Les intercommunalités devront adopter avant mars 2015 un schéma de mutualisation des services. Cette disposition issue de la loi du 16 décembre 2010 constituera un enjeu important pour les prochaines équipes issues du renouvellement de 2014.
Cette étape interpelle élus et services des collectivités. Les DRH de collectivités territoriales ont pu débattre des conditions de mise en œuvre lors du Club RH de la Gazette organisé à Villers-les-Nancy le 20 mars 2014.
Jusqu’où la mutualisation peut-elle aller ?
« Le plus loin possible », répond en substance la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Mapam.
La mutualisation constituera certainement l’axe majeur de la réflexion des élus du mandat 2014/2020. Les intercommunalités auront trois mois après le renouvellement des conseils municipaux pour présenter un schéma de mutualisation aux communes. Aucune sanction n’est prévue si ses prescriptions ne sont pas mises en œuvre, mais les pénalités financières sont à prévoir. La loi Mapam évoque un coefficient de mutualisation. La dotation globale de fonctionnement baissera certainement s’il n’est pas atteint.
Guillaume Dumas, avocat au cabinet Philippe Petit et Associés
La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, ainsi que la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dotent déjà les EPCI à fiscalité propre de nombreux outils de partage des compétences, des services et des biens.
Le schéma de mutualisation s’appuiera sur le recensement des mutualisations déjà opérées, qui recouvrent aujourd’hui des réalités diverses. De la simple convention de service au transfert d’agents en passant par la mise à disposition d’équipements, communes et intercommunalités procèdent déjà à des échanges très souples, notamment au sein des syndicats mixtes et des sociétés publiques locales.
La mutualisation ne pourra guère s’opérer sur des compétences opérationnelles. Les économies se nichent plus sûrement sur les compétences administratives ou techniques telles les ressources humaines, l’informatique, les services juridiques ou la formation.
Les articles L. 5215-40 et L. 5215-42 de la loi du 16 décembre 2010 sont applicables aux métropoles et élargissent les possibilités d’innovation en matière de gestion fonctionnelle et de mise à disposition d’agents communaux.
Mutualisation et mise en concurrence
La mutualisation ne saurait néanmoins s’affranchir des règles de la mise en concurrence. La jurisprudence européenne sécurise les mises à disposition de services descendantes de la ville-centre aux communes. Les directives sur la commande publique adoptées par le Conseil de l’Union européenne consacrent l’exception « in house » et la coopération public-public.
Ces deux exceptions jurisprudentielles confirment que des entités publiques peuvent conclure ensemble des contrats n’entrant pas dans le champ d’application des directives dans le cadre d’une relation soit « verticale » impliquant un contrôle de l’une sur l’autre (in house), soit « horizontale » (coopération public-public).
Dans son arrêt du 3 février 2012, commune de Veyrier-du-Lac, n° 353737, le Conseil d’Etat, confirme qu’une entente intercommunale peut être conclue entre une commune et un EPCI hors règles de la commande publique « à la condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l’une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel ».
La mutualisation ne doit pas mettre un opérateur privé dans une situation plus favorable vis-à-vis de deux communes. Ainsi, une délégation de service public ne peut bénéficier à une autre commune sans avoir au préalable été mise en concurrence. De même, le principe de mutualisation n’est pas valable pour les services complémentaires d’études ou d’analyse, qui entrent dans le champ concurrentiel.
Comment mettre en place une conduite du changement au sein des équipes ?
La mutualisation mérite d’être démystifiée.
L’essence même de l’intercommunalité consiste à regrouper les communes au sein d’un espace de solidarité. La mutualisation est déjà en œuvre depuis des décennies sous des formes plus ou moins organisées.
Martine Poirot, DGS de la Communauté de communes du Bassin de Pompey
S’appuyant sur des exemples de brigade intercommunale de police municipale ou de service d’urbanisme partagés, la présidente déléguée de l’ADGCF souligne la nécessité d’élaborer des règles claires en amont. Un schéma de mutualisation ne peut suffire à résoudre un management de la complexité. Comment répondre aux exigences de maires ayant chacun leur propre vision de l’instruction d’un dossier ? Comment s’organiser quand plusieurs élus estiment chacun que leur dossier est prioritaire ?
Le principe de la mutualisation lui-même pourrait conduire à de fortes déceptions si ces schémas n’étaient pas assortis de critères et de référentiels sur le service attendu. Le vrai enjeu de la mutualisation est celui est celui de la conception du service public local.
Martine Poirot
Le management du changement constitue à ses yeux une fusée à trois étages. Le socle repose sur la cartographie des compétences et équipements mutualisables.
Dans un deuxième temps, l’exécutif local devra déterminer son engagement politique et managérial en évaluant les services publics à leur juste prix. Vient ensuite l’élaboration de ce « pacte de confiance », qui demande du temps et suppose concertation, dialogue social et aspirations communes.
La complémentarité entre les intercommunalités et les centres de gestion peut-elle exister sur certaines missions ?
La loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale et la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ont conforté et élargi les missions et obligations des centres de gestion. Désormais en charge de la gestion des agents de catégorie A, les CDG interviennent également dans l’accès à l’emploi titulaire, à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels et à la lutte contre les discriminations. Leur champ de compétences s’est ouvert à six nouvelles missions, dont certaines peuvent s’avérer complémentaires de celles des intercommunalités.
Dans notre centre de gestion, nous avons dû nous adapter pour remplir ces six nouvelles missions obligatoires, sans augmentation du taux de cotisation, pour les collectivités affiliées et non affiliées.
Alain Faivre, directeur du Centre de gestion de Meurthe-et-Moselle
L’organisme se doit d’apporter son appui technique et RH aux communes, aux nouvelles intercommunalités, mais aussi au conseil général, à la communauté urbaine du Grand Nancy et à la ville de Nancy.
L’exercice mutualisé des missions constitue la règle du CDG, qui a mis en place une nouvelle organisation aux niveaux interdépartemental, régional, interrégional et national. Il répartit ainsi les concours et examens professionnels de catégorie A avec les CDG de Bourgogne, Franche-Comté, Alsace, Champagne Ardenne et Lorraine. Certains concours spécialisés peuvent aussi être organisés au niveau national par un CDG pour le compte de tous les autres.
En cours de constitution, le Pôle analyses et prospectives du CDG doit apporter une nouvelle réponse mutualisée à chacune des collectivités affiliées. Prodiguant un conseil juridique de haut niveau, il vise à prévenir les contentieux. Son expertise s’étendra à l’analyse financière et comptable, à l’organisation du travail, au droit et aux sciences politiques.
Répondant aux attentes des salariés des collectivités, les CDG jouent un rôle discret, mais essentiel dans le bon accomplissement des missions des communes et des intercommunalités.
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