Classée parmi les plus beaux villages de France, la bourgade médiévale aménage avec soin sa dernière parcelle constructible. Très, voire trop attractive, la commune frontalière a déployé un urbanisme écologique et social pour contrecarrer la pression foncière.
Voici 30 ans, les bâtisses de Rodemack ne valaient presque rien et son foncier, guère d’avantage. Le village millénaire, pris en étau durant des siècles entre belligérants français, allemands, luxembourgeois, espagnols ou autrichiens, a dû sa survie à sa forteresse surplombant la Moselle. L’apaisement né de l’Union européenne, l’essor économique de la communauté de communes de Cattenom et environs, puis l’irrésistible attractivité du Luxembourg ont révélé les charmes de ce village de 1.270 habitants.
Trop d’atouts
Au début du XXIème siècle, la commune s’est brusquement découvert trop d’atouts. Trop typique, trop bien doté en services de proximité, trop proche du Luxembourg, le bourg médiéval, classé depuis 1987 parmi les plus beaux villages de France, risquait de devenir une cité-dortoir de luxe. Pour contrer ce danger, Gérard Guerder, qui a mis fin au printemps 2020 à trois mandatures municipales successives, a lancé en 2008 un projet d’urbanisme innovant sur la dernière parcelle disponible de son ban communal. Implantés sur 7,5 hectares en surplomb de la cité médiévale, les Jardins du Castel témoignent d’un souci écologique et social dans l’un des secteurs les plus convoités de Moselle.
Face à une pression foncière croissante, la commune a voulu maîtriser les prix des terrains, les flux démographiques et l’impact environnemental de son projet pour ne galvauder ni son charme, ni sa réputation.
Franck Brunier, responsable du projet Rodemack à la Sodevam
Cette société d’économie mixte spécialisée dans l’aménagement, la construction, les services et les études des projets mosellans accompagne depuis 2008 les avancées des Jardins du Castel, qui comptent aujourd’hui une soixantaine de lots bâtis ou en cours de construction. La première tranche a vu l’émergence de constructions à des tarifs particulièrement avantageux compris entre 165 euros et 180 euros au mètre carré, soit 20 % de moins que le niveau standard de cette bande frontalière. La deuxième tranche, lancée en 2014, affiche des prix revalorisés à 210 euros au mètre carrés, contre des seuils de 250 euros couramment pratiqués dans les communes frontalières voisines. Bouygues a loti une première sous-tranche de 13 maisons destinées aux salariés du CNPE de Cattenom. Dix autres lots seront achevés d’ici à l’été. La troisième et dernière phase s’engagera sous l’égide du prochain maire au terme de la révision du plan local d’urbanisme.
Entraide et densité
Lancé en 2008 dans la foulée du Grenelle de l’environnement, le lotissement des Jardins du Castel a affiché dès son essor de grandes ambitions urbanistiques et sociétales.
Reposant sur des principes de mixité, de densité et d’entraide, la conception de ce quartier a engendré beaucoup de satisfactions. Nous avons tenu bon sur de nombreux points, même s’il nous a fallu composer avec certaines évolutions.
Pascal Riff, concepteur du quartier
L’ex-gérant edu cabinet d’urbanisme mosellan Territoires Durables conseils a assuré la maîtrise d’oeuvre du projet de 2008 à 20018. L’agence d’urbanisme versaillaise Urbicus lui a succédé. Les immeubles collectifs initialement prévus suscitant peu d’appétence, les promoteurs les ont remplacés par des maisons passives accolées. De même, la voiture, qui devait rester aux portes du quartier, y a repris place. Les maisons intègrent toutes la norme RT 2012, une demi-douzaine d’entre elles répondant aux critères des constructions passives.
Se calquer sur l’eau
Le lotissement a épousé l’histoire et la topographie du site. Il était certes impossible de reproduire l’architecture médiévale de la cité, avec ses habitations creusées dans la roche et ses escaliers sculptés à flanc de falaise. Mais les Jardins du Castel ont repris le concept des rues courbes et des maisons accolées. L’eau, qui affleure en maints endroits de la terre calcaire et des roches affleurant le sol, a guidé la conception du quartier jusque dans ses caractéristiques les plus innovantes.
Nous avons validé techniquement un mode de gestion des eaux pluviales sans collecteur, en imposant aux habitants de récupérer ces eaux soit par des noues et des massifs drainants, soit par des bacs de collecte en sous-sol. Le système fonctionne très bien et met le village à l’abri des débordements et des inondations.
Gérard Guerder
L’ancien maire se félicite également des voiries sans trottoirs, où les écrans végétaux qui poussent sur les noues obligent les automobilistes à la prudence plus sûrement que les gendarmes couchés au long de routes rectilignes.
Une greffe soignée
Validé par les architectes des Bâtiments de France, le cahier des charges des Jardins du Castel prévoit des placettes arborées, des jardins partagés et un souci de biodiversité jusque dans les plantations privées, les haies végétales utiles aux oiseaux et aux insectes étant plus conseillées que les murs de troènes. Des chemins sinuent déjà entre les jardins pour permettre aux enfants de rejoindre l’école sans obliger leurs parents à les déposer en voiture. Dans sa troisième phase, le lotissement intégrera de nouveaux cheminements reliant la frange du village à son centre. Les quatorze dernières parcelles, dont la commercialisation ne fait aucun doute, seront connectées au gymnase et à une future aire de jeux. Fier de compter parmi les plus beaux villages de France, Rodemack aura ainsi assuré à ses Jardins une greffe soignée.
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