Ouverte à la fonction publique territoriale depuis fin 2009, la possibilité de recourir à l’intérim ne fait pas recette. Le nouveau dispositif se heurte à la méconnaissance du mécanisme prévu, aux contraintes budgétaires et réticences syndicales.
Rendez-vous manqué, coup d’épée dans l’eau ou partie remise ? En vigueur depuis dix-huit mois, la possibilité offerte aux collectivités de faire appel à des intérimaires ne fait pas recette. Les grandes enseignes de travail temporaire qui ont su investir les entreprises publiques et le marché de la fonction publique hospitalière paraissent bloquées aux portes de la territoriale. Aucun bilan chiffré n’est disponible, mais les exemples de missions effectuées pour le compte des collectivités sont rares et portent essentiellement sur le remplacement de courte durée d’agents de catégorie C.
Recul social
En ouvrant aux trois fonctions publiques la possibilité de recourir à l’intérim dans ces cas bien précis, l’article 21 de la loi du 3 août heurte certains principes.
Le recours à l’intérim n’a tout simplement pas lieu d’être, car il rentre en contradiction avec le statut et avec le rôle du CNFPT et des centres de gestion.
Claude Michel, délégué du bureau fédéral CGT du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale
En 2009, le syndicat a vu dans le recours aux intérimaires un précédent dangereux et a dénoncé un recul social.
Nombre de collectivités partagent cette approche. En pointe en matière d’insertion, le conseil général de Meurthe-et-Moselle préfère former des demandeurs d’emploi pour faire face à des surcharges temporaires de travail. La PMI départementale a ainsi employé durant trois mois deux personnes chargées de mettre en place un nouveau logiciel. Au conseil général du Rhône, un conseil technique social compte une trentaine de travailleurs sociaux susceptibles de remplacer les assistantes sociales malades ou en congé de maternité. Visant à lutter contre la précarité, ce renfort institué voici une trentaine d’années permet d’éviter le recours aux CDD.
Sans condamner le principe de faire appel au travail temporaire, l’Association des directeurs généraux des communautés de France y voit une disposition d’usage très restreint.
La fonction publique territoriale n’est pas une entreprise. Les collectivités disposent généralement de nombreuses candidatures en fichier et recrutent les remplaçants elles-mêmes.
Pascal Fortoul, président de l'Association des directeurs généraux des communautés de France
Un temps piqué au vif, les centres de gestion ont vu leurs craintes fondre à mesure que s’amenuisaient les espérances des agences d’intérim.
Certaines collectivités ont été démarchées par des enseignes de travail temporaire, mais elles se sont vite aperçues que le coût horaire était largement supérieur à celui des centres de gestion.
Laurent Furst, président coordonnateur des centres de gestion de l'interrégion du grand Est et président du centre de gestion du Bas-Rhin
Maire de Molsheim (Bas-Rhin), l’élu se dit attaché au principe de libre administration des collectivités, mais estime les dispositifs existants suffisants pour rendre le recours à l’intérim anecdotique.
Absence de consensus
Les collectivités sont dans l’obligation de saisir en priorité les centres de gestion pour pourvoir des postes vacants. La disposition a nettement refroidi les agences d’intérim, pourtant toutes disposées à investir ce marché encore vierge.
Notre profession a l’organisation nécessaire pour pourvoir les postes que les centres de gestion ne parviennent pas à fournir. Encore faut-il que les collectivités disposent des budgets nécessaires et en témoignent la volonté. Il faudra de la persévérance pour les convaincre que nous sommes des apporteurs de compétences, tant pour les demandes peu qualifiées que pour les postes pointus.
Mireille Thuet, déléguée du Prisme, organisation patronale du travail temporaire, dans le grand Est
Nombre d’entreprises ont jeté l’éponge ou remis leur prospection à des jours meilleurs.
Dès que s’est présentée la possibilité d’investir la fonction publique territoriale, nous avons formé une équipe de cadres à ce nouveau marché. Mais la prospection s’est heurtée à une méconnaissance totale du dispositif. Nous avons constaté que l’intérim n’était pas entré dans les moeurs des élus, ni des fonctionnaires de la fonction publique territoriale. Le recours à l’intérim ne faisait pas consensus sur le plan syndical et les marges potentielles s’avéraient très faibles. Nous nous sommes donc momentanément retirés.
Raymond Doudot, président du conseil de surveillance de DLSI, entreprise de travail intérimaire comptant 70 agences
L’enseigne ne manquait pourtant pas de candidats potentiels ayant déjà travaillé pour des organismes publics et disposés à intégrer des missions pour les collectivités. Ni la motivation, ni la qualification des candidats ne constituent d’obstacle au recours à l’intérim, capable de fournir des profils de candidats pointus. La greffe a pourtant du mal à prendre entre les mondes des agences d’intérim et de la fonction publique territoriale.
4 000
c’est le montant du contrat d’intérim, passé à défaut de réponse du centre de gestion, en deçà duquel une dispense de publicité est possible.
Références
Loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Circulaire du 3 août 2010 sur les modalités de recours à l’intérim dans la fonction publique.
Des règles identiques à celles du secteur privé
Dans son article 21, la loi du 3 août 2009 ouvre aux trois fonctions publiques la possibilité de recourir à l’intérim en cas d’absence momentanée d’un agent, de vacance temporaire d’un emploi ne pouvant être immédiatement pourvu du fait de son statut, de besoin occasionnel ou saisonnier ou d’accroissement temporaire d’activité. La collectivité a le choix entre recruter temporairement un agent non titulaire ou faire appel à une entreprise de travail temporaire. Dans ce cas, elle se conforme aux mêmes règles que celles applicables aux entreprises privées.
François Roux, délégué général du Prisme, organisation patronale du travail temporaire
« Un vivier de compétences important »
Il est trop tôt pour procéder à une évaluation qualitative du dispositif, car la loi du 3 août 2009 est entrée en application dans un contexte troublé qui a différé son démarrage. Nos adhérents, qui se trouvaient alors en pleine crise, n’ont pas considéré le marché de la fonction publique territoriale comme une priorité.
Le démarrage s’amorce peu à peu. J’entends parler de communes qui font appel à des intérimaires pour des travaux de jardinage, des remplacements ou des tâches ponctuelles, comme les missions de père Noël. Notre profession se constitue d’un réseau d’un millier d’entreprises et de 6 000 agences de proximité qui ont tissé de bonnes relations avec le secteur public de l’emploi, notamment avec l’Afpa ou Pôle emploi.
Les collectivités peuvent avoir besoin de personnel dans le cadre de recrutements, de remplacements ou de surcroît de travail ponctuel. Nous sommes présents sur ces trois thèmes. Les agences de travail temporaire peuvent présenter des candidats non seulement pour des qualifications faibles, mais aussi pour des postes qualifiés nécessitant une expérience.
Nous disposons d’un vivier de compétences important car nous offrons aux intérimaires en fin de mission des assurances dont les vacataires ne disposent pas.
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