Une réplique de l’usine pour moteurs d’avions du site américain de Safran Aéro Composite et Albany Engineered Composites ouvre. D’ici à 2018, 400 salariés seront embauchés.
Safran Aéro Composite et Albany Engineered Composites lancent un étonnant pont aérien entre la banlieue de Boston et Commercy, dans le sud de la Meuse, où ils ont implanté en l’espace de neuf mois deux usines identiques d’aubes en fibre de carbone pour moteurs d’avion. Les deux équipementiers sont associés pour fabriquer les aubes des réacteurs de la famille Leap-X, qui mettent en œuvre une nouvelle technologie de tissage en fibre de carbone injecté de résine. Inauguré en mars, le site de Rochester fournira les pièces de réacteurs des 737 Max de Boeing. Achevée en avril, l’usine meusienne sera dédiée à l’A 320neo d’Airbus. Fruit de quinze ans de recherche, les réacteurs de la famille Leap-X présentent un débouché pérenne pour une quarantaine d’années. Implantés au cœur de leurs marchés respectifs, les sites de production s’entraideront et se répartiront la fabrication des aubes destinées à l’avionneur chinois Comac.
Des « pionniers » pour le lancement
Ces deux usines mobilisent l’une et l’autre un investissement de 90 millions d’euros, dont les deux tiers pour la phase de construction et de lancement. D’ici à 2018, elles emploieront 400 salariés chacune et produiront 30 000 aubes par an.
Il est rare d’avoir l’occasion d’ouvrir une usine, et plus exceptionnel encore d’assister au démarrage de deux sites en même temps. Nous bénéficions du retour d’expérience de Rochester, qui a parfaitement réussi son lancement. Nous sommes en contact constant pour instaurer une culture commune au sein de nos équipes françaises et américaines.
Olivier Balmat, le directeur du site Safran Aéro Composite de Commercy
La symbiose a débuté dès l’annonce du projet, fin 2011. Élus et techniciens du conseil régional de Lorraine ont accompagné les deux industriels outre-Atlantique, pour s’imprégner de l’exemple américain et organiser le recrutement de 48 « pionniers » chargés d’assurer le lancement de l’usine meusienne. Présélectionnés par une cellule dédiée de Pôle emploi, les stagiaires ont suivi une formation de 400 heures assortie de cours d’anglais intensifs et effectué jusqu’à huit séjours de deux semaines à Rochester, pour comprendre le fonctionnement du site et le répliquer à Commercy.
Pour moi qui n’avais jamais quitté l’Europe, ces stages aux États-Unis ont constitué une aventure professionnelle hors du commun. Nous y avons reçu un accueil formidable et ces échanges constituent un gage de réussite pour notre usine.
Reynald Cattier, ancien contrôleur dans une PME spécialisée dans l’industrie automobile et aéronautique qui a rejoint Safran Aéro Composite
Les pionniers ont été engagés à durée indéterminée à l’issue de leur formation.
Décidée à la demande de Gérard Longuet, sénateur (UMP) de la Meuse alors ministre de la Défense, l’implantation de Safran Aéro Composite et de son sous-traitant Albany à Commercy compense le départ des 750 soldats du 8e régiment d’artillerie, intervenu en juin 2013 après plus de deux siècles de présence. Inscrit dans la réforme de la carte militaire, ce départ représente pour la sous-préfecture de la Meuse, qui compte 6 500 habitants, la perte d’une masse salariale de 20 millions d’euros dépensée en partie sur place.
Le recrutement est un challenge majeur pour l’usine, qui devra embaucher 60 à 80 personnes par an dans un département rural qui ne compte, pour l’heure, aucune unité de haute technologie.
Notre implantation à Commercy s’inscrit dans un cycle long et sur un marché protégé. La production atteindra son rythme de croisière d’ici deux à trois ans. Cette perspective nous a permis de nouer des partenariats durables construits sur la confiance. Nous nous sommes sentis compris par les pouvoirs publics et les collectivités et avons nous-mêmes consacré de gros moyens à l’accompagnement du projet.
Olivier Balmat
Pôle emploi et le conseil général impliqués
La mobilisation du conseil régional et de Pôle emploi a permis de pourvoir les premiers postes dès le mois de janvier et d’échelonner 80 recrutements en fonction des besoins de Safran Aero Composite et d’Albany Engineered Composites.
La réactivité est le maître mot de notre démarche : il faut répondre aux besoins des deux entreprises en s’adaptant à un calendrier industriel mouvant.
Sylvie Grosmann, chargée de mission au conseil régional
Dans un bassin d’emploi où le taux de chômage dépasse 15 %, les équipementiers ont trouvé des profils de cadres, de techniciens et d’opérateurs expérimentés dans les métiers de l’industrie.
Le lycée régional Henri-Voigt de Commercy a accueilli deux pionniers dans sa section professionnelle aéronautique et composites et va ouvrir un Centre de compétences aérocomposites (CCA) dédié à la filière lorraine. En février 2015, Safran et Albany équiperont les locaux d’un métier à tisser, d’une presse à injecter et d’un centre d’usinage d’une valeur de 2 millions d’euros.
Nous avons pris modèle sur le Great bay community college de Rochester, qui a créé un centre de formation privé, l’Advanced technology and academic center, pour pourvoir aux besoins de main-d’œuvre de Safran et d’Albany.
Frédéric Carlier, le proviseur du lycée, qui s’est rendu, ainsi qu’un professeur, sur le site américain
Le CCA, qui accueillera entre 90 et 150 stagiaires par an, crée d’ores et déjà une émulation dans la région.
« Un pôle aéronautique lorrain émerge »
Jean-Paul Cauchois, directeur technique du Pôle de plasturgie de l’Est implanté à Saint-Avold (Moselle) et directeur général de Composite Integrity
Comment vous êtes-vous impliqué dans le projet Safran – Albany ?
Le Pôle de plasturgie de l’Est accueille depuis janvier les pionniers de l’usine meusienne pour leur apporter ses compétences dans les métiers liés aux matériaux composites, qui constituent le cœur de notre activité. Nous proposerons à Safran et à Albany les services de notre plate-forme de Porcelette, spécialisée dans le contrôle non destructif. Créée en joint-venture avec l’Institut de soudure, notre filiale Composite Integrity, qui emploie une dizaine de salariés, apporte déjà son expertise à des clients régionaux, nationaux et internationaux.
Le projet de Commercy aura-t-il un impact sur la filière aéronautique lorraine ?
Certainement ! Des acteurs de la taille et du rang de Safran et d’Albany boosteront forcément la filière. Nous assistons à l’émergence d’un pôle aéronautique lorrain. Créé voici quatre ans, le cluster régional Aériades a impulsé parmi sa trentaine de membres les démarches qualité qui conduisent aujourd’hui au Périmètre 4, la classification américaine la plus aboutie en matière de certifications. Nous disposons désormais en Lorraine d’une filière complète intégrant la mécanique, le moulage, l’usinage et le contrôle. Il s’agit d’une chaîne de valeur de petite échelle, mais bien structurée et en ordre de marche.
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