« Nous exerçons un travail merveilleux »
Marie-Hélène Debar, sage-femme territoriale en Meurthe-et-Moselle, a quitté les salles d’accouchement pour définir les programmes d’accompagnement des futures mamans.
Visites prénatales, lutte contre les dépendances et encouragement à l’allaitement maternel s’effectuent dans l’écoute et le respect. « Nous exerçons un travail merveilleux ». En vingt ans de métier, Marie-Hélène Debar ne s’est jamais départie de cette conviction. Entrée à la maternité régionale de Nancy en 1980, la douce jeune femme brune opte pour la fonction publique territoriale en 1994, « pour retrouver avec les futurs parents une dimension relationnelle plus difficile à nouer dans l’urgence des interventions hospitalières ».
Elle intègre alors le service Protection maternelle et infantile (PMI) du Val-de-Lorraine, l’un des neuf territoires du conseil général de Meurthe-et-Moselle. Dans ce département, toute femme ayant déclaré une grossesse à la caisse d’allocations familiale reçoit une lettre de mise à disposition proposant une visite prénatale. Environ 45 % des futures mamans donnent suite à cette invitation, qui peut déboucher sur un suivi régulier.
En PMI, notre tâche consiste à accompagner les parents présentant des difficultés d’ordre psychologique, social ou médical et requerrant une attention particulière. Notre réseau, qui associe les assistantes sociales, les praticiens libéraux, les services de protection de l’enfance et les établissements d’accouchement, nous informe des situations préoccupantes.
Marie-Hélène Debar
Aide et écoute lors des visites à domicile
Présentant une forte dimension sociale, le métier n’en reste pas moins technique et médical. Les sages-femmes territoriales se déplacent avec une mallette, procèdent systématiquement à une prise de tension et à l’écoute du rythme cardiaque du bébé et évaluent, le cas échéant, les menaces d’accouchement prématuré.
« Cet incident fréquent est rarement anodin. Les contractions avant terme résultent en général de difficultés psychologiques et sociales », explique Marie-Hélène Debar. « Notre intervention au domicile de la future maman nous permet de cerner les difficultés et de conseiller l’hospitalisation si nécessaire », poursuit la sage-femme, qui garde de ses quatre années de terrain des souvenirs émus.
Il est très agréable de découvrir une ville par le biais de ses futures mamans. J’étais particulièrement touchée par les mères dont j’avais suivi une première grossesse et qui me prévenaient spontanément de la deuxième.
Les femmes de tous les milieux apprécient pareillement l’aide, l’écoute et les conseils de la sage-femme pour mener à son terme une grossesse sans encombre.Marie-Hélène Debar quitte pourtant le Val-de-Lorraine en 1997 pour mettre en place quatre projets élaborés par le conseil général en matière de PMI. Devenue sage-femme référent au sein de la Direction de la solidarité et de l’action sociale, elle assure l’accompagnement professionnel de ses collègues travaillant sur le terrain. Elle intervient également dans les programmes de contraception et de planification des naissances, de lutte contre les dépendances, d’encouragement à l’allaitement maternel et, dans une moindre mesure, dans la prévention des difficultés du langage.
Débats sur l’allaitement
« Nous avons ouvert un large débat sur l’allaitement pour prendre en compte, sans les juger, toutes les réticences et interrogations. Nous ne voulions pas asséner de grandes théories, mais en présenter les avantages et harmoniser des discours parfois contradictoires.
Au cours des débats et tables rondes resurgissent des questions philosophiques, des notions de pudeur et de mode, ainsi l’allaitement était considéré comme « une bonne chose » au siècle dernier, ou encore, l’interrogation des pères quant à leur rôle lorsque la mère allaite. Sur la base de ce constat, le groupe de travail du conseil général élabore une affiche très « soft », représentant un sein stylisé et un nourrisson pendant la tétée sous le slogan « l’allaitement maternel, actuel, naturel ».
Le même souci de convaincre sans choquer ni culpabiliser guide les programmes de sevrage en cas de dépendances – à l’alcool, au tabac et aux drogues – des futures mamans. La Disas travaille avec le réseau hospitalier d’alcoologie et le réseau Tox 54. Pour aider au sevrage tabagique, deux membres de la PMI ont suivi une formation inter-universitaire de tabacologie qui leur permet de mieux répondre aux interrogations des femmes enceintes.
Il faut informer, harmoniser les discours et éviter de véhiculer un message culpabilisant, qui s’avère généralement inutile.
En matière de contraception, la PMI a édité une plaquette rappelant aux femmes les différents interlocuteurs (gynécologues, obstétriciens, mais aussi médecins généralistes, consultations des centres de planification, permanences de la PMI ou centres médi-co-sociaux) auxquelles elles peuvent s’adresser.
Nous nous situons dans les domaines médical, psychologique et social, mais revendiquons le statut médical de notre profession. Suivre une grossesse signifie assumer le suivi de deux vies. En cas de problème, notre responsabilité est pleinement engagée. Dans la fonction publique territoriale, nous n’assistons pas aux accouchements. Mais nous sommes responsables de nos prescriptions et sommes tenues de déceler les anomalies de la grossesse,
rappelle Marie-Hélène Debar, qui a pris part à la coordination lorraine des sages-femmes, particulièrement active au cours du mouvement national de revendication du printemps dernier. Ces revendications n’altèrent pas la passion de la sage-femme pour son métier.
Chaque rencontre nous rappelle que les femmes, lorsqu’elles s’apprêtent à donner la vie, attendent beaucoup de nous.
“Saisir l’environnement de la future mère”
Le métier de sage-femme territoriale englobe l’environnement affectif et psychologique de la future mère, son logement, ses conditions de travail, le voisinage et la fratrie de l’enfant à naître. Cette démarche spécifique permet de mieux appréhender la grossesse et de proposer des modes de prévention mieux adaptés, tant pour la mère que pour l’enfant. Selon des études récentes, certaines pathologies de l’individu se programment, en effet, in-utero. L’accompagnement et la prévention à domicile prennent d’autant plus de sens.
Nelly Dequidt, médecin départemental au conseil général de Meurthe-et-Moselle
Profil
- FORMATION : A partir de 2002, les futures sages-femmes suivront une année de formation médicale commune de médecine, puis trois années de formation en alternance dans une école de sages-femmes. Pour intégrer la fonction publique territoriale, elle doivent se présenter à un concours sur titre, puis suivre un à deux mois de stage.
- STATUT : cadre A.
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