Le centre Pompidou est une très bonne affaire pour la ville. Dans une Lorraine en crise, Metz devient tendance.
Dominique Gros,maire de Metz
40!% des commerçants messins déclarent que leur clientèle a augmenté depuis l’ouverture du centre Pompidou-Metz.
Est-ce l’effet Pompidou ? Jamais Metz n’aura connu une pareille affluence, ni engagés de pareils chantiers.
Ouvert en mai 2010, le centre d’art contemporain a accueilli près d’un million et demi de visiteurs, propulsant la ville à la première place des lieux d’exposition temporaire hors Ile-de-France. La somptueuse voile blanche conçue par Shigeru Ban constitue à elle seule une œuvre d’art. En braquant sa galerie sud vers le cœur historique de la ville, l’architecte japonais ne s’est pas contenté de créer la remarquable illusion optique qui fait reculer la cathédrale Saint-Etienne à fur et à mesure que le visiteur avance. Le « chapeau chinois » et sa charpente de bois tressé incarnent désormais la nouvelle image à laquelle la ville aspirait.
Le centre Pompidou-Metz constitue une très bonne affaire pour la ville, qui s’inscrit désormais parmi les bonnes surprises touristiques de l’Europe continentale. Dans une Lorraine en crise, Metz devient tendance. Le quartier de l’Amphithéâtre, sur lequel il n’y avait aucun projet voici quatre ans, est aujourd’hui rempli pour moitié. Tous les promoteurs sont là, accompagnés de grands noms de l’architecture. Les projets immobiliers, tertiaires et commerciaux sont nombreux, et je ne vais pas me plaindre que les grands groupes viennent investir à Metz ! Ma seule crainte est que les infrastructures ne soient pas à la hauteur des ambitions de la ville.
Dominique Gros
Elu en 2008 après les 37 ans de mandats successifs de Jean-Marie Rausch, le maire socialiste a hérité de finances saines et d’un faible endettement de 147 euros par habitant.
Ancienne friche ferroviaire restée en souffrance durant un quart de siècle, le quartier de l’Amphithéâtre offre à Metz, dont la population stagne à 121 000 habitants, l’opportunité unique de construire un nouveau centre-ville de 40 hectares à l’arrière de la gare. Dessiné par l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin, le nouveau quartier doit constituer le pendant contemporain du quartier impérial conçu voici un siècle par l’occupant allemand, qui postule aujourd’hui au classement Unesco. Le site accueille depuis septembre dernier ses premiers occupants.
Fidèle à sa ville d’origine, le groupe immobilier Foncière des régions s’est installé au Divo, immeuble de sept étages d’un standing jusqu’alors inédit à Metz. En face du centre Pompidou-Metz, la halle de 128 mètres de longueur conçue par Nicolas Michelin et développée par le promoteur lillois ouvrira au printemps neuf cellules commerciales et accueillera la direction de la Caisse d’épargne Lorraine-Champagne-Ardennes. Sur ce même espace, le groupe engage un investissement de 280 millions d’euros pour créer un centre commercial de 110 boutiques, 450 logements et 6 000 m2 de bureaux.
La ville poursuit en parallèle le plus grand chantier de son histoire avec , le futur transport urbain qui sillonnera l’agglomération sur 18 kilomètres à compter d’octobre prochain. Les travaux qui mobilisent 170 millions d’euros ont permis de rénover l’ensemble de la voierie, des réseaux et du mobilier urbain. Metz devient ainsi la première ville à assortir son design à celui de son transport urbain.
Un rôle de catalyseur pour les équipements
Le centre Pompidou joue pleinement son rôle : il tire la ville vers le haut et joue un rôle de catalyseur pour les autres équipements culturels de l’agglomération. Le quartier de l’Amphithéâtre constituait une opportunité unique et laissera une trace à la postérité. Certes, les investissements sont lourds, mais l’image n’a pas de prix. Mieux vaut prendre des risques que choisir l’inertie.
Jean-Luc Bohl, président de la communauté d’agglomération Metz Métropole
La ville et l’agglomération souhaitent à présent mettre chantier une cité des congrès adossée à la gare et ouvert sur le nouveau quartier. Les élus ont opté pour un centre des congrès de 1 200 places adossé à un vaste complexe hôtelier, pour un montant prévisionnel de 70 millions d’euros – à peine moins que le coût du centre Pompidou-Metz.
Pourquoi investir une telle somme alors que le nombre de congrès diminue et que Nancy se dote également d’un centre des congrès de même capacité à 60 kilomètres de Metz ? Et pourquoi choisir ce site, qui suppose de déplacer les aiguillages de la gare SNCF, alors que la ville ne manque pas d’emplacements prestigieux disponibles ?
Emmanuel Lebeau, opposant historique de Jean-Marie Rausch devenu adversaire farouche de Dominique Gros
De fait, la ville compte quelque 25 000 mètres carrés de locaux disponibles en centre-ville. Les restructurations militaires de 2008 ont laissé de gros vides, dont 400 hectares à reconvertir sur l’ancienne base aérienne 128 au sud de l’agglomération. Le départ quasi simultané de l’hôpital public et des hôpitaux privés du centre-ville, qui migrent tous deux en périphérie, laissent également de vastes friches urbaines.
Il en faudrait plus pour freiner les ardeurs constructives de la ville, qui lance simultanément deux écoquartiers, les coteaux de la Seille et le Sansonnet, qui apporteront près de 2 000 logements neufs d’ici à 2020. Promoteurs privés et bailleurs emboîtent le pas emboîtent le pas : Bougyues conduit à Metz l’un des projets les plus prestigieux du grand Est de la France avec la reconversion de l’ancienne Manufacture des tabacs en complexe immobilier en bordure de Moselle, tandis que le bailleur Batigère prévoit la construction de 124 logements dans l’ancienne maternité Sainte-Croix en centre-ville.
Metz, qui s’était assoupie au cours de la dernière décennie, devient une ville moderne. Le marché, qui manquait d’offres qualitatives tant en logements qu’en bureaux, devient plus citadin.
Michel Lévy, le promoteur local
Le « chapeau chinois » de Shigeru Ban n’est pas étranger à ce redéploiement.
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