La fusion de Marange et de Silvange remonte à plus de deux siècles, mais des clivages persistent dans ce village où se côtoient la mémoire de la vigne, de la mine et de la sidérurgie. Le tracé de la VR 52, qui aurait pu diviser irrémédiablement la commune, la réunira au contraire sur la trémie d’un grand tunnel en cours d’achèvement.
Marange-Silvange entrevoit enfin le bout du tunnel qui, début 2022, déviera vers une tranchée couverte de 400 mètres de longueur les 22.000 véhicules qui le traversent chaque jour pour rejoindre l’A4, l’A40 et l’A31 depuis les vallées de l’Orne et de la Fensch. Depuis la fin des années 80, le village de 6.500 habitants a chèrement défendu son droit à la tranquillité et à l’intégrité.
Les premiers tracés de la VR52 prévoyaient une véritable autoroute qui aurait définitivement scindé Marange et Silvange. Nous sommes parvenus à éviter cette option calamiteuse pour faire admettre à l’Etat l’option la plus coûteuse, mais la plus efficace.
Yves Muller, maire de la commune réélu en mars 2020 pour un deuxième mandat
Acté en 2012, l’aménagement de la VR52 entre l’autoroute A4 et Vitry-sur-Orne constitue l’un des plus grands chantiers routiers du Grand Est. La seule traversée de Marange-Silvange sur 3,8 kilomètres mobilise un investissement de 72 millions d’euros dans le cadre d’une convention tripartite entre l’Etat, la Région et les collectivités. Engagé en 2016, le chantier se poursuit sans anicroche dans un esprit de concorde.
Le tunnel n’était pas notre première option, mais il nous a paru important de convaincre les riverains qu’il constituait la meilleure solution pour protéger notre environnement à long terme.
Hervé Mangeot, conseiller municipal en charge de l’accompagnement de la VR52
L’élu, par ailleurs président de l’association des riverains, salue un projet longuement mûri par les services de l’Etat et mené dans la concertation.
Lignes de fracture
Lors des réunions publiques qui ponctuent le chantier, les riverains s’associent à la réflexion sur l’aménagement de la trémie. Ils ont d’ores et déjà validé le principe d’un belvédère dédié au stationnement collectif en surplomb de la VR52. L’aménagement des parcelles qui seront restituées avant la mise en service de l’ouvrage, le choix des arbres et les caractéristiques du futur parc public restent à préciser. La trémie n’est pas prévue pour accueillir de grandes manifestations, mais elle servira de point de jonction entre les deux parties du village.
Car si l’unification de Marange et de Silvange est loin d’être récente – elle fut scellée par un décret napoléonien en 1809 -, des lignes de fractures insoupçonnées subsistent entre Marange la vigneronne et Silvange l’ouvrière, les vestiges de la mine et la mémoire de la sidérurgie, l’urbanisme bourgeois et l’habitat ouvrier. Du Moyen-Age au début du XXème siècle, la bourgade fut réputée pour son vin rouge. De l’ère vigneronne subsistent encore l’un des plus grands pressoirs de France, les caves profondes des anciennes maisons et les sentiers qui sillonnent les coteaux souvent en friches.
Des vignes à l’acier
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, l’exploitation ferrifère s’est ancrée dans le village vigneron. L’ancien secrétaire régional CFDT Alain Gatti en retrace l’histoire dans son ouvrage « Marange, 1859-1931, de la vigne à la mine » (éditions Serpenoise). Peu compétitive dans un contexte de concurrence acharnée, la mine fut fermée dès 1931. Il subsiste de sa brève existence la cité minière du lieu-dit Ternel, où furent logés par centaines des mineurs venus d’Allemagne, d’Italie et de Pologne.
Du côté de Silvange, ce sont les forges et les usines sidérurgiques de Hagondange qui ont polarisé les ouvriers italiens et polonais, puis magrébins. Le Foyer des célibataires a accueilli jusqu’à un millier de travailleurs qui, ayant fondé leur famille, ont bâti de leurs mains la cité des Castors ou sont venus peupler la cité de la Marjottée, construite dans les années 50. Vingt ans plus tard, le déclin de la sidérurgie a fortement infléchi la démographie du village, passée de 7.000 à 5.500 habitants à la fin des années 90.
La ville à la campagne
Bien positionnée à une dizaine de kilomètres de Metz et on ne peut mieux connectées aux grands axes autoroutiers, notamment en direction de Thionville du Luxembourg, Marange-Silvange reconstruit aujourd’hui son attractivité sur le thème de la ville à la campagne. Le plan local d’urbanisme adopté en septembre prévoit de rendre à la nature plus d’espace qu’il n’en sera prélevé. Plusieurs dizaines de hectares seront sanctuarisés en lisière de de la zone AOC où la commune entend soutenir le renouveau du vin de Moselle et d’autres productions locales telles la mirabelle et la truffe. Le prochain mandat verra également la construction d’un bassin de rétention de 130.000 mètres cubes commun aux intercommunalités Orne Moselle et des Rives de Moselle pour remédier aux crues de la Barge.
Pour limiter la consommation de terres agricoles, Marange-Silvange prévoit de réhabiliter ses friches et ses dents creuses, en reprenant si possible la maîtrise foncière des bâtiments à l’abandon pour procéder à leur réhabilitation, puis à leur location ou à leur vente. Pour atteindre un point d’équilibre de 7.500 habitants, le village accueillera trois nouveaux lotissements dont 95 logements sociaux construits par le bailleur Logisest au cœur de Marange, sur la friche de l’ancien Lidl. A Silvange, le pôle médico-social jouxtant l’hôpital Saint-François se complètera d’une nouvelle résidence sénior et d’une villa médicale. L’établissement se positionne comme futur relais gériatrique de la clinique Claude Bernard, dont le transfert de Metz à Maizières est prévu à l’horizon 2024.
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