Le 4 février 2008, à Gandrange (2 500 hab., Moselle), Nicolas Sarkozy a focalisé l’attention en s’engageant, enthousiaste, sur l’avenir du complexe sidérurgique d’ArcelorMittal, dont Lakshmi Mittal, le propriétaire, avait annoncé la fermeture partielle trois semaines auparavant.
Je suis donc venu vous dire que nous sommes prêts à mettre de l’argent pour faire les investissements qui auraient dû être réalisés depuis longtemps sur le site et qui n’ont pas été faits (…). Vous n’êtes pas seuls, on ne vous laissera pas tomber ».
Nicolas Sarkozy
Hélas, c’est Lakshmi Mittal qui a tenu ses engagements en fermant, selon le calendrier prévu, l’aciérie et le train à billettes.
Convention de revitalisation.
Elus et syndicats estimaient de longue date que Gandrange ne constituait qu’une petite pièce sur l’échiquier planétaire du groupe sidérurgique. Ils se doutaient que les promesses présidentielles avaient peu de chances d’êtres tenues. Au moins ont-elles eu le mérite de focaliser l’attention des médias et d’impulser une véritable mobilisation en région.
Patrick Abate, maire communiste de la commune voisine de Talange et vice-président du conseil régional de Lorraine
Elus de tous bords et syndicats – pourtant fortement divisés lors du conflit – ont fait cause commune pour obtenir des compléments à la convention de revitalisation imposée par la loi, dont ArcelorMittal s’est acquitté a minima. Ils ont ainsi obtenu la signature d’une convention d’ancrage territorial prévoyant un investissement supplémentaire de 30 millions d’euros sur le site de Gandrange, la création d’un centre de formation aux métiers de l’acier et l’instauration d’un fonds lorrain des matériaux, doté de 20 millions d’euros. Un comité de pilotage, mis en place en février dernier, veille au respect scrupuleux de ces engagements.
Enfin, la région tout entière espère voir les hauts fourneaux d’ArcelorMittal Florange, à une vingtaine de kilomètres de Gandrange, devenir un site pilote de captage et de stockage de CO2. Cofinancé par l’Union européenne, ce projet dénommé « Ulcos » mobiliserait un investissement de 400 millions d’euros entre 2011 et 2015.
Sous-traitants touchés.
Mais pour l’heure, la détresse sociale a rattrapé la vallée de l’Orne. ArcelorMittal n’a procédé à aucun licenciement, mais la crise a ralenti et compliqué les reclassements. ArcelorMittal Florange accueille une centaine de salariés de l’ancienne aciérie de Gandrange, mais les deux hauts fourneaux du site ont été mis à l’arrêt, l’un en janvier, l’autre en mars, et nul ne sait quand ils seront rallumés.
Aux mesures de chômage partiel, qui concernent aujourd’hui un millier de sidérurgistes lorrains, s’ajoutent des licenciements en cascade parmi les sous-traitants. La chambre de commerce et d’industrie de la Moselle a identifié dans les secteurs de Metz et de Thionville 60 sous-traitants de premier rang pour le seul site de Gandrange, employant quelque 2 000 emplois. Un plan de soutien, d’un montant de 900 000 euros, abondé par le conseil régional de Lorraine, ArcelorMittal et la Drire, doit aider ces PME à se redéployer. Mais nombre d’entre elles semblent d’ores et déjà condamnées.
« Les collectivités ont bien réagi avec les syndicats »
Employé à l’usine de Gandrange depuis 1972 et militant syndical, je siège au conseil municipal de la commune depuis avril dernier. Depuis l’annonce de la fermeture de l’aciérie et du train à billettes, les collectivités ont bien réagi. Avec les syndicats, elles sont les seules à avoir opposé une résistance à Mittal. La double convention de revitalisation et d’ancrage territorial et les engagements obtenus quant à la pérennisation des hauts-fourneaux de Florange sont à mettre à leur crédit. En revanche, Nicolas Sarkozy n’a pas tenu ses promesses. Pour moi, Gandrange est devenu le symbole d’un mensonge d’Etat.
Xavier Phan Dinh, adjoint au maire de Gandrange et sidérurgiste
Le contexte
- Le 16 janvier 2009, Lakshmi Mittal annonce la fermeture de l’aciérie et du train à billettes d’ArcelorMittal Gandrange et la suppression de 575 emplois.
- Les promesses sur le maintien des installations n’ont pas été tenues.
- La crise a freiné les efforts de reclassement, une soixantaine de sous-traitants se trouvent en péril.
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