En 2005, la loi Handicap fixait sommait les gérants d’établissements recevant du public (ERP) de se rendre accessibles à tous d’ici dix ans. Il aura finalement fallu attendre douze ans pour qu’une véritable vague de travaux se concrétise, et que la jeune filière des PME spécialisées dans le handicap commence enfin à se structurer.
Le chantier est immense : pas moins d’un million de bâtiments doivent être mis aux normes dans un contexte de baisse des finances locales, de fragilité économique, et d’inflation normative. Pour donner un peu de souplesse sans relâcher la pression, un nouveau délai de dix ans a été accordé en 2014, assorti d’un échéancier ( les « agendas d’accessibilité programmées »). Près de la moitié des ERP sont ainsi entrés dans le processus de mise aux normes.
2017 constitue une année charnière, avec une nette accélération. Au cours des 18 derniers mois, 53 000 établissements ont été rendus accessibles, contre 50 000 durant les huit années précédentes !
Julia Zucker, en charge du dossier auprès de la Délégation ministérielle à l’accessibilité
Le montant du chantier reste impossible à évaluer, tant les coûts diffèrent entre la mise en accessibilité d’une université et celle d’une boulangerie. L’estimation ne sera pas connue avant la fin de la décennie mais se chiffrera en milliards d’euros.
C’est donc un marché à investir pour les entreprises. D’autant que, bien souvent, les collectivités, gestionnaires de transports et autres exploitants de sites touristiques, en profitent pour réfléchir, plus globalement, au moyen d’accueillir l’ensemble de la population, des parents avançant leur poussette aux personnes âgées.
La France est le pays qui a élaboré le texte réglementaire le plus complexe. Son application été difficile à mettre en place, mais a permis de mettre en œuvre un panel de solutions qui n’existe dans aucun autre pays.
Thierry Jammes, vice-président de la fédération des aveugles et handicapés visuels de France et expert européen en matière d’accessibilité
Si de nombreuses entreprises travaillent sur des sujets connexes, les PME hyper-spécialisées dans le handicap, ne sont pour l’heure pas très nombreuses : la filière n’en compte pas plus d’une trentaine. Mais elles ont pu prendre appui sur les associations qui jouent un rôle de sentinelles et s’impliquent dans leur R&D.
Des experts non-voyants ont ainsi inspiré à des fabricants d’escalators des solutions permettant de signaler l’imminence de la marche et le sens de la circulation. A Valenciennes, Axe Audio a développé des équipements incorporant une boucle électromagnétique pour permettre aux malentendants d’accéder aux administrations ou à la réception d’un hôtel. A Courbevoie, NB Solution, fondé par les concepteurs de l’accessibilité à Disneyland Paris, déploie son assistance à maîtrise d’ouvrage auprès de bailleurs et de sites touristiques. A Saint-Maur-des-Fossés, Tadéo a conçu des plates-formes de transcription instantanée de la parole et de vision-interprétation en langue des signes.
Sur la base des préconisations réalisées par de grosses structures d’audit et de certifications, les PME ont apporté des solutions pragmatiques fondées sur l’accessibilité réelle. Elles ont développé un savoir-faire qui constitue un enjeu à l’export.
Sylvain Denoncin, président de l’Association française des professionnels pour l'accessibilité aux personnes handicapées
L’AFPAPH contribue à l’élaboration des normes Afnor et participe aux travaux de la Commission européenne pour édifier un socle législatif. Au terme d’une décennie d’efforts, la jeune filière espère accéder de plain-pied à un marché qu’elle a elle-même balisé.
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