Républicain lorrain 6 octobre
Dans un ouvrage richement documenté, Pascale Braun, journaliste économique, démontre comment la dimension frontalière de la région Grand-Est apparaît au cœur de son identité.
D’une formule, Pascale Braun résume 18 mois d’un méticuleux travail d’investigation mené sur la région Grand-Est : « Les initiatives les plus prometteuses sont aux frontières », condense la journaliste messine, cofondatrice du site correspondanceslorraines.fr, sur lequel son livre sera prochainement en vente.
Un constat dont l’intéressée fait le postulat dans l’ouvrage L’Europe entre voisins (correspondanceslorraines.fr) bouclé avec la complicité du journaliste économique Christian Robischon. D’entrée, le voisinage de Grand- Est avec la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique apparaît comme le principal atout et marqueur identitaire d’un territoire par ailleurs victime de la désindustrialisation et du chômage. Avec 189 700 navetteurs en transit quotidien de la France vers l’un de ses quatre voisins, la mobilité témoigne d’une vraie dynamique territoriale. Problème, « ces navetteurs n’intéressent pas grand-monde », se désole Pascale Braun. « Notamment les élus qui jugent l’affaire compliquée et pour lesquels ces travailleurs ne constituent pas vraiment un enjeu électoral. »
Etanchéité
D’autres handicaps subsistent. Ainsi en dépit de la constitution de la nouvelle entité politique et administrative, l’étanchéité entre les ex-Régions reste de mise. La Lorraine, l’Alsace ou Champagne-Ardenne ignorent les règles de bon voisinage qui prévalent ailleurs. La Suisse applique un principe de péréquation à l’égard des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie. Trop méconnu ici. « Si la Lorraine bénéficiait d’un tel accord, elle réglerait en cinq ans les aménagements nécessaires sur l’A 31. »
Casse-tête
Rétif à une telle initiative, le Grand-Duché pourrait, selon la Messine, se montrer plus ouvert à la constitution d’un fonds de péréquation transrégional. L’intéressée regrette aussi qu’en dépit d’un bon bilan, les eurodistricts n’aient pas les compétences permettant d’engager des projets aux frontières. Outre la mobilité, Pascale Braun retient le numérique comme porteur de développement : « Les connexions avec le Luxembourg laissent entrevoir un codéveloppement », indique-t-elle, soulignant en outre l’attractivité croissante de Metz pour les start-up. A contrario, la création pour 121 M€ d’un eurohub à Bettembourg, prévoyant une montée en charge de 150 000 tonnes/an de marchandises à 650 000 t/an, risque d’accentuer le fossé avec un voisin qui a déjà bien du mal à fluidifier l’A 31.
« Les populations doivent encore construire un sentiment de voisinage. » Là, « ça reste compliqué dans tous les domaines ». Exemple de casse-tête : « Quelles équivalences pour nos 1300 diplômes spécialisés et les 350 existants en Allemagne ? » Dans 30 ans, tous trilingues ? « On fait une montagne de l’apprentissage de la langue du voisin, mais en réalité jeunes Allemands et Français communiquent déjà en anglais. » Pour Pascale Braun, aucun doute, l’utopie a encore un avenir : « Il faudrait une gouvernance générale qui laisserait une place à la démocratie participative. Le grand absent de la politique transfrontalière, c’est le citoyen. »
Xavier BROUET
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