Le transporteur de gaz GRTgaz porte un projet de réseau transfrontalier pour l’hydrogène. Marion Lacombe, analyste stratégie et responsable du projet pour l’opérateur français, en détaille les enjeux.
Que recouvre MosaHYc ?
Contraction de Moselle Sarre Hydrogène Conversion, ce nom désigne la création d’un réseau transfrontalier d’alimentation en hydrogène entre la Sarre, la Moselle et la frontière luxembourgeoise. Ce projet vise à transporter de l’hydrogène dans des réseaux de gaz existants, par la conversion de ceux-ci, sur une distance de 70 kilomètres reliant Carling et Bouzonville côté français, à Perl et Völklingen côté allemand. La capacité de transport est évaluée à 20 000 mètres par heure.
Pourquoi ce projet pionnier en Europe s’implante-t-il sur ce territoire ?
Nous avons assez rapidement identifié comme partenaire potentiel la société Creos Deutschland – anciennement, Saar Ferngas – basée à Homburg, dans le Land de Sarre. Elle approvisionne en énergie un bassin de 2 millions de personnes dans 340 communes de Sarre et de Rhénanie-Palatinat, grâce notamment à un réseau de gaz haute pression de 1 650 km. Nous avons ensuite identifié les interconnexions potentielles, notamment avec les sites industriels de Carling en Moselle et de Völklingen en Sarre. Dans cet espace, des initiatives territoriales peuvent démultiplier l’efficience de MosaHYc . C’est le cas avec le Projet de territoire du Warndt naborien lié à la fermeture de la tranche charbon de la centrale thermique de Carling, ou avec les initiatives du groupe énergétique Steag à Völklingen. Ces interactions créent les conditions favorables au développement de l’usage de l’hydrogène pour les sites industriels de cet espace.
Pourquoi l’élargissement au Luxembourg ?
Nul n’ignore les problèmes de congestion des transports aux frontières luxembourgeoises. Or MosaHYc poursuit justement, parmi ses buts, l’usage de l’hydrogène en mobilités, pour faire circuler des bus, des véhicules spécifiques comme le transport de déchets, voire des trains. L’hydrogène trouve un terrain d’expérimentation fertile dans la Grande Région. Il peut contribuer à la décarbonation de la mobilité, ce qui constitue un objectif partagé par la région Grand Est, le Land de Sarre et le Luxembourg. Précisons aussi que la maison-mère de Creos, Encevo, est luxembourgeoise.
Quelles étapes sont à franchir pour concrétiser MosaHYc ?
Nous devons travailler les questions techniques. L’interconnexion de nos canalisations ainsi que celles de leur conversion pour faire transporter de l’hydrogène doivent s’effectuer en toute sécurité. Ces sujets, ainsi que celui du cadre règlementaire, détermineront le montant d’investissements à réaliser. Pour l’heure, nous l’évaluons à une dizaine de millions d’euros. La décision doit être actée en 2022. Ce réseau, qui sera ouvert aux producteurs et consommateurs tiers, devra s’intégrer dans toute une chaîne, de la production d’hydrogène à son usage, qu’il faudra développer en parallèle.
Cette expérimentation aidera à évaluer l’ampleur géographique potentielle de tels projets : auront-ils vocation à rester localisés à un territoire transfrontalier de quelques dizaines de kilomètres, ou peuvent-ils préfigurer un réseau européen à l’échéance de quelques décennies, dont Moselle-Sarre deviendrait alors l’un des hubs ?
Propos recueillis par Mathieu Noyer
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