Les équipes municipales largement renouvelées lors des élections 2008 manifestent la volonté de moderniser l’image de leurs cités désormais raccordées au TGV. Les voies sont connues : ville verte, culture, démocratie locale, etc. Mais il reste beaucoup à entreprendre pour les mettre en musique.
Une Nuit blanche à Metz ! On n’aurait imaginé Jean-Marie Rausch l’organiser, son successeur Dominique Gros l’a fait. La manifestation a drainé des milliers d’habitants dans la rue malgré le froid glacial de cette soirée du 3 octobre. Elle incarne la volonté de se donner un gros coup de jeune que toutes les grandes villes de l’Est expriment ces derniers mois. Quel que soit le verdict des élections municipales, mais à plus forte raison lorsque le pouvoir a changé de camp.
A Metz, donc, la victoire du socialiste Dominique Gros fait figure d’événement historique, après un siècle et demi de domination de la droite. L’alternance a généré un appel d’air immédiat parmi les agences de communication locales. Non pas que l’ancien maire Jean-Marie Rausch ait négligé l’image de la ville, ni lésiné sur les projets structurants tels le centre Pompidou, première délocalisation en province en 2010 du Musée Beaubourg. Mais la sclérose gagnait du terrain.
Dès son arrivée, la nouvelle municipalité a frappé trois grands coups. Avant la fameuse Nuit blanche, Metz Plage a posé début août les jalons d’une politique d’animation estivale plus populaire. Fin août, le concert gratuit de Calogero et le spectacle Pêcheur de lune ont conféré un éclat inédit aux traditionnelles fêtes de la Mirabelle.
Nous voulons renouer le lien perdu avec les Messins et occuper le terrain non seulement sur les projets culturels, mais aussi en développant la démocratie participative.
Fabio Purino, le dir comm recruté en juillet dernier, ancien directeur artistique d’Arte
Les agences locales prennent acte de la nouvelle ambition. Certaines l’accueillent avec enthousiasme.
En matière de communication, la fin des années Rausch consistait en un système féodal d’une lourdeur absolue. Nous sentons aujourd’hui la volonté de trouver de nouveaux acteurs et de véhiculer de nouveaux concepts. En espérant que l’élan ne retombe pas trop vite.
Arnaud Hussenot, graphiste, dont l’équipe de trois personnes a réalisé les affiches de Metz Plage et des fêtes de la Mirabelle 2008
Nous ne répondions même plus aux consultations. L’alternance a donné un bon coup de peps à l’image de la ville. La réactivité que demande la nouvelle équipe ouvre des opportunités aux acteurs locaux.
Thierry Ehrhardt, gérant de Métronome, retenue pour créer affiches, prospectus et autres supports de communication à l’année
D’autres agences, parmi lesquelles les prestataires privilégiés de la mandature précédente, se retranchent dans un silence prudent.
« L’affaire du logo » a pourtant fait grand bruit dans le Landerneau local. La nouvelle municipalité a déclaré caduc l’appel d’offres pour 273.000 euros lancé quelques semaines avant les élections par Jean-Marie Rausch, incluant la création d’une nouvelle identité visuelle. La quinzaine d’agences qui avait répondu s’est sentie plus marrie encore lorsque la ville a annoncé avoir créé elle-même le nouveau logo – un M jaune placé dans un cercle.
La ville n’a pas encore lancé de campagne de visibilité à l’échelle nationale. Les agences messines observeront attentivement ses choix pour les prochains événements à dimension nationale et transfrontalière, telle l’ouverture du centre Pompidou.
Jusqu’à présent, les collectivités locales ont attribué en région les marchés de 15 000 à 20 000 euros, et elles ont systématiquement accordé à des agences parisiennes ceux de 500 000 euros ou plus. Tant que cette donne n’aura pas changé, que les politiques ne viennent pas s’étonner de la disparition des agences locales !
Nicolas Lombard, fondateur, en décembre dernier, de la Boîte rouge, structure de 5 personnes succédant à Lombard et associés, disparue l’an dernier
Reims – l’expectative tranquille
A Reims, où la socialiste Adeline Hazan a battu en mars dernier les UMP Catherine Vautrin et Renaud Dutreil, l’alternance n’a pas encore fait bouger les lignes.
Issue du cabinet de Martine Aubry, la nouvelle dircom, Catherine Martin, n’a pris ses fonctions que le 1er octobre. L’organisation du congrès du Parti socialiste a focalisé l’attention des médias et la nouvelle stratégie de comm sera déterminée en partie par un audit d’ensemble des services municipaux.
La nouvelle équipe a affiché l’ambition de faire de Reims une capitale culturelle. Dans une ville déjà très ouverte à l’art déco et à la musique, cette volonté ne peut que nous réjouir.
Lionel Durot, fondateur de LD communication
L’agence de 5 personnes assure entre autres la comm du festival de musique, de théâtre et de danse Reims Scènes d’Europe du 6 au 15 novembre.
