux semaines de travail en fonction des conditions climatiques, du ramadan et des disponibilités de chaque intervenant.
Des moyens limités
Les deux chantiers suivants ont porté sur la réalisation d’un abri de jardin pour la coopérative bio initiée par l’Action sociale du bassin houiller à Freyming-Merlebach et sur l’aménagement d’îlots fleuris à Théding.
En attente de reconnaissance, les jeunes constituent un public exigeant avec lequel on n’a guère droit à l’erreur. Les tâches confiées aux jeunes doivent être à la portée de néophytes, mais éviter tout caractère « occupationnel » ou dévalorisant.
Sylvie Guldner, responsable « habitat solidaire » de Néolia Lorraine
--Télécharger l'article en PDF --