Les deux villes ont l’une et l’autre développé des expérimentations pionnières en matière de mobilité, de stationnement et de fidélité commerçante. Elles devront combiner leurs atouts pour déployer l’intelligence numérique dans tout le bassin.
En octobre dernier, le pôle métropolitain du Sillon lorrain réunissant les villes de Metz, Nancy, Thionville et Épinal a déposé une candidature collective au label French Tech. Dénommée Lor’N’Tech, la démarche a permis au territoire de faire l’inventaire d’une richesse numérique insoupçonnée et pose les jalons d’une coopération nouvelle.
Après des décennies de rivalité, les villes entrent dans une logique d’échange où chacun apporte ce qu’il sait faire de mieux. Le numérique constitue un axe important du Sillon lorrain et peut constituer un élément de cohésion territoriale.
Francis Hector, chef de projet « ville numérique » à la municipalité de Metz
Les vieilles querelles tombent peu à peu aux oubliettes, mais des différences d’approche subsistent entre Metz la commerçante et Nancy l’estudiantine. L’une et l’autre ont développé des expérimentations pilotes et portent des projets ambitieux en matière de mobilité, de stationnement et de commerce. Mais les deux épicentres du Sillon juxtaposent pour l’heure des modèles différents qu’ils devront connecter pour offrir à un territoire de
633 000 habitants des démonstrations tangibles d’unité numérique.
Fort de quarante ans de coopération entre 20 communes, le Grand Nancy peut se prévaloir d’une longueur d’avance pour ce qui est de la mobilité. L’agglomération de 258 000 habitants gère l’interconnexion entre les quatre halls de gare au centre-ville, ses deux lignes de tram, le TER, le réseau suburbain et des vélos en libre-service. La présence de 45 000 étudiants – soit la plus forte densité universitaire de France – a renforcé la culture du numérique et généré un véritable bouillonnement participatif. Dès 2010 et durant trois saisons, la Fabrique du numérique a associé ingénieurs et techniciens de la ville, universitaires, étudiants et habitants à la coconstruction de l’écoquartier Nancy Grand Cœur basé sur la mobilité.
Le Grand Nancy a développé une culture de la confiance construisant par strates successives des données mises en ligne sur son portail ouvert. Les laboratoires d’études, les étudiants et les citoyens se sont emparés de ces données sur un mode très participatif et ont démontré que les meilleures applications sont celles que les utilisateurs développent eux-mêmes.
Malika Dati, déléguée communautaire à la participation citoyenne, associative et territoriale, au conseil de développement durable et aux mobilités
Lancée en août 2013, l’application G-Ny constitue un exemple particulièrement abouti de cette interactivité. Réalisée par CapGemini sur la base des logiciels de Senda, entreprise issue de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) de Nancy, cette solution smart city a enregistré 10 000 téléchargements en un an. Consultable sur Android et sur iOS, le service permet à l’utilisateur de calculer la durée de son itinéraire quel que soit le mode de déplacement choisi – y compris le vélo en libre-service ou la marche – en intégrant en temps réel les embouteillages, retards et autres perturbations. Il invite également l’usager à signaler ses difficultés aux services de la voirie en envoyant directement une photo des dysfonctionnements observés. G-Ny, qui indique déjà les horaires des différents réseaux de transports urbains, fusionnera en 2015 avec l’application Stan du Grand Nancy, téléchargée par 30 000 des 50 000 usagers des services de transport en commun de l’agglomération.
Nous progressons par pallier pour construire les fondations d’un service global, réactif et pertinent appelé à devenir un repaire pour toute l’agglomération.
Gaëlle Futol, directrice des transports au Grand Nancy
La collectivité disposera alors d’un portail complet susceptible de s’ouvrir à d’autres agglomérations du Sillon ou de France.
Les premières cartes dématérialisées
Les problématiques de la ville intelligente se posent en termes très différents dans l’agglomération messine. Longtemps handicapée par un réseau de bus poussif, Metz ne s’est dotée que l’an dernier d’un transport urbain de qualité, le Mettis. Intercommunalité récente, Metz métropole ne s’est pas encore véritablement emparée des questions de mobilité sur un territoire hétéroclite et éclaté de 44 communes. Mais la ville, caractérisée par l’un des plus grands centres piétonniers de France, a développé des solutions inédites en matière de stationnement et de fidélisation commerçante. En 2013, la start-up Mobiwoom a développé pour la Fédération des commerçants la première carte de fidélité intégralement dématérialisée. Dénommée Shoppingmetz.com, l’application permet aux clients de s’identifier auprès de quelque 1 300 commerçants à partir d’un simple numéro de téléphone fixe
ou portable. Il engrange ainsi des remises utilisables dans les autres points de vente, mais permet aussi de payer son stationnement – par téléphone ! – dans l’ensemble des parkings de la ville.
Metz a en effet constitué en 2010 la première ville de France à permettre le paiement par smartphone du ticket horodateur. Mis au point après trois longues années de négociations avec les ministères de l’Intérieur, du Budget et de la Justice, cette fonctionnalité s’est d’abord appliquée à la voirie publique avant de s’étendre – une première européenne, cette fois ! – aux ouvrages souterrains et aériens privés. La ville a développé avec Urbis Park, opérateur national du stationnement, et le sarrois Mobile City, un mode de paiement sans contact grâce à la technologie NFC (Near Field Communication). Elle envisage à présent de coupler sur une même carte dématérialisée les applications liées au stationnement et aux transactions commerciales. Le projet intéresse au plus haut point Mobiwoom, dont l’équipe de cinq personnes a développé une solution de paiement sans contact et même sans téléphone. L’application, qui permet de régler son addition ou sa facture à partir d’un numéro de téléphone avec un code pin sécurisé par la Banque de France, pourrait servir de référence sur le plan régional et
national.
Les projets messins concernent également Moneo Applicam, issu de la reprise par Moneo de la PME lorraine fondée par l’inventeur du télépéage et qui constitua, il y a près de 30 ans, la pionnière nationale de la carte de fidélité. L’entreprise emploie 130 salariés dont 95 à Metz et réalise la moitié de son chiffre d’affaires, qui s’est monté à 30 millions d’euros en 2013, grâce à des cartes de ville intégrant fidélité commerciale et gestion des services municipaux. Retenue pour équiper les quatre piscines de Metz après leur récente rénovation, l’entreprise a créé une carte sans contact permettant au nageur de payer son entrée, mais aussi au gestionnaire de veiller en temps réel à la fréquentation moyenne instantanée et d’adapter ses effectifs en conséquence. Applicam et la Ville étudient à présent le déploiement d’applications permettant aux usagers – habitants, visiteurs ou touristes – de communiquer avec les services municipaux via son smartphone ou des bornes interactives.
Ces nouveaux usages contribuent à une conception étendue de la démocratie. Cette réflexion nous donne une longueur d’avance et nous ouvre des opportunités dans et hors du Sillon lorrain.
Jean-Michel Dupont, directeur général adjoint de Moneo-Applicam
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