Corde sensible
Pianiste et technicienne des arts vivants, Myriam Louelhi permet aux publics les plus fragiles d’accéder au réconfort de la musique.
Il n’y a pas d’iniquité plus marquée que celle qui concerne la culture et l’éducation. C’est pourquoi notre agence, principalement tournée vers la musique et la chorégraphie, affirme en permanence la volonté farouche de rendre l’art accessible à tous les publics.
Myriam Louelhi, directrice de l'agence culturelle de Meurthe-et-Moselle (AC2M)
Arrivée de la banlieue parisienne voici une quinzaine d’années, la jeune femme d’origine palestinienne a trouvé dans ce département un territoire ouvert à son désir de partage.
Chargée d’analyser et d’améliorer l’offre d’enseignement artistique sur soixante-dix sites départementaux, la pianiste détecte très vite les zones blanches de l’action culturelle. Au centre de détention de Toul, elle mobilise des intervenants professionnels pour permettre à sept musiciens incarcérés d’enregistrer un CD. Myriam Louelhi approche également un campement de gens du voyage et associe les enfants à la création d’un conte musical évoquant l’histoire et le patrimoine musical tsiganes. Au centre d’aide par le travail de Liverdun, elle orchestre durant trois mois les répétitions d’adultes aveugles polyhandicapés qui se produiront en public lors de la fête de la Musique.
Des pouponnières aux maisons de retraite
Fine et élégante, la pianiste récuse l’angélisme et les postures compassionnelles, mais défend avec ferveur la fonction de resocialisation de l’art. Professionnel, technique et didactique, son discours exprime une sensibilité parfaitement maîtrisée. Sous son impulsion, le dispositif départemental « musique en gériatrie » est passé de l’organisation de concerts dans les maisons de retraite à des prestations individualisées, des musiciens professionnels rendant visite aux personnes âgées dans leur chambre pour interpréter les airs de leur choix.
Les concerts n’étaient plus vraiment adaptés à un public désorienté. Il fallait faire mieux, passer de la politique culturelle à l’accompagnement individuel de la fin de vie en portant jusqu’au bout attention et respect à la personne.
Atypique, voire unique, le projet l’a conduit à écrémer les écoles de musique pour recruter des musiciens formés à l’approche relationnelle. Une demi-douzaine d’artistes interviennent à présent deux fois par mois au chevet des personnes âgées, interprétant l’air de clarinette ou le morceau d’opérette qui ravivera les souvenirs et ramènera le sourire.
Après le très grand âge, l’AC2M s’ouvre à l’enfance en détresse. La pouponnière de Laxou, qui accueille des enfants placés de zéro à trois ans, a servi à Myriam Louelhi de terrain d’exploration.
L’ingénierie du projet a demandé six mois pour analyser les besoins de ces enfants et trouver les intervenants capables de leur apporter du mieux-être.
En fin d’année dernière, les violoncellistes ont fait leur première apparition à la pouponnière, la sacoche remplie d’objets sonores, laissant des tout-petits émerveillés pincer les cordes et toucher les archets. Elle-même mère d’une petite fille, Myriam Louelhi observe ces enfants que le miracle de la musique a fait sortir de leur prostration.
Musicienne éprise de lien social, Myriam Louelhi aime aussi construire des passerelles entre les arts. L’AC2M a présenté l’exposition de photos « temps d’attente, temps d’espérance », qui porte un regard sans fard sur le quatrième âge. L’initiative a permis de consolider le parcours professionnel d’artistes précaires, offrant un nouvel exemple d’harmonie entre arts et solidarité.
Dates clés
1990-1996 : Intègre le conservatoire national de région de Paris. Enseigne le piano au conservatoire de Clichy (Hauts-de-Seine).
1996 : Directrice adjointe, puis directrice de l’agence culturelle de Meurthe-et-Moselle.
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