Le rendez-vous d’art contemporain strasbourgeois s’apprête à exposer dans l’espace public une trentaine d’œuvres d’art réalisées par des artistes associés à des mécènes industriels. Apportant de la visibilité aux entreprises, de la cohésion aux équipes et de la fierté aux territoires, la manifestation compte essaimer en France entière.
Lors de la première édition de l’Industrie Magnifique, en mai 2018, le mammouth sibérien cornaqué par l’artiste Jacques Rival, a fait fort. Ruisselant en lévitation à 6 mètres de hauteur près de la cathédrale de Strasbourg, l’animal – ou plutôt son squelette âgé de 12.000 ans – a marqué les esprits bien au-delà de la capitale alsacienne. Il a ainsi assuré à ses deux mécènes, le groupe Soprema, spécialiste de l’étanchéité, et Aquatique Show, expert en effets spéciaux, un impact médiatique hors-normes. La deuxième manifestation de l’exposition d’art contemporain strasbourgeoise, qui se tiendra du 7 au 17 mai 2020, réunira 40 mécènes représentatifs du patrimoine industriel alsacien, contre une vingtaine en 2018. En acceptant de financer les œuvres, mais aussi d’inviter des artistes dans leurs locaux pour les réaliser, les entreprises engagent une co-création particulièrement stimulante pour leurs équipes.
Un trinôme pour une oeuvre
L’Industrie Magnifique croise des savoir-faire pour créer du nouveau et l’exposer sur la place publique. L’artiste apporte son idée tandis que l’entreprise fournit son savoir-faire, sa ressource matérielle et celle de ses équipes. La question des ressources humaines y est posée dès le départ.
Jean Hansmaennel, président de l’association l’Industrie Magnifique
Parmi les trente trinômes œuvre originale/mécène/place publique, le groupe américain LL Products et la PME familiale Tanneries Haas illustrent les multiples facettes d’une coopération inédite. L’entreprise spécialisée dans les pièces en plastique pour l’automobile et l’aérospatiale basée à Altorf et la tannerie artisanale de Mittelbergheim ont l’une et l’autre reconduit pour la deuxième fois leur participation à l’Industrie Magnifique pour relever le challenge d’une créativité qui casse les codes du management ordinaire.
Les L du désir
Le plasticien Benjamin Kiffel a joué de la métaphore en proposant à LL Products un ange de grande dimension baptisé « les L du désir ». L’entreprise a été immédiatement séduite tant par les références hollywoodiennes que par l’opportunité de faire valoir sa haute technicité et la dimension sécurisante de ses matériaux dans les industries automobiles, aéronautiques et spatiales.
Nous souhaitions nous ouvrir au territoire et recherchions une œuvre en rapport avec notre marque employeur. La proposition de Benjamin Kiffel était en phase avec nos valeurs et nous l’avons acceptée telle quelle.
Thierry Potier, responsable RH de LL Products
Benjamin Kiffel a présenté le projet à l’ensemble de ses 270 salariés. Une équipe dédiée réunissant des membres des RH, de la R&D, du développement, de la maintenance, de la sécurité et de l’environnement s’est ensuite constituée quasi-spontanément sur la base du volontariat pour édifier, durant les heures de travail, une imposante réalisation de 5 mètres de hauteur mettant en œuvre les matériaux du mécène. Depuis six mois, l’artiste intervient chaque semaine sur le site, demandant aux salariés des conseils techniques et acceptant volontiers leurs avis sur la physionomie de l’ange.
L’oeuvre suscite beaucoup de motivation. Elle révèle des compétences en interne et constituera certainement une fierté collective lors de son exposition dans l’espace public, puis au-delà.
Benjamin Kiffel
L’ange trônera du 7 au 17 mai place d’Austerlitz à Strasbourg, stationnera quelque temps dans un musée puis se posera définitivement en fronton de l’usine lorsque seront achevés des travaux d’extension. Au cours de la première édition de l’Industrie magnifique, Benjamin Kiffel avait réalisé pour l’entreprise Béton Fehr un mur de douze mètres de long et de trois mètres de haut incrusté de photographies gravées dans le béton. Rapatriée à l’usine après l’exposition, l’œuvre fait encore la fierté de l’industriel.
Portée aux nues
Aux tanneries Haas, la confection de 30 nuages blancs constitue un élément de cohésion et de satisfaction avant même que l’œuvre de la plasticienne Bénédicte Bach, intitulée « Portée aux nues », ne prenne son envol près de la cathédrale de Strasbourg. L’artiste avait déjà réalisé, lors de la précédente édition de l’Industrie Magnifique, une envolée de papillons chromés blancs et bleus pour les tanneries, mais les délais très courts n’avaient pas permis d’associer les 130 salariés du mécène. Celle fois, la création artistique revêt explicitement une dimension de challenge collectif.
Notre entreprise se compose d’ateliers séparés. Nos salariés se connaissent, mais ne travaillent pas ensemble. En passant successivement par chaque étape de transformation, les nuages en cuir permettront à tous de visualiser la réalité du travail de chacun.
Julien Carolillo, DRH de l’entreprise
Ce qui se passe à l’intérieur de l’atelier est encore plus intéressant que la phase d’exposition. Chaque pièce donne lieu à 80 manipulations, ce qui permet des échanges avec chaque équipe et une réflexion avec les cadres en mode transverse.
Bénédicte Bach
Egalement photographe et vidéaste, l’artiste filme à intervalle régulier les travailleurs, les machines et les œuvres pour pérenniser l’aventure. L’initiative permet de surcroit une ouverture d’esprit aux salariés, dont certains n’ont jamais rencontré de représentants de l’art contemporain.
Vers une fête nationale
Pour nombre de participants, il y aura eu un avant et un après l’Industrie Magnifique. Les entreprises comprennent l’intérêt de libérer les énergies et les artistes eux-mêmes changent leurs pratiques. Je vois la manifestation comme un grand atelier où chacun conjugue ses talents.
Jean Hansmaennel
La prochaine édition doit faire figure de show-room à ciel ouvert auquel seront conviés de nombreuses collectivités françaises. Metz, Nantes ou Bordeaux ont déjà manifesté leur intérêt pour une manifestation hautement fédératrice. Dotée d’un budget de 5 millions d’euros apporté à parts égales entre fonds privés et apports en compétences des partenaires publics, l’Industrie Magnifique compte s’imposer à terme comme une fête nationale de l’industrie.
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