Sur fond de réchauffement climatique, les conflits d’usage affleurent dans certains bassins de production d’eau minérale. A Vittel (Vosges), l’agence de l’eau tente de finaliser un plan prévoyant la modernisation des réseaux d’eau publics et une baisse des prélèvements de Nestlé Waters.
Dans les Vosges, le bras de fer autour de la ressource en eau a franchi un nouveau pallier cet été. Un collectif de cinq associations a porté plainte contre Nestlé Waters pour dénoncer neuf captages présentant des autorisations administratives lacunaires. Ailleurs, dans l’Ain à Divonne , le conseil municipal, qui avait accordé à la société Andrenius une concession de captage de 90 ans, a dû reculer face à la pression opposant locaux et des voisins suisses. En Loire-Atlantique, une association pointe les prélèvements de la Compagnie générale des eaux de source dans la nappe du Campbon, d’où provient une partie des eaux Cristalline. La contestation émerge également à Volvic (Puy-de-Dôme) ou à Alet-les-Bains (Aude). A chaque fois, les riverains dénoncent le fait que les minéraliers puisent des millions de mètres cubes d’eau minérale dans des nappes superficielles sensibles à la sécheresse ou dans les gisements profonds qui mettront de plus en plus de temps à se recharger.
Assèchement en sous-sol
Dans les Vosges, la nappe des grès du Trias inférieur (GTI), surexploitée depuis des décennies, risque l’assèchement. Trois millions de mètres cubes y sont prélevés chaque année par les collectivités locales et les agriculteurs (55 %), la fromagerie l’Ermitage (20 %) et Nestlé Waters (25 %). Or, sa capacité de recharge n’excède pas 2,1 millions de mètres cubes. Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) défini en 2009 a échoué à rétablir l’équilibre de la nappe et le projet de pipeline proposé en 2016 par la Commission locale de l’eau (CLE) a capoté trois ans plus tard.
Selon ce scénario, les collectivités auraient fait venir l’eau potable d’un village distant d’une quinzaine de kilomètres, Nestlé Waters conservant la nappe profonde pour son seul usage. Mais les associations environnementales ont vu dans cette solution l’accaparement d’un bien commun. Le minéralier a dû prendre en compte les appels au boycott venus d’Allemagne, où il exporte l’essentiel des eaux du GTI. Envenimé par des soupçons de conflits d’intérêts entre Nestlé Waters et la CLE, le débat public organisé au printemps 2019 a viré au dialogue de sourds et le projet de pipeline est définitivement tombé à l’eau.
Dernière chance
Aiguillonnée par la directive européenne qui fixe à 2027 le retour à un bon état des eaux, l’agence de l’eau Rhin-Meuse a repris la main en présentant fin 2019 un protocole de la dernière chance pour économiser chaque année 700.000 mètres cubes d’eau.
Il est rarissime que le comité de bassin reprenne la main sur la gestion locale de l’eau, mais Vittel constitue le seul point de déficit du bassin Rhin-Meuse. Or, la ressource est suffisante si les acteurs parviennent à une gestion vertueuse.
Marc Hoeltzel, directeur de l'agence de l'eau Rhin-Meuse
Aucun chiffre ne filtre encore, mais la solution pourrait passer par une modernisation des réseaux publics, qui laissent aujourd’hui perdre 25 % de la ressource, par des investissements industriels à la fromagerie l’Ermitage, qui devra limiter ses eaux de process, et par une diminution drastique des prélèvements de Nestlé Waters, voire même, par une rétrocession de certains captages du minéralier aux collectivités.
Nous soutiendrons tout projet contribuant à une gestion pérenne des ressources en eau dans les Vosges.
Françoise Bresson, directrice de la RSE et de la communication de Nestlé Waters
Le groupe a réduit ses prélèvements globaux de 13 % en dix ans. Mais pour préserver le GTI, il a augmenté ses prélèvements dans un autre réservoir, d’où il tire les marques Vittel et Contrex, ainsi que la « Bonne source » vendue en Belgique et en Russie. Le groupe pourrait déposer de nouvelles autorisations de captage. Une démarche que les associations environnementales, qui contestent déjà la légalité de captages existants, surveillent comme le lait sur le feu.
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