La nouvelle équipe se montrera peut-être plus ouverte que la précédente, dont les choix étaient très dirigés. Mais dans cette ville endettée, les marges de manœuvre restent étroites.
François Henrion, dirigeant de Champagne Création (10 salariés)
Générant des projets ex-nihilo, la nouvelle donne est certes encourageante, mais les appels d’offres ne reviendront pas forcément aux agences régionales.
Didier Janot, dg d’Horizon bleu
L’agence de 35 personnes, qui réalise 70 % de son chiffre d’affaires en Ile de France, n’en demeure pas moins très active dans et près de son fief régional avec des références comme le conseil régional de Champagne-Ardenne, l’agence de développement Agencia et le conseil général de l’Aisne, dont elle vient de remporter une campagne d’un million d’euros par an reconductible pendant trois ans.
Strasbourg attend son dir comm
A Strasbourg, le nouveau maire socialiste Roland Ries a fixé très vite le cap. Il veut faire de l’Eurodistrict en gestation avec la voisine allemande Kehl un « Washington D.C. à l’européenne », véhiculer l’image d’une ville verte grâce à son tram, ses pistes cyclables et ses futurs éco-quartiers.
Autre objectif : organiser une manifestation « distinguante » et d’envergure qui, sans se substituer au marché de Noël, puisse en prendre le relais à un autre moment de l’année et associer son nom à Strasbourg.
Pourquoi pas un festival des arts numériques ? Ou un rendez-vous lié au folklore mais dans un registre renouvelé comme le festival interceltique de Lorient ?
Roland Ries
Mais sur aucun des trois sujets, la partie est gagnée. Le statut international est mis à mal par une nouvelle offensive des opposants à Strasbourg siège du Parlement européen.
L’Eurodistrict, très volontiers, mais ce sont les Etats qui en maîtrisent le contenu au final.
Christian Ruppert (Grafiti Prospective)
Sur la ville verte, la concurrence est nombreuse. Quant à une manifestation phare, on rappellera d’abord le flop de la candidature strasbourgeoise à Capitale européenne de la culture 2013.
Nous avons besoin d’une action qui ancre la ville davantage dans une modernité positive et puisse déclencher de la sorte une démarche marketing vers l’extérieur.
Géraldine Giovanniello (agence Cosm)
Il faudra trouver quelque chose en phase avec le projet politique qui n’est pas encore complètement lisible. Et savoir organiser une communication de séduction, sans esbroufe.
Patrice Heintz (La Compagnie)
Un registre qui ne constitue pas le point fort naturel des Alsaciens. A ces axes, Luc Buckenmeyer, le président de l’UCCA le syndicat des agences régionales, ajouterait volontiers l’université de plus de 40.000 étudiants qui résulte le 1er janvier prochain de la fusion de trois établissements.
Mais avant de choisir les sujets vecteurs, une question de fond se pose sur le « comment », jamais vraiment résolue par le passé : Strasbourg a-t-il légitimité à jouer en solo, ou a-t-elle plutôt intérêt à se fondre dans un marketing « Alsace », voire Grand Est ? Luc Buckenmeyer (agence BKN) répond à la question par une autre :
Savez-vous dans quelle province se trouve Pékin ?
Luc Buckenmeyer
Gilles Auberger, le dirigeant de Publicis-Koufra (72 salariés), milite plus volontiers pour une démarche de « Métropole Alsace », en phase avec le discours qu’il véhicule sur le « dynamisme identitaire » que les marques alsaciennes gagneraient à faire fructifier, « sans tomber dans le repli sur soi ».
Entre les deux, Daniel Reyt le dirigeant de Citeasen préconise de « valoriser toute l’Alsace à travers sa ville-phare. Strasbourg-capitale » en quelque sorte… comme le titre du magazine dont il pilote la gestation, en vue d’une sortie au printemps prochain en 30.000 exemplaires français et anglais.
Le projet consiste à présenter aux CSP + les réussites alsaciennes diverses (économie, sciences…) et trop souvent cachées. A cette réflexion, l’UCCA a aussi apporté sa contribution par son initiative « NiouWiz » vendredi dernier (7 novembre) : elle a fait plancher une dizaine de créatifs et une trentaine de représentants de la société civile d’ordinaire peu sollicités, sur le sujet « Comment exprimer le réveil de l’Alsace ».
Sur toutes ces questions qui la concernent, la Ville de Strasbourg n’a pas tranché. Et pour cause : elle attend toujours son directeur de la communication. La nomination pourrait intervenir début 2009.
En l’absence de ce chef d’orchestre, la priorité des premiers mois a été accordée à la démocratie locale, thème majeur de la joute électorale. La première campagne d’envergure (près de 90.000 euros) s’est focalisée sur l’inscription des habitants dans les conseils de quartier.
