Avec le régime local d’Alsace-Moselle, les mutuelles étaient exposées à une concurrence moins rude que leurs consoeurs des autres régions. Cet âge d’or semble révolu puisqu’elles sont désormais attaquées de toutes parts, en particulier par les bancassureurs.
Climat plutôt morose chez les mutualistes du Grand Est, confrontés de plein fouet à l’intensification de la concurrence. En effet, depuis que la santé s’est révélée rentable en contrats individuels, le Grand Est se trouve sous les feux croisés de la bancassurance et des Caisses d’épargne, historiquement bien implantées dans la région, ainsi que des… acteurs mutualistes nationaux.
La Champagne-Ardenne a assisté à une forte attaque de la bancassurance, qui nous a fait perdre des adhérents. Nous commençons d’ailleurs à voir revenir les premiers déçus de ces offres alléchantes qui, au final, n’offrent pas grand-chose ! Pour nous démarquer, nous intensifions notre service auprès de nos adhérents.
Francis Bouchez, directeur de la mutuelle Altéis (complémentaire santé et prévoyance) à Reims
Malgré une première panne de croissance, il a bien l’intention de ne pas céder de terrain face à une concurrence exacerbée.
Une région convoitée, malgré son régime spécial
Mais les coups de semonce ne viennent pas seulement du secteur bancaire. Longtemps eldorado des mutuelles régionales, le Grand Est commence à intéresser les acteurs nationaux. Jusqu’alors oubliés en raison de leur faible taux de mutualisation dû au régime local, les deux départements alsaciens et la Moselle voient arriver les grands groupes.
C’est le cas de la Matmut, qui va confier la gestion de son activité santé à Prévadiès, première mutuelle interprofessionnelle de France dont l’ancêtre Préviade est née à Nancy. Autre nouveau venu, Quatrem, pour laquelle le groupe Médéric nourrit de grandes ambitions. Enfin, le futur décret régissant les modalités de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires territoriaux attirera des acteurs jusqu’alors absents, comme la Mutuelle nationale territoriale (MNT).
Nous manquons cependant de visibilité. À la différence d’autres régions, nous ne disposons d’aucun vécu avec ces autres composantes du monde mutualiste.
Jean-Marc Schmidt, directeur général de Mut'Est à Strasbourg
L’Alsace ne pourra cultiver davantage sa différence, faute d’avoir pu mener à bien les rapprochements, voire les mouvements de fusion nécessaires entre les mutuelles de la place, comme l’espérait François Kusswieder, président de la Mut’Est. En Lorraine, Altéis et la Mucim-Stanislas n’ont pas encore franchi le pas, la mutuelle lorraine préférant consolider ses bases. Quant aux mutuelles franc-comtoises, huit d’entre elles ont finalisé leur regroupement sous la bannière Adréa. La Mutuelle de Franche-Comté (MCF), à Besançon, vient de se faire absorber par la Société mutualiste de l’Est (Smutie). Cette mutuelle nancéienne mise sur la croissance après avoir fusionné il y a deux ans avec son homologue vosgienne, la Smaciv, mutuelle historique des artisans meurthe-et-mosellans. Dans l’ancien bassin ferrifère de Lorraine, cinq petites mutuelles se sont également regroupées pour créer l’Union nouvelle alliance mutualiste (Unam).
Résister aux dérives et dépasser ses frontières
Outre les assauts du marché, les mutuelles sont fragilisées par le consumérisme d’une frange de leurs adhérents. Ainsi, la Mutuelle complémentaire d’Alsace (MCA) a été confrontée à une explosion des dépenses d’optique, l’obligeant à rectifier dès cette année ses conditions trop avantageuses ! De son côté, la Mutuelle de l’Est a mis à jour des pratiques peu scrupuleuses de cliniques spécialisées.
En ces temps difficiles, la communication revêt un caractère essentiel. La Mutuelle Vie et Santé (MVS) enregistre une année 2007 quelque peu décevante et veut reconquérir ses parts de marché par une réorientation de sa politique de communication.
À en juger par les campagnes télé ou radio des assurances, des banques et des grandes mutuelles, la santé devient un marché à part entière. Pour contrer cette concurrence, nous privilégions désormais les mailings pour réaliser une prospection de proximité.
Nicolas Descloux, directeur marketing de MVS
La Mutuelle complémentaire d’Alsace (MCA), qui vient de conclure une convention avec Swiss Life pour cibler les très petites entreprises (de trois à cinq salariés), a lancé un site Internet.
Nous souhaitons ainsi dépasser les frontières de l’Alsace, où se trouvent 80 % de nos adhérents, en proposant devis et bulletin d’adhésion en ligne.
Robert Klumpp, son directeur général
Sortir de la santé, mais où s’arrêter ?
À la recherche de diversification, les mutuelles misent le plus souvent sur l’action sociale. En Champagne-Ardenne, Altéis, sous le slogan « Offrir bien plus qu’une couverture santé », a notamment mis en place une délégation spécialisée dans l’accompagnement des adhérents en grande difficulté. Dans le bassin houiller de l’Est mosellan, Micom-Preicom privilégie, pour affirmer son souci de prévention, l’organisation de réunions publiques sur des thèmes de santé. Certaines ont déjà réuni jusqu’à 500 personnes. Implantée à Forbach et à Freyming-Merlebach, la mutuelle, historiquement spécialisée dans le régime minier, s’apprête à ouvrir une nouvelle agence à Sarreguemines.
Mut’Est a pour sa part créé au printemps la filiale Mut’Est Services. Après avoir étoffé ses offres pour les artisans-commerçants et professionnels libéraux dans la France entière (sauf Paris), la plus grande mutuelle de la région étudie divers axes de développement.
Jusqu’où faut-il pousser la diversification ? Faut-il rester cantonné dans les activités santé ?
Robert Klumpp
Comme lui, bien des mutualistes se trouvent à la croisée des chemins.
en collaboration et avec l’aimable autorisation de Marie Luginsland
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