Grâce à la méthanisation, l’ancien bassin houiller de l’est mosellan parvient à convertir ses déchets ménagers en chaleur, en électricité et en carburant tout en diminuant le coût de la collecte.
Forbach n’a jamais eu de pétrole et. ne produit plus de charbon. Mais l’agglomération est-mosellane conduit dans l’ancien bassin minier l’expérience de méthanisation la plus aboutie de France. Mise en service en septembre dernier, l’usine Méthavalor exploite un gisement annuel de 42.000 tonnes de déchets ménagers et produit chaque année 5,5 millions de Normaux Mètres cubes (NM3) de biogaz, 8.000 tonnes de compost et 10.000 m3 d’engrais liquide.
La revente d’énergie doit générer 2 millions d’euros de recettes par an, auxquels s’ajoute une économie durable sur le coût de traitement des déchets. Le modèle économique pérennise quelque 150 emplois et ouvre la perspective de fermes énergétiques, de maraîchage bio et de nouvelles industries.
Rebondir après la fin des mines
Terre d’énergie depuis toujours, le bassin houiller a vécu la fin des mines comme un déchirement. Convaincus que les déchets constituent une ressource, nous avons étudié de nombreux exemples de méthanisation en France et en Europe pour bâtir en dix ans le modèle de Forbach basé sur l’économie circulaire.
Charles Stirnweiss, l'ancien maire de Forbach, qui est resté président du Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets de l'Est mosellan (Sydème)
Porteuse du projet, la communauté d’agglomération Forbach Portes de France a écarté point par point les obstacles, qui ont eu raison de la plupart des tentatives de méthanisation hexagonales. La première difficulté consistait à assurer à l’usine un approvisionnement constant et homogène. Le Sydème a donc étendu la collecte à un vaste territoire de 14 intercommunalités pour récupérer la matière première directement dans les poubelles des 380.000 habitants.
Dans une zone frontalière pratiquant de longue date le tri des déchets, l’instauration d’un troisième sac orange, destiné à collecter uniquement les déchets fermentescibles, des restes de repas aux couches culottes en passant par la litière du chat, a été facilement acceptée. Le Sydème a ainsi pu remplacer les deux collectes classiques – l’une pour le recyclable, l’autre pour les ordures ménagères -, par un ramassage en une seule tournée des sacs bleus pour le tout-venant, verts pour les papiers et oranges pour les fermentescibles.
Carburer aux déchets
Outre le gain logistique, le système permet de soustraire 37.000 tonnes au circuit d’enfouissement – où le traitement coûte aujourd’hui 87 euros par tonne – pour basculer vers la méthanisation, pour un prix de 65 euros seulement par tonne. L’économie se monte à 814.000 euros pour cette année et croîtra mécaniquement au rythme de l’augmentation des coûts d’enfouissement. Selon nos prévisions, le coût du traitement restera stable au cours des 25 prochaines années tandis que les économies et les recettes sont appelées à augmenter, souligne le directeur du Sydème, Serge Winkelmuller.
Couplé à Méthavalor, une unité de cogénération assure 10.900 mégawattheures (MWh) d’électricité et 12.400 MWh de chaleur par an. Dès juin prochain, une station-service implantée dans l’enceinte de l’usine, alimentera en gaz naturel une flotte municipale neuve de 24 camions.
L’intérêt des opérateurs privés pour la méthanisation
Dix mois après sa mise en service, Méthavalor fonctionne sans heurts et sans nuisances, démontrant la viabilité technique du système.
Chaque semaine, nous recevons la visite de collectivités intéressées par le projet. Nous sommes associés au brevet de la vis sans fin autonettoyante, qui contribue à la propreté des installations et percevrons 10 % de royalties sur chaque licence vendue. Nous avons également fait breveter notre système de presse-purée, qui permet de déconditionner les produits alimentaires invendus de leur emballage pour en récupérer la partie fermentescible. Nous avons observé un grand intérêt des opérateurs privés pour les techniques liées à la méthanisation.
Jean Michels, directeur de la communauté d'agglomération Forbach-Porte de France et conseiller spécial auprès de la présidence du Sydème
La collectivité créera cet été sous forme de régie une usine dédiée à la fabrication de sacs poubelles. Elle négocie par ailleurs l’acquisition de terrains, qui lui permettront d’implanter une ferme énergétique sur son territoire. Alimenté par les engrais produits par Méthavalor, des miscanthus, roseaux chinois à fort potentiel calorique, seront brûlés pour alimenter le réseau de chaleur de la ville.
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