L’équipe conduite par la petite agence locale Dans les villes (4 personnes) l’a emporté en juillet. Elle l’a mise en œuvre dans la dernière semaine de septembre puis durant trois semaines d’octobre, selon un principe de teasing-révélation qui tranchait avec les autres réponses et a séduit le jury.
« Le temps 1 de l’intrigue » décline huit questions concrètes en autant d’affiches sans identification d’émetteur , soit 220 panneaux Muppy Juniors et Muppy Seniors du réseau municipal et les Points Info ville, avec amplification en supports papier et interpellation dans la rue par des acteurs sous forme de sketchs.
Le « temps 2 de la révélation » apporte la réponse sous forme d’invitation à s’inscrire, avec cette fois-ci logo municipal et coordonnées téléphoniques et Internet. Si le choix de cet outsider a surpris, la quasi-totalité des agences contactées s’accorde à souligner que la consultation s’est déroulée « dans les conditions normales » d’un appel d’offres. Elles relèvent tout aussi largement le contraste avec les derniers temps de la mandature précédente qui tournaient au monopole de fait au bénéfice d’une structure.
Le copinage, c’est fini
Patrice Heintz
Sa société La Compagnie, parvenue au dernier tour de la campagne conseils de quartier, a été dédommagée pour le travail effectué, en application de la règle que Christian Ruppert s’était efforcé de mettre en place au début du mandat UMP précédent durant une mission d’intérim à la direction de la communication.
Cet antécédent de son dirigeant n’a pas rangé Grafiti au rang des « persona non grata » : l’agenda a été retenue par la nouvelle municipalité pour la campagne « Strasbourg, capitale de Noël » qui fait renouer avec cette appellation, avec sa mascotte d’un père Noël en forme de cathédrale dessinée par Raymond Scouvart.
Grafiti a également préparé l’arrivée cet automne du centre commercial Rivétoile d’Unibail-Rodamco en imaginant un concours de videopocket à l’été, la comm sur l’ouverture elle-même revenant à Dagré.
Mulhouse prolonge sa « Renaissance »
Mulhouse où Jean-Marie Bockel a été reconduit de justesse – tous ses électeurs n’ont pas apprécié l’entrée du maire ex-socialiste dans le gouvernement Fillon – continue de surfer sur la vague « La renaissance ». Issue d’un brain-storming local en 2006, elle vise à sortir de l’image industrieuse.
Instauré pour la mise en service du tram, projet qui l’illustre concrètement, associé à la création de la marque « Mulhouse-Alsace vous gagnerez à nous connaître », le terme véhicule les valeurs d’une cité entrée dans une ère post-industrielle, au profil assez atypique en Alsace, et d’une ville de culture ouverte à l’art vivant et contemporain comme en témoigne son appel à des architectes de renom.
Dominique Djian, dir comm de la Ville
Dans ce contexte, la campagne nationale radio en deux vagues (novembre 2006 et début 2007) avec Julien Lepers en clin d’œil à Questions pour un champion a revêtu une vocation de base-line, à destination à la fois d’un public de décideurs et de la population locale afin de créer un « effet-miroir » auprès des Mulhousiens plutôt prompts à l’auto-dénigrement. Une vingtaine d’entreprises locales ont cofinancé cette campagne de 400.000 euros, confiée à Euro RSCG C&0.
C’est une autre agence, parisienne – la désignation officielle est en cours – qui a été choisie comme conseil en communication stratégique à partir de début 2009. L’objectif consistera à décliner par des actions spécifiques vers des publics ciblés la campagne générique qui a été jugée positive en termes de mémorisation. Pour le préparer, la Ville envisage de construire un « baromètre d’évaluation de l’image de la marque Mulhouse-Alsace » à l’échelle locale, nationale et transfrontalière (Allemagne-Suisse).
Nancy : Quelque chose de l’âge d’or
N’étant pas concernée par l’alternance – André Rossinot y a remporté son quatrième mandat consécutif, Nancy travaille les thèmes de la mutation et de la Renaissance.
A l’occasion de l’arrivée du TGV Est, sa communauté urbaine a commandé à Saatchi & Saatchi la campagne « I Love Nancy – Osez une grande ville » (Prix CB News 2007 de la communication territoriale). La reprise du vieux logo new-yorkais enserrant un cœur rouge entre un N et un Y continue à se décliner sur les objets publicitaires diffusés par l’Office du tourisme.
Le prochain coup d’éclat événementiel se prépare pour 2012. Après avoir fastueusement célébré le centenaire de l’Art nouveau en 1999, puis les 250 ans de la place Stanislas en 2005, Nancy mettra à l’honneur son patrimoine Renaissance. Les thèmes de la mutation, de la modernité et de l’âge d’Or alimenteront une nouvelle fois les rêves de changement de la Lorraine.
Avec l’aimable autorisation de Christian Robischon
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