Le 27 juin 2017, le Pôle métropolitain européen du Sillon lorrain a organisé la conférence « Démographie et dynamiques métropolitaines » au centre Prouvé de Nancy.
Directeur général délégué à la coopération institutionnelle de la Ville de Metz, Louis-François Reitz revient sur des échanges de haute tenue qui ont mis en exergue les spécificités d’un pôle caractérisé – et parfois fragilisé – par sa dimension transfrontalière.
Quel objectif poursuiviez-vous en organisant cette conférence ?
Nous souhaitions faire le point des éléments objectifs qui démontrent le croisement de certaines courbes. Le nombre d’actifs disponibles baisse, les besoins de main d’œuvre augmentent et le vieillissement généralisé de la population enchérit le coût du travail. Ces éléments, ajoutés à une saturation de la mobilité, place la métropole transfrontalière dans une situation inconfortable. Le Sillon lorrain se trouve de surcroît en position de faiblesse par rapport à ses grands voisins européens du nord tels Bruxelles ou Francfort et du fait de la prégnance de la métropolisation du Luxembourg sur le nord lorrain.
Quels éléments de réponse les agences d’urbanisme lorraines vous ont-elles apportés ?
Dans sa comparaison avec d’autres métropoles européennes, l’Aguram (1) a démontré qu’il n’existait pas d’alternative, pour le Sillon lorrain, à une accroche au nord, c’est-à-dire au Luxembourg, à Bruxelles et à Francfort. L’Agape (2) est revenue sur l’étude Métroborder en regrettant que réflexion de l’Union européenne, initialement centrée sur l’espace Quattropole élargie au pôle métropolitain, se soit diluée dans un espace grand-régional plus vaste. L’évolution comparée Scalen (3) a démontré que le déficit d’actifs, lié à la fois à la tendance naturelle et à l’évolution des besoins, risque d’aboutir à une impasse. Le fonctionnement actuel n’est pas un pilotage, mais la juxtaposition des modèles français, sarrois et luxembourgeois. Mais il n’est plus possible de créer de l’emploi sans se préoccuper des disponibilités, de la mobilité, de la formation dans les pays voisins. Dans le transfrontalier, nous arrivons à la fin de l’aventure du chacun pour soi.
Les tendances présentées à la conférence s’inscrivent à l’horizon 2030, c’est-à-dire dans un avenir très proche. Si l’on veut faire évoluer une tendance qui risque d’étouffer notre économique, il faut d’ores et déjà travailler dans une perspective 2040.
Quel éclairage les experts invités vous ont-ils apporté ?
Laurent Davezie, titulaire de la chaire Economie et développement des territoires au Cnam, a souligné que le Sillon lorrain ne pèse pas suffisamment dans l’ensemble des métropoles françaises. L’attractivité luxembourgeoise constitue un handicap pour les territoires lorrains, qui sont confrontés à des charges supplémentaires, mais un atout pour les hommes, grâce aux flux migratoires positifs. Olivier Denert, secrétaire général de la Mission opérationnelle transfrontalière, a indiqué que le Pôle métropolitain du Sillon lorrain constituait un exemple sans équivalent en France. Il n’existe donc pas de modèle auquel on puisse se référer, mais des pistes de travail permettraient d’instaurer un système commun transfrontalier.
Ancien maire de Genève et président de la Fèdre (4), Claude Haegi missionné pour une étude sur la fiscalité transfrontalière de la Belgique à l’Italie. Il a exprimé son étonnement face à la position du Luxembourg, unique exemple de pays qui déroge au principe d’équité. Or, si on ne partage pas la ressource, on aboutit à la juxtaposition de territoires en panne et de territoires en croissance et on se pénalise soi-même. Ce n’est pas pour faire plaisir que Genève rétrocède 300 millions d’euros par an aux territoires frontaliers français, mais pour ne pas s’étouffer.
Quelles suites comptez-vous donner à cette rencontre ?
Cette conférence constitue le point de départ d’une réflexion qui se poursuivra tout au long de l’année. Dès cet été, nous constituerons des groupes de travail pour sur la thématique des hommes et des territoires dans l’espace Sarre-Lor-Lux. Nous étudierons les conditions de travail, les moyens du codéveloppement, les outils et ressources. Conduites dans un esprit transfrontalier, ces réflexions sur l’attractivité feront l’objet d’une nouvelle conférence à Metz en fin d’année.
Propos recueillis par Pascale Braun
1 – Agence d’urbanisme d’agglomérations de la Moselle.
2 – Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord.
3 – Agence de développement des territoires Nancy Sud Lorraine (ex-Aduan).
4 – Fondation européenne pour le développement durable des régions.